REPONSE AU Pr. SINJOUN POKAM AU SUJET DE LA TRIPARTITE

REPONSE AU Pr. SINJOUN POKAM AU SUJET DE LA TRIPARTITE

Qui trahit qui? Qui trahit quoi?

A la mémoire de mes deux’’ amis et frères’’, les regrettés Pius Njawe et Antar Gassagay...

C’est à dessein que j’ai laissé  retomber  la poussière soulevée il ya quelque temps par la  sortie-plaidoirie   du Pr.  Sinjoun  Pokam portant un jugement sur la portée historique  et les obligations politiques générées par la CONFERENCE  TRIPARTITE de 1991. A travers une acrobatie intellectuelle assez surprenante dans laquelle il a abondamment appelé  à sa rescousse le Philosophe Eboussi Boulaga,   il a proclamé  que  c’ est ‘’l’opposition institutionnelle’’ dont ‘’Célestin Bedzigui est une  figure extrême’’-  excusez du peu !-, ‘’complice de l’Etat néocolonial,’’ que c’ est cette ‘’opposition institutionnelle’’ et non Biya qui a trahi le peuple a la Tripartite (sic). Je savais l’existence d’un courant d’opinion pour qui la TRIPARTITE  a été une ‘’trahison’, un terme inapproprié en saine politique où on peut avoir des divergences sans se taxer de ‘’ traitres’’. J’y  découvre  Sinjoun Pokam à qui,  contrairement au  label  négatif qu’ il m’ accole,  je concède la qualité de ‘’ compagnon de  lutte’’, bien qu’il se révèle être un personnage  troublant par ses contradictions.  J’enveloppe la réponse que je lui adresse dans la sérénité que procure la maturité et la distance du temps. Je la veux informative et pédagogique, m’appesantissant  sur  les circonstances et les implications politiques de la Tripartite dont l’esprit et les termes de l’Accord pointent un doigt accusateur sur la forfaiture permanente de Biya. Je la clôture en m’interrogeant sur le biais du prisme   à travers lequel  Sinjoun Pokam semble avoir fait la lecture de ce ‘’ Moment Historique ’’.


HISTOIRE

En 1991, le Cameroun vit encore sous le système de la  dictature féroce mise en place par  Ahidjo. Paul Biya, le successeur qu’il a imposé aux Camerounais, les deux hommes étant liés par une relation suspecte née dans l’écurie d’Aujoulat et  sur laquelle l’histoire n’a pas fini de nous renseigner, en a conservé toutes les structures répressives, tendance aggravée par la tentative de coup d’Etat du 6 Avril 1984. L’ouverture démocratique engagée quelque mois plus tôt est sujette  à  moult entraves entretenues par le régime. C’est dans ces conditions que sont légalisés les premiers  Partis Politiques, dont le rôle d’exprimer par la voix de leurs leaders les aspirations du peuple est énoncé dans la Constitution. D’être nés dans ces conditions douloureuses suffit-il pour que ces  Partis soient stigmatisés comme ‘’ Opposition institutionnelle complice de l’Etat néocolonial’’ comme le fait emphatiquement   Sinjoun Pokam ? Assurément NON !

Lorsque, associés  à des organisations de la Société Civile au sein de la ‘’Coordination’’, les Partis Politiques lancent en Mars 2011, un mouvement demandant une Conférence Nationale Souveraine, revendication appuyée par une campagne de ‘’Villes Mortes’’, ces  partis et leurs leaders sont dans leur rôle légitime et leur fonction légale. La question posée par Sinjoun Pokam de savoir ‘’ Qui a formellement autorisé Célestin Bedzigui et les leaders des partis politiques de l’opposition à entrer en dialogue avec le Président de la République ?’’, cette question brille par une trivialité dont je me garde de le soupçonner.

  Les ‘’ Villes mortes’’ se traduisent par l’arrêt de toute activité commerciale (marchés, transports publics) et la cessation de la fréquentation des écoles notamment dans les grandes villes  a l’ exception de Yaoundé. Le mouvement s’enlise et six mois plus tard, les conséquences catastrophiques sur les conditions de vie du petit peuple qui plonge chaque jour d’avantage dans la misère sont visibles, Biya  refusant toute concession et  étant soutenu par le complexe des entreprises publiques, les forces armées et le lobby pétrolier et des  comptoirs néocoloniaux. Pendant ce temps, le nombre de morts à travers le territoire national augmente et frise les  500. De manière manifeste, le peuple essoufflé  attend des  Politiques de prendre une initiative pour sortir de cet enlisement.  Devrions- nous alors  nous dérober  en  laissant un peuple désarmé s’enfoncer dans la misère et le pays dans la paralysie,  face à un régime sanguinaire ? Ma réponse et celle des autres leaders  a été : NON ! Par civisme, par patriotisme  nous avons choisi d’agir au lieu de laisser pourrir.

CHOIX STRATEGIQUE ET DECISION TACTIQUE

Au cours des travaux de la Coordinations et des consultations informelles, la décision stratégique d’une démarche de type insurrectionnel pour arriver à l’établissement de la démocratie a révélé de sérieuses divergences. En effet, la réussite de cette option dont le plan de blocus de Yaoundé pouvait être une des composantes  nécessitait, selon la théorie révolutionnaire que soit remplies trois conditions : Premièrement, l’existence d’une avant-garde ; deuxièmement, l’existence d’une idéologie figurant le projet de société à bâtir en substitution du régime à renverser ; troisièmement, le noyautage par l’avant garde révolutionnaire des piliers sur lesquels s’appuie le régime. Exemple tiré de l’Histoire : Russie 1917. Les Bolchevicks, avant-garde révolutionnaire, animé par le marxisme, idéologie, avait noyauté le prolétariat industriel et l’armée russe, sur lesquels était appuyé le régime du Tsar, pour réussir la révolution d’Octobre 1917. Autre exemple : Chine 1949. Les Maoïstes, avant-garde révolutionnaire, animés par le Maoïsme, idéologie, avait pris le contrôle de la paysannerie, pilier du régime impérial chinois, pour réussir la Révolution de 1949.

Dans notre cas en 1991, nous n’avions ni une avant-garde révolutionnaire, la Coordination n’en avait pas la cohésion, ni une idéologie comprise comme un projet de société, n’ayant pas pu pas donner en six mois un contenu à la Conférence Nationale Souveraine qui était restée au stade de slogan ; à la manière de Sinjoun Pokam qui dans son propos se limite à célébrer les moyens- incivisme fiscal, désobéissance civile- en gardant un silence lourd sur une  fin- projet de société- elle le reste. Comble de tout, nous n’avions pas noyauté les forces de sécurité et le complexe administration- industries d’Etat- lobby Pétrolier qui continuait d’alimenter Biya en ressources de toute nature.

Le choix stratégique d’une confrontation insurrectionnelle  était dès lors d’une absurdité manifeste, sauf à répéter l’erreur historique commise par l’UPC en 1955 comme me le dit en son Palais le Prince Dicka Akwa en Juillet 1991.

L’alternative stratégique était de trouver une solution ‘’ pacifique’’. Lorsqu’ il s’agit de résoudre pacifiquement une crise politique aigue, deux  options sont ouvertes: l’élection ou la négociation.  D’évidence, la tenue immédiate d’une élection n’était  pas matériellement envisageable.  Seule ne restait ouverte que la voie d’une négociation dans un cadre non- institutionnel et devant déboucher sur ce qui généralement est appelé un ‘’compromis  ou pacte républicain’’. Cette option était d’ autant plus appropriée qu’elle permettait de débusquer  Biya de derrière le bouclier constitutionnel d’ou il  criait :  ‘’ La Conférence nationale est sans objet’’,  pour l’engager publiquement dans une solution où l’étendue de son pouvoir était réaménagée  et la durée clairement et explicitement  limitée. Et c’ est ce que nous avons fait.

Voila les déterminants politiques, stratégiques et tactiques de la Conférence  TRIPARTITE. Dans la configuration des rapports de forces de l’époque, c’était le CHOIX JUSTE, le SEUL CHOIX JUSTE d’ ailleurs.  

Biya a fait signer par son Premier Ministre  Hayatou la Déclaration Constitutionnelle de la Tripartite qui prévoyait entre autre ‘’un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une fois.’’C’était un Pacte signé entre le Peuple et Lui. L’opposition a rempli sa mission et joué son rôle  en trouvant une issue politique a une crise politique et en mettant fin aux souffrances des populations. Le Peuple a tenu parole et a arrêté les ‘’ Villes Mortes’’ dès le lendemain comme nous le lui avions demandé, consacrant de manière incontestable la légitimité de notre démarche. Biya n’a pas respecté la sienne, il a trahi le peuple camerounais. Depuis vingt ans,  par ses multiples manipulations  de la Constitution et des Lois pour se maintenait au pouvoir, il  continue de perpétrer cette trahison. Pour cette raison, il ne mérite ni respect sur le plan personnel, ni considération sur le plan politique. En affirmant le contraire, Sinjoun Pokam s’expose à partager le déshonneur de sa forfaiture en même temps qu’il suggère de sérieuses interrogations sur sa crédibilité à lui.  

CREDIBILITE

 Ici vient  le moment de s’interroger sur la crédibilité de Sinjoun Pokam  à se poser en pourfendeur de  ’ l’opposition- institutionnelle allié du pouvoir néocolonial’’ (sic) qu’il accuse d’ ‘’ avoir trahi le peuple’’. Un tel propos emporté laisserait   penser qu’on ne le verrait jamais s’associer de loin et encore moins de près aux activités de la- dite opposition.

Que nenni !

Regardez l’image ci contre. Elle remplace cent plaidoiries.  On y voit le ‘’Philosophe historiquement engagé’’ (sic)  Sinjoun Pokam, en 2004,   en compagnie des leaders de  la  Coalition des Partis Politique de l’ Opposition dont  Moukouri Maka du MDP, Marcel Yondo du MLDC, Adamou Ndam Njoya de l’UDC, John Fru Ndi du SDF, Issa Tchiroma  pour le ‘’Mémorandum du Nord’’, Antar Gassagay du PNP, Célestin Bedzigui de l’UNDP, et Sanda Oumarou ...

Sans violer un secret,  aux travaux qui étaient consacrés à la sélection du candidat unique de l’ ‘’opposition’’  à la Présidentielle de 2004, il est intéressant de souligner que c’est  Sinjoun Pokam qui en salle,  a proposé  Edouard Akame Mfoumou, l’ancien Ministre des finances, un épigone du système néocolonial dont Biya est le Pro Consul au Cameroun. Ceci suffit pour proclamer, comme une autre proclamation, que le Pr Sinjoun Pokam n’a aucune crédibilité pour  juger l’opposition. Le sociologue Canadien Marshall Mac Luhan, pape de la Théorie des Médias,  dans son ouvrage fondateur  ‘’ Pour comprendre les Médias’ paru en 1964, a énoncé la loi suivante : ‘’Le message, c est le médium... ‘’.  Cette loi appliquée à la situation actuelle fait que son incohérence ôtant toute crédibilité  à Sinjoun Pokam, son message selon lequel  ’l’ Opposition a trahi le Peuple  à la  Tripartite’ ,  n’en a absolument  aucune.  

EGOTISME POLITIQUE

Je vais parler d’ ’’ l’égotisme’’ en me défendant  de me livrer à une attaque personnelle. Ceci pour relever que l’une des raisons de Sinjoun Pokam d’aller contre la Tripartite tient à ce d’ après lui, la   Société Civile.  Faut –il en admettre que cela est exact parce que Sinjoun Pokam ou ses organisation-parents étaient absentes  des  travaux de la Tripartite, la Société Civile n’y était pas représentée. NON ... La Société Civile était représentée par ses figures majeures  de cette époque qui  étaient les  Soppo Priso, Kadji Defosso , et pour l’ Ordre des Avocats Maitre Edmond Loe,  j’ en passe... J’ai  glissé  à  regret sur l’égotisme, ce dangereux syndrome...

Au moment où Biya est, en dépit des apparences,   acculé, le juriste qu’il est sachant qu’il perpétrerait une grave violation de la Loi s’il impose sa candidature et ‘’ hidjacke’’ une fois de plus le fauteuil présidentiel, en violation des termes de l’Accord de la Tripartite et de la Loi qui en a découle, toutes choses qui fondent son inéligibilité,   voila que comme Zorro, Sinjoun Pokam surgit pour lui offrir un bâton ou s’accrocher.

Ne doit- t- on pas y trouver une indication de la réponse à la question : Qui  ‘’trahi’’ le Peuple Camerounais ? Oui. Et cette réponse, implacable, est : Ce sont les  intellectuels comme le Pr. Sinjoun Pokam, alliés de Biya, alliés objectifs  qu’ il apparait être ou organiques comme le sont d’ autres,  qui, au lieu de l’éclairage qu’en leur qualité ils devraient   apporter au débat  pour consolider la mémoire de luttes de notre peuple, cèdent  à l’ ivresse de  se muer  en véritables charlatans de la pensée politique, dévorés  par un  égotisme exacerbé madré de   trivialité, prôneur d’un populisme en mal de validation historique.

Entre ‘’ le souhaitable et le possible’’, nous les Hommes Politiques, dans une posture prométhéenne, choisissons ‘’le possible’’, nous imaginant en Sisyphe heureux... quand même.

Quelqu’ un n’a-t-il pas dit que la politique est une affaire trop sérieuse pour que les Philosophes s’y aventurent ?  

 

Celestin Bedzigui

Chevalier de l’Ordre de la valeur

Homme Politique



15/08/2011
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