Réponse à Marafa: Grégoire Owona, le brave après la bataille

YAOUNDÉ - 22 Octobre 2012
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel

Le SGA du Rdpc a curieusement retrouvé sa voix. Le tambour major du parti au pouvoir n'est-il que l'homme de la 25 ème heure?

Grégoire Owona a retrouvé la parole. Mercredi 17 octobre, le SGA du comité central du Rdpc a rendu publique une lettre qui se veut une réponse à la cinquième missive de Marafa Hamidou Yaya. Une correspondance d'autant plus reprise et commentée que la parole se raréfie au sein du Rdpc. Depuis l'éditorial de Jacques Fame Ndongo du 30 mai, c'est bien la première fois qu'un haut responsable du parti au pouvoir charge l'encore membre du bureau politique Marafa Hamidou Yaya. Dans un style approximatif, la lettre de Grégoire Owona est d'un fond pauvre qui se limite à son titre. «Marafa: Non à l'insurrection, le changement est déjà en cours.» Le SGA du Rdpc, présent samedi 13 octobre au congrès du SDF, accuse l'ancien Minatd et Fru Ndi de complot insurrectionnel. Pas moins!

S'appuyant sur la déclaration de Marafa relative à l'urgence d'un changement qui n'a pas à attendre la fin du septennat actuel de Paul Biya, Grégoire Owona induit que le pensionnaire du Sed appelle «au soulèvement populaire et à la sédition.» A part que les mots «insurrection» et «sédition» n'apparaissent pas dans la cinquième lettre de Marafa, le SGA du Rdpc n'envisage pas le changement par une victoire de l'opposition aux prochaines élections législatives ou par simple démission. Il invoque un changement en cours pour un Renouveau qui, en trente ans, a ramené le niveau de vie des Camerounais en deçà de où il l'a trouvé. On comprend pourquoi cet ancien député du Wouri fut longtemps le souffre-douleur de Joseph Charles Doumba à cause de l'inconsistance de ses postures.

L'ancien secrétaire général du Rdpc est sans doute celui qui a le mieux cerné la personnalité de celui qui fut son adjoint entre 1992 et 2007. Interpellé au sujet du livre écrit par Grégoire Owona avec ce titre, somme toute osé à l'époque de sa publication, «Rdpc: un bateau dans la tourmente?» (Editions Intermedia, 1995), le Blanc de l'Est rétorquera: «Le Rdpc n'est pas dans la tourmente; c'est peut-être l'auteur de cet ouvrage qui a l'esprit tourmenté.» Joseph Charles Doumba ne goûtait pas la vacuité politique du fils de Ngomedzap et l'éloignait des dossiers sérieux. Par contre, il riait bien de le voir se trémousser au milieu des groupes de danse du Rdpc ou faire le guignol lors des réceptions du parti.


OPPORTUNISME

Privé de parole à l'intérieur, Grégoire Owona a toujours pensé que parler à tous les micros qui se présentent devant lui compenserait cette censure et donnerait l'impression d'un tandem au comité central du Rdpc, où Doumba pense et lui, explique. Il s'est donc pris au jeu du paraître pour cacher l'être. Comme il ne savait pas toujours les choses, parce qu'on ne lui disait pas tout, il parlait très souvent pour rien dire. Mais il parlait, il parlait. Beaucoup trop. Il a fini un jour par expliquer l'inexplicable.

La veille de l'expiration du mandat du président national du Rdpc, le 6 juillet 2006, alors que toute la hiérarchie du Rdpc redoute ce moment où Paul Biya risque entrer dans l'illégalité de son mandat qui doit s'achever à minuit, Grégoire Owona se fend d'une déclaration curieuse en mi-journée sur la Crtv. En gros, on retient de son propos que les dates n'ont qu'à aller se rhabiller, Paul Biya est président du Rdpc avant et après l'échéance de son mandat. A 23 heures, Paul Biya convoque sur le fil le congrès extraordinaire qui doit renouveler son mandat. Au grand soulagement des Rdpcistes, et au grand dam de ce squatteur médiatique, qui subissait là un désaveu public. Mais il n'en a pas tiré leçon, comme pour donner raison à ses pourfendeurs qui affirment que le fond lui importe peu, pourvu qu'on le voie ou qu'on parle aussi de lui. Parler pour Grégoire Owona, c'est exister. Les critiques de l'opposition, les accusations sur les «biens mal acquis» du Président, les observations acerbes des partenaires étrangers du Cameroun, les ONG de ... à chaque fois, Grégoire Owona fait barrage de ses mots, mais personne ne s'en souvient vraiment.

C'est sur cette maxime qu'il à construit sa trajectoire politique au sein du Rdpc, mieux encore quand il a été nommé en 2002 ministre délégué à la présidence chargé des Relations avec les Assemblées. Il se vante alors d'être le rare Camerounais qui possède un bureau dans les trois palais tes plus importants du pays: au palais de l'Unité, au palais de Verre et au palais des Congrès. Pourtant, au Rdpc, on sait que quand c'est Owona qui parle, c'est que le parti au pouvoir n'a rien à dire. Personne ne peut en effet rappeler une phrase de mémoire qui soit sortie de la bouche du SGA du Rdpc.

Seulement, même si son discours sonne aussi fort qu'il est creux, il a au moins le mérite d'exister, d'occuper l'espace. Ainsi quand Grégoire Owona prend la tête des carrés des militants du Rdpc au défilé du 20 mai sur le boulevard du 20-Mai, il est applaudi, y compris par le Président. Un militantisme aussi démonstratif que rare et Paul Biya a su le contenter en le nommant à un vrai poste le 9 décembre 2011: ministre du Travail et de la sécurité sociale. Mais ce jour-là aussi commence l'affaire Marafa, avec sa tournée fort médiatisée au Grand-Nord puis son arrestation le 16 avril. Le porte-voix du Rdpc a-t-il quelque chose à dire? Silence radio. Des journalistes le sollicitent, il fait dire qu'il est en trêve médiatique. Cela ne lui était jamais arrivé en vingt ans de présence politique au sommet. Les observateurs s'en étonnent, ses camarades au Rdpc s'en émeuvent.

Le 27 juillet, quelque temps après le démarrage du procès Marafa, le SGA du Rdpc invite les patrons de presse et de rédaction à déjeuner pour les informer de la fin de son ramadan médiatique. Grégoire Owona recommence à parler, on va voir ce qu'on va voir. Mais pas grand-chose. Une interview sur Equinoxe Tv qui fait Bop et puis rien. Pensait-il sincèrement que les journalistes étaient en manque de son mot? Peut-être. Quoi qu'il en soit, les absences médiatiques du SCA du Rdpc ces derniers mois contrastent avec son ostentation d'antan.

C'est sûr, par cette sortie, Grégoire Owona a voulu se dédouaner de quelque chose. Rattraper un impair. A moins que ce ne soit une façon élégante de renier un ami d'antan à qui il doit de fières chandelles et qui doit aujourd'hui donner les gages de sa repentance. Sur ce point, personne ne peut en vouloir au SGA du Rdpc, la mode dans son parti étant désormais au reniement. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à faire un détour à la Direction des organes de presse, de l'information et propagande (Dopip) du comité central du Rdpc et apprécier la hargne avec laquelle le journaliste Simon Meyanga, «fils spirituel de Marafa Hamidou Yaya», et bien d'autres, s'acharnent sur leur ancien bienfaiteur dans le journal l'Action ou encore sur les plateaux de télévision. Comme dirait Edgar Faure, ce n'est pas eux qui changent, mais la situation.


25/10/2012
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