Renouveau-Sommet de l'Etat: Les quatre piliers du régime Biya

Douala, 26 février 2013
© Yves Junior Ngangue | Aurore Plus

Selon certains analystes politiques, c'est l'armée, le clan (béti-boulou), la France et les loges (Rose-croix, Franc-maçonnerie, Ordre des rameaux) qui ont permis à l'homme du 06 novembre de contrôler, voire de monopoliser le pouvoir au Cameroun.

Au commencement était le glaive... De tous les corps de métier de la Fonction Publique Camerounaise, l'Armée est incontestablement de loin la mieux lotie depuis l'accession de Paul Biya à la magistrature suprême le 06 novembre 1982.

Budgets faramineux, 180 milliards en 2010 suivant le site wikipédia... salaires mirobolants, gratifications, émoluments, statuts particuliers; l'interminable nomenclature des prérogatives de la grande muette n'en finit plus.

Contrairement à son prédécesseur qui en avait fait les parents pauvres de l'Administration, les militaires sont devenus une caste de privilégiés sous le renouveau. Au point où ces dernières décennies, Paul Biya n'a pas osé bouder une seule cérémonie solennelle de remise de galons aux élèves officiers diplômés de l'Ecole Militaire Interarmées (EMIA). Événement devenu depuis lors un véritable rituel républicain.

Alors qu'on se serait attendu qu'il fît de même avec les auditeurs de justice de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature (ENAM), ou les élèves diplomates frais émoulus de l'Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). D'autant plus que le Chef de l'Etat, de par ses prérogatives constitutionnelles, est à la fois Chef suprême des Forces Armées, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et Chef de la Diplomatie.

Le traitement à géométrie variable, mais surtout la sollicitude et l’intérêt semblés porter aux uns par rapport aux autres, seraient, nous dit-on, davantage dus au fait que l’armée jouerait un rôle de premier plan dans la stratégie présidentielle de conservation du pouvoir. N'est-ce pas la raison pour laquelle il renchérissait lors du Cinquantenaire des Armées à Bamenda que: «En ce jour historique de la célébration du Cinquantenaire de l’Armée Camerounaise, je veux dire mon estime et ma confiance à tous les membres de notre Armée, tous grades confondus, qui, au cours du temps, ont assuré la défense de notre Patrie. Ils méritent au plus haut point notre reconnaissance». Sinon à l’orée des années 1990 pendant les années dites de braise, lorsqu’une vive grogne populaire avait failli emporter le régime, l’armée n’avait-elle pas jouée la partition de Biya en réprimant parfois dans le sang certains mouvements de contestation? N’a-t-elle fait de même en février 2008, lorsque le peuple camerounais s'était levé comme un seul homme pour dire non au renchérissement du coût de la vie? Même s'il reste vrai que la grande muette est traversée par moult clivages, étant entendu que tous les corps ne se valent pas au sein de cette famille. Le changement de dénomination ou substitution de la garde républicaine par une garde présidentielle (GP) ; mais également la création de plusieurs troupes d'élite suréquipées et hyper entrainées (DSP, État-major particulier, BIR, etc.) placées directement sous l'autorité de Paul Biya, auraient permis au natif de Mvomeka’a de demeurer à Etoudi.


Une tribalisation à outrance des postes et des fonctions

Paradoxalement aux discours officiels, Paul Biya s'appuie fatalement sur un clan pour monopoliser le pouvoir suprême. Ceci s'explique par le fait que la quasi majorité des postes stratégiques est aux mains des ressortissants des Régions du centre, du sud et de l'Est. Au sein de la grande muette -premier pilier du régime Biya -, excepté le nombre plus important des généraux originaires du clan Béti-Boulou, après avoir été longtemps Chef d'Etat-major des Armées, Le Général de Corps d'Armée Pierre Semengué, natif de Bikoka dans la Région du Sud (Département de l'Océan), avait été remplacé en 2001 par un autre originaire de la même région, le Général de Division René Claude Meka (originaire du Dja et Lobo comme Paul Biya), titulaire du poste depuis presque une décennie. Dans les différents corps de l'Etat-major, les commandements territoriaux, à la tête de la garde prétorienne du Chef de l'Etat (Garde Présidentielle, État-major particulier, etc.), mais surtout au Ministère de la Défense (où Alain Edgar Mebe Ngo'o a succédé à Remy Ze Meka), le schéma est identique. D'ailleurs très récemment, Paul Biya n'a pas dérogé à la règle, en remplaçant le Colonel Thomas Raymond Etoundi Nsoe, un natif de la Mefou-et-Akono, Région du Centre, par le Chef de Bataillon Jean Charles Beko'o Abondo, natif du Dja-et-Lobo, Région du Sud comme lui. Par la même occasion, il a promu au grade de Général et continué au poste de Chef d'Etat-major particulier, un autre Béti, l'ancien Colonel Emmanuel Amougou, incontestablement maintenu pour contrôler les faits et gestes du Général Ivo Desancio Yenwo, originaire de la Région anglophone du Nord-Ouest. Dans les services de renseignements civils et militaires... de la DGRE où trône Jean Émile Eko, à la sécurité militaire, en passant par la DST ou encore la police, plusieurs Béti occupent des positions de premier plan où gravitent toujours autour du dispositif des renseignements pour faire le guet et alerter le locataire d'Etoudi à la moindre situation. C'est dans cette même optique, nous dit-on, que Louis Paul Motazé aurait été nominé au Secrétariat Général du Premier Ministère pour faire un rapport détaillé des activités de son patron minute après minute.


Au nom des intérêts de la métropole...

Tout comme son prédécesseur qui est arrivé au pouvoir par le truchement des réseaux occultes de l'ancienne puissance coloniale, à en croire les confidences de Maurice Delaunay (factotum de Jacques Foccart en Afrique Equatoriale Française) diffusées dans un documentaire publié par France 2 il y a quelques années, Paul Biya sait pertinemment qu'il doit tout à la France, et que sans elle jamais il n'aurait pu accéder au trône d'Etoudi. De ce fait, contradictoirement aux fantasmes alimentés par certains membres du parti au pouvoir (selon lesquelles Paul Biya aurait tourné le dos la France) les intérêts français n'ont véritablement jamais été en péril au Cameroun. Même s'il s'est aux premières années de son règne défendu de ne pas être une potiche de la France. Le Cameroun n'est la chasse gardée «de personne». Il est indéniable que Paul Biya tient encore l'essentiel de son imperium de l'ancienne puissance coloniale qui l'a fait roi. En contrepartie, la totalité du secteur (bancaire) et les principales banques (BICEC, filiale du groupe banque populaire, la SGBC, filiale du groupe français société général et l'ex Crédit Lyonnais) restent l'apanage de la France. Au niveau des grandes entreprises, la société ALUCAM Socatral, filiale du groupe français Péchiney (A l'origine du déficit énergétique, qui paie le Kilowatt heure à 13 francs et consomme la moitié de notre potentiel énergétique) et la CIMENCAM (filiale du groupe français Lafarge) comptent parmi les mastodontes de la présence française au Cameroun, à côté des plantations (SPH), des entreprises de jeux (PMU), des chemins de fer et du marché du dragage du Port Autonome de Douala concédé au groupe Bolloré.


Les loges et les confréries traditionnelles

Dans son édition du 09 janvier 1999, sous la plume de Philippe Deschamps, le journal français Le Point avait révélé que Paul Biya avait offert 04 milliards de Francs CFA à Raymond Bernard, ex imperator de la Rose-Croix Amorc (décédé le 10 janvier 2006), pour la construction du siège du Circes - secte apparentée au temple solaire- Paris. Même si cet état de choses n'avait en rien convaincu sur son appartenance à cette loge initiatique (Rose-Croix). Quoique la quasi majorité de ses proches collaborateurs fut rosicrucien. La récurrence des audiences accordées par Paul Biya, peu après l'embastillement de Titus Edzoa considéré comme un gourou de ladite secte (Rose-Croix) aux dignitaires de la Franc-maçonnerie tels que : Alain Bauer (alors grand maître du Grand Orient de France) ou encore Marcel Dobill, président des puissances maçonniques africaines et malgaches, avait fini par convaincre plus d'un observateur averti que Paul Biya avait changé de bord. Entre-temps, ladite supposée reconversion ne s'est-elle pas illustrée par la nomination de plusieurs francs-maçons dans les gouvernements successifs du sphinx tel que tend à le démontrer Charles Ateba Eyene dans son récent ouvrage? Toujours est-il que comparativement à ses autres pairs africains qui affichent ouvertement leurs appartenances à l'ordre maçonnique, Paul Biya est jusqu'à lors resté peu disert sur la question. S'agissant des confréries traditionnelles, la mode qui consiste pour les dignitaires Béti-Boulou (Belinga Eboutou, Fame Ndongo, J.J Ndoudoumou et autres) à acquérir les titres de royauté dans certaines chefferies, ne serait nous dit-on, qu'un moyen subtil pour eux de contrôler, voire de dérober lesdits pouvoirs mystiques au profit du locataire d'Etoudi... qui s'en servirait pour consolider son pouvoir.


28/02/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres