Rencontre Biya-Fru Ndi il aura fallu du temps: Le Sdf aux portes du gouvernement Rdpc ?

Écrit par Alex Gustave Azebaze | Douala
Vendredi, 10 Décembre 2010 19:19

C’est fait: Paul Biya a reçu officiellement John Fru Ndi, le leader du Social democratic Front (SDF). C’était  le 09 décembre 2010 à Bamenda, en marge de son séjour lié officiellement au cinquantenaire des forces armées camerounaises.Si officiellement, l’audience qu’a demandé le chef du Sdf était liée au besoin de discuter des questions d’intérêt national avec le Chef de l’Etat, par ailleurs président national du Rdpc, des observateurs avisés scruteront dans les jours à venir les ressorts profonds de cette rencontre. Certes le Président national du Sdf, qui n’a aucun mandat électoral public, local ou national, avait souhaité rencontrer Paul Biya depuis l’apparition en 1990 sur la scène publique camerounaise “du parti de la balance”.

Mais le silence officiel de Paul Biya, qui préférait généralement lui envoyer des intermédiaires, était considéré par les proches du Ntarinkon Palace comme un signe de mépris et de manque d’ouverture de la part du N°1 camerounais.


Selon des analystes, la rencontre de ce jour pourrait dès lors inaugurer une ère de collaboration beaucoup plus assumée entre le Sdf et le pouvoir Biya. Sous quelle forme cette collaboration prévisible se ferait-elle? Il n’y a sans doute pas autre façon de le faire que dans un gouvernement. Etant donné en effet que les deux parties collaborent déjà au sein des institutions publiques délibératives telles l’Assemblée nationale ou les Conseils municipaux, ce serait vraisemblablement dans le cadre d’un partage de responsabilités exécutives au sein d’un gouvernement que la nouveauté viendrait. Et au regard du contexte national et international, l’une et l’autre partie y auraient bien besoin.

D’abord le Sdf. Bien que demeurant la principale force d’opposition parlementaire, - certains diront par défaut-, depuis son entrée dans les institutions en 1996, “le parti de la balance” est gravement englué dans une impasse stratégique liées à ses contradictions internes. Les quelles contradictions sont elles-mêmes essentiellement liées à la gestion des maigres retombées. Résultat, bien que fondé à contester par exemple le système électoral, le Sdf sous la houlette de Ni John Fru Ndi, arrive toujours très peu à mobiliser les Camerounais pour en obtenir une reforme substantielle. Conséquence, sa base politique et électorale a de plus en plus tendance à s’éclater dans une stratégie de dépit à somme nulle. Une entrée au gouvernement, bien que difficilement explicable à une base qui a été jusque-là tenue par l’apparence d’une opposition ferme, - pour ne pas dire radicale - au système Biya serait manifestement présentée comme une réorientation stratégique. Cela d’autant que le Sdf, et partant l’ensemble de l’opposition institutionnelle, a très peu développé des moyens de luttes politique et sociales efficaces. Que ce soit à l’intérieur du système ou en dehors. Cela convaincra-t-il les plus radicaux et les déçus de cette probable stratégie? Rien n’est moins sûr. Mais, il sera toujours temps de gérer les conséquences politiques et structurelles imprévisibles.
Quant au Président Biya, sans en donner l’air, il a besoin de nouveau sang. D’une part pour boucler son processus de reconstitution du socle UNC-RDPC d’avant 1991. Et d’autre part pour faire pièce à la menace qui guette la base idéologique rentière de son pouvoir avec l’obligation apparente qu’il a depuis 1997 de donner des gages à ses soutiens occidentaux en liquidant quelques-uns de ses cadors.

L’arrivée du Sdf finira ainsi de donner au président Paul Biya la légitimité quasi monarchique qu’il semble tant rechercher depuis l’ouverture démocratique contrainte. Plus, au moment où il semble gêné aux entournures par les critiques quasi-unanimes dont sa gouvernance est l’objet de la part des observateurs nationaux indépendants (médias et Ong) mais surtout de la diaspora camerounaise - même celle qui veut collaborer est dépitée par l’absence de perspective et projections fortes de la part de son gouvernement- de même que les organismes civils de notation internationale (Transparency International, Doing Business, International Crisis Group; Reporters Sans frontières; CPJ; etc) une entrée au gouvernement du Sdf priverait ces derniers d’un relais institutionnel de poids. Davantage une participation éventuelle du Sdf au gouvernement Biya pourrait l’aider à compenser l’emprisonnement à tour de bras de nombre de barons de son système, liquidés officiellement dans le cadre de la lutte contre la corruption. Car, du fait notamment de sa position depuis bientôt 30 ans au sommet de ce système inefficace et immobiliste, très peu d’observateurs le perdent de vue, la légitimité de l’approche d’assainissement de la gestion de la fortune publique menée par Paul Biya et son gouvernement est contestée. Aussi bien dans son propre camp politique - certes mezza voce-, que de l’extérieur. L’arrivée du Sdf pourrait lui donner un répit et déplacer le centre des critiques sur une opposition consacrée alors comme essentiellement alimentaire.

Enfin, une participation du Sdf au gouvernement permettrait à Paul Biya d’isoler tous les nouveaux tenors de la contestation politique, et potentiels “sparing-partners” pour 2011, qui jusque-là n’abattaient pas vite leurs cartes, travaillant à une stratégie de grande Coalition, et pour cela se souhaitant ne pas s’aliéner le SDF. Ou du moins sa direction. Malgré son manque d’enthousiasme avéré pour une stratégie collective. cela pourrait d’ailleurs bien expliquer son évolution plus clairement perceptible qui ne restera pas sans effet à l’intérieur du parti.

Au final, une telle évolution, tout bénéf pour Biya, serait une manière pour John Fru Ndi de prendre une double revanche aussi bien sur ceux de son camp actuel qui lui contestent son leadership politique de l’opposition que ceux du pouvoir. Ces derniers, depuis des années, qui, le snobant pratiquement avaient préféré négocier la participation du Sdf au gouvernement via plutôt ses lieutenants dont le plus en vue dans ces opérations étaient Me Joseph Mbah Ndam, ancien tout puissant président du groupe parlementaire et aujourd’hui vice président de l’Assemblée, ne manquaient pas de le délégitimer en invoquant son inexpérience en matière de gestion des affaires de l’Etat. En faisant éventuellement entrer le Sdf au gouvernement, avec ou sans sa propre participation, ne le fait-il pas finalement trop tard et donc ainsi signer d’une certaine façon sa fin de carrière en tant que chef de l’opposition?

 

Source AGA



11/12/2010
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