Refonte des listes Electorales: Fonkam Azu’u fait volte-face

DOUALA - 08 Février 2012
© Omer Mbadi Otabela | La Nouvelle Expression

Après avoir défendu la révision en cours, le président du conseil électoral d’Elecam tente de justifier la décision prise hier de remettre à plat les inscriptions sur les listes. D’autres chantiers électoraux sont à venir.«Revirement» pour certains, «virage à 180 degrés» selon d’autres.

La décision du conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam), réuni en session extraordinaire, le mardi 07 février 2012, à Yaoundé, d’ordonner la refonte des listes électorales relève du coup de théâtre. Elle met un terme à la révision décidée en fin d’année dernière par le directeur général, Mohaman Sani Tanimou, et entamée le 05 janvier 2012

Dans sa déclaration annonçant la refonte, Samuel Fonkam Azu’u, le président du conseil électoral, justifie sa volte-face par l’engagement du gouvernement à appuyer financièrement l’opération. Un argument qui ne fait aucunement écho au problème de délai jusque là invoqué pour soutenir la révision. «Si on avait un peu plus de temps, on pouvait procéder à la refondation des listes électorales. C'est une opération délicate. Le chef de l'Etat convoque le corps électoral 90 jours avant le scrutin. Nous sommes au mois de janvier et l'élection a probablement lieu en juillet. Matériellement, ce n'est pas possible», tranche Samuel Fonkam Azu'u, le 16 janvier, à la Crtv radio.

Une sortie parmi tant d’autres, qui vient à la suite de celle de Mohaman Sani Tanimou sur la même station. Usant d’une argutie juridique pour défendre la révision en cours, le directeur général expliqua que les textes régissant Elecam ne lui donnent aucune compétence pour entreprendre la refonte tant souhaitée par certains acteurs politiques.

Ces réactions ont déclenché une salve de protestations d’une partie de l’opposition et de la société civile. Les dernières en date étant celles du Sdf, de l’Udc et de l’Afp qui ont balayé l’argumentation de l’organisme chargé de l’organisation des scrutins électoraux et référendaires. «Le Sdf réitère fortement que la refonte des listes électorales peut s’effectuer en très peu de temps. C’est connu, le Nigéria a été capable d’inscrire 70 millions d’électeurs en deux semaines», a réaffirmé John Fru Ndi dans un communiqué en date du lundi 06 février 2012.

De manière plus suggestive, certains pays font valoir leur préférence pour une remise à plat des opérations d’inscription sur les listes électorales. «Par ailleurs, alors que votre pays connaîtra de nouveau des élections en 2012, je ne doute pas que vous saurez, d’ici là, mettre en œuvre les réformes et les moyens nécessaires au bon fonctionnement d’Elecam et, par voie de conséquence, au renforcement de la démocratie au Cameroun», lâche le président français, Nicolas Sarkozy, à l’endroit de Paul Biya, après la réélection de ce dernier. «Le fichier électoral doit être soigneusement nettoyé pour supprimer les noms des personnes décédées et les doublons, et les listes doivent être publiées sur Internet pour permettre à tout le monde de les consulter afin de faire corriger les erreurs», recommande, entre autres choses, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Robert Porter Jackson, le 19 octobre 2011.


Approbation tacite du pouvoir

Rétrospectivement, le prétexte du temps mobilisé par Samuel Fonkam Azu’u, pour s’opposer à la refonte, semble participer de la diversion de la part d’Elecam en vue de gagner du… temps. Malgré le lancement de la révision, des concertations entre le pouvoir et Elecam pour de changer d’option étaient en cours, comme le révèle le président du conseil électoral dans sa communication. Des rencontres dans ce sens ont eu lieu avec le Premier ministre et le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. En outre, confirme la déclaration, Paul Biya a donné des assurances afin que tous les moyens soient mis à la disposition d’Elecam. D’ores et déjà, l’entrevue entre le chef de l’Etat et l’ambassadeur de France, le 30 janvier, au Palais de l’unité, était évocatrice de ce qui se produirait. «S’agissant du Cameroun qui s’apprête à vivre une autre expérience électorale au mois de juillet prochain, Bruno Gain a indiqué que le président de la République lui a fait part de la manière dont il percevait l’action d’Elecam…», souligne le compte rendu du site Internet de la présidence.

De fait, les développements de Samuel Fonkam Azu’u trahissent le fait que la décision du conseil électoral a préalablement reçu l’approbation tacite du pouvoir.

Il faudrait maintenant gagner la bataille de la mise à disposition de l’argent nécessaire, malgré les garanties obtenues du gouvernement qui mettent à mal l’indépendance d’Elecam que le pouvoir n’a de cesse de brandir. En cela, les 11,5 milliards F Cfa de budget prévus pour 2012, dont 10 milliards pour le fonctionnement de la structure, pourront-ils supporter une telle opération? D’autant que le ministère des Finances a, par le passé, montré son peu d’empressement dans le déblocage des fonds.

Toujours est-il que ce revirement d’Elecam appelle l’ouverture d’autres chantiers électoraux par le pouvoir. «Si les progrès accomplis dans le domaine de la démocratie électorale sont indéniables, il n’en demeure pas moins que certains réglages sont à faire au niveau de notre organe électoral en vue de son meilleur fonctionnement», concédait Paul Biya le 31 décembre 2011. Un mois plus tard, sur le perron de Palais de l’unité, Bruno Gain fit également part à la presse «(…) des réglages qui pourraient éventuellement être apportés à la législation électorale au Cameroun, en vue d’une meilleure organisation des prochaines consultations électorales dans notre pays.» L’ordre du jour sort petit à petit du maquis.



08/02/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres