Rapport: La CONAC ébranle des ambitions ministérielles

Yaoundé - 15 Novembre 2011
© Christian LANG | L'Actu
 
Le rapport de la Commission nationale anti-corruption a été rendu public au moment où le remaniement ministériel est attendu. Il faut quand même dire que les dénonciations chiffrées de la Conac sur l'état de la corruption au Cameroun ne sont pas de nature à affermir la sérénité des chefs des départements ministériels incriminés par le rapport de la Conac.
 
Jamais la Commission nationale anti-corruption (Conac) n'avait réussi à faire autant parler d'elle. Jamais la Conac n'avait réussi à faire la Une des journaux. Jamais la Conac n'avait créé le buzz média au Cameroun. Depuis jeudi dernier, l'on ne parle que de cette institution. Et pour cause, la Conac a rendu public son rapport sur l'état de la corruption au Cameroun. Ce document de 300 pages relève que l'intégrité n'est pas la chose la mieux partagée dans certains services publics de notre pays. Car la pratique de la corruption est encore très encrée dans les mœurs des agents publics. La Conac met en lumière les pratiques de corruption dans plusieurs départements ministériels. L'organe en charge de la lutte contre la corruption au Cameroun dénonce la grande et la petite corruption qui ont cours dans les ministères et autres services publics, tant dans les services centraux que déconcentrés.

Le rapport de la Conac est publié à une période de fébrilité politique. Le président réélu a prêté serment le 3 novembre dernier à l'Assemblée nationale. Logiquement, le chef de l'Etat, Paul Biya, va redistribuer les cartes dans les prochains jours. Il va certainement procéder au remaniement ministériel. Même si nul ne peut se prononcer péremptoirement sur les critères de nomination et de maintien au gouvernement au Cameroun, il faut quand même dire que les dénonciations chiffrées de la Conac sur l'état de la corruption au Cameroun ne sont pas de nature à affermir la sérénité des chefs des départements ministériels incriminés par le rapport de la Conac.

Rigueur et moralisation

L'on n'oublie pas qu'en 1982, lorsque Paul Biya accède au pouvoir au Cameroun, le premier slogan du Renouveau est: «Rigueur et moralisation». Et si Paul Biya l'applique? En tout cas, au-delà de la dénonciation, le rapport de la Conac refroidit les ardeurs ministérielles. Ces dernières années Paul Biya ne cesse de clamer sa volonté d'éradiquer les pratiques de corruption et autres malversations dans l'administration. La «Commission Nationale Anti-corruption est passée de la phase pédagogique et de sensibilisation à une phase véritablement opérationnelle», se réjouissait Paul Biya le 16 septembre dernier à l'ouverture du congrès du RDPC. «Ma détermination à combattre ce fléau est totale et [...] la lutte contre la corruption va se poursuivre en s'intensifiant, sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l'appartenance politique des personnes incriminées. Personne ne pourra se considérer comme étant au-dessus des lois», avait promis Paul Biya. L'on se souvient aussi que lors du congrès du RDPC de juillet 2006, Paul Biya avait prononcé un discours où il fustigeait la corruption. Il avait annoncé que les «délinquants à cols blancs» allaient rendre gorge. Et que l'opération Epervier allait se poursuivre.

Le 3 novembre 2011, lors de la prestation de serment pour son septennat en cours, Paul Biya est revenu sur la corruption, «ce cancer social». Il affirmait: «Je dois dire que les comportements individuels ne sont pas toujours en harmonie avec la solidarité qui devrait être Ia marque d'une société démocratique. Trop souvent, l'intérêt personnel prend le pas sur l'intérêt général. Cet état d'esprit est à l'origine de ces dérives sociales que sont la fraude, la corruption, voire la délinquance. Face aux membres du gouvernement, le 12 septembre 2007, lors d'un conseil de ministres, Paul Biya reconnaissait que «c'est Ia corruption qui, pour une large part, compromet la réussite de nos efforts. C'est elle qui pervertit la morale publique [...] Le détournement de l'argent public quelle qu'en soit la forme, est un crime contre le peuple qui se voit privé de ressources qui lui reviennent. Il doit donc être sanctionné avec la plus grand sévérité.»



Endémie - Corruption: 23 ministères épinglés

Et la majorité des administrations publiques sont sur le banc des accusés.

Plus de la moitié des ministères sont cités dans le premier rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac). Exactement 23 sur 35. Preuve s'il en était, de ce que la corruption est véritablement endémique au pays de «l'Homme-Lion». La petite corruption, fille de la grande corruption connaît des pics dans toutes les administrations. De quelques centaines de milliers FCFA à plusieurs millions FCFA, les fonctionnaires se donnent donc à cœur joie au «sport national», comme on appelait la corruption durant la décennie 1990. Pour ces malversations, nombre d'agents publics incriminés sont déjà sous le coup de sanctions administratives, en attendant les poursuites judicaires. D'autres ont déjà remis les sommes détournées. Mais, celles-ci semblent bien insuffisantes au regard des montants détournés.

La Cameroon Postal Service, une société parapublique, est également indexée par la Conac. En cause, des fautes de gestion ayant coûté plusieurs milliards FCFA à cette entreprise que l'Etat a renflouée à coups de milliards sans résultats. Entre autres faits relevés dans l'audit de la Conac, «la dissimulation de ventes ou de prestations et de provisions, pour dépréciation».

La faculté de médecine de l'Université de Buea est également épinglée. Ceci, dans le cadre de la construction d'un bloc pédagogique et d'un laboratoire.

Brice T. Sigankwé


16/11/2011
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