Rapport de la CONAC: 63 milliards FCFA détournés au MINTP et au MINFI

Yaoundé - 15 Novembre 2011
© Brice T. Sigankwé | L'Actu
 
Ces fonds publics ont été soustraits entre 2009 et 2010, à en croire les enquêteurs de la Commission nationale anti-corruption.
 
Ministère des travaux publics: 48 milliards FCFA

«Monsieur le ministre [des Travaux publics] est dans tous ses états depuis jeudi (8 novembre 2011, date de la publication du rapport de la Conac, Ndlr)». Témoignage d'une source digne de foi au ministère des Travaux publics (Mintp), à Yaoundé, hier. C'est que, Bernard Messengue Avom, placé sous les feux des projecteurs médiatiques depuis lors, a été personnellement épinglé dans le rapport que l'administration de Dieudonné Massi Gams, président de la Conac, a rendu la semaine dernière au palais des Congrès de Yaoundé.

Et de fait, la Conac parle d'«unilatéralisme» du ministre dans la gestion des deux marchés pour la construction de la route Ayos Abong Mbang-Bonis. Enveloppe totale détournée, selon les fins limiers de la Conac, 33 milliards FCFA. Mais aussi, 15,4 milliards FCFA en voie de l'être. Ce qui ferait du Mintp l'administration la plus corrompue du Cameroun, au cas où la justice confirmait ces accusations. En attendant, B. Messengue Avom accuse la Conac d'avoir violé le principe du contradictoire lors de ses enquêtes.

Dans le détail, la structure reproche à ce ministère le fait d'avoir confié les deux lots du bitumage de la route Ayos-Abong Mbang-Bonis à l'entreprise Pantechniki, alors que celle-ci n'avait vraisemblablement pas toutes les compétences pour des ouvrages d'une telle importance. Puisque le lot n°1, Ayos-Abong Mbang, qui devait initialement coûter 18 milliards FCFA et s'étaler sur 25 mois, a accusé 41 mois de retard; le lot n°2, Abong Mbang-Bonis, 21,6 milliards FCFA sur 30 mois, a déjà accusé 25 mois de retard et n'est toujours pas achevé.


Surfacturations de 1 070%

Sur les fonds publics détournés, primo, le Mintp n'a jamais sanctionné la société Pantechniki pour ses retards, comme le prévoit les termes du marché. A en croire la Conac, l'entreprise aurait dû verser 4,9 milliards FCFA à titre de dommages. Un manque à gagner pour l'Etat. Mais, «un cadeau offert à l'entreprise par l'équipe du ministère», selon les termes du rapport de la Conac. Secundo, l'entreprise a versé près d'un milliard FCFA de libéralités à des fonctionnaires du Mintp. Une somme qui a été facturée à l'Etat avec intérêts. Tertio, le ministère est épinglé pour «surfacturations, paiements en trop au détriment de l'Etat», pour un total de 25,2 milliards FCFA, dans le cadre du même projet routier.

Enfin, le Mintp est accusé de tentative de détournement de 15,4 milliards FCFA, à titre de marché complémentaire pour la même route Ayos-Bonis. Morceau choisi du rapport: «le point culminant des irrégularités est atteint au niveau des terrassements dont la variation [des surfacturations] se situe entre 47% et 1070%. Les volumes de terre que l'entreprise prétend avoir déplacés, s'ils étaient exacts, correspondraient à un cône d'une hauteur égale à celle du Mont Cameroun». On aurait presqu'envie de rire si la Conac n'ajoutait pas que «le coût de la route Ayos-Abong Mbang sera multiplié (...) par trois». Aussi, conclut-elle: «il en ressort que si l'Etat venait à bout des pratiques de corruption actuellement en cours dans les services du Mintp, les ressources budgétaires qu'il investit dans la construction des routes seraient suffisantes pour construire trois fois plus de routes». A méditer.


Ministère des Finances: 14,2 milliards FCFA

Même si le cas de cette administration semble relativement moins grave (on parle tout de même de milliards), il paraît cependant plus inquiétant par le nombre de fonctionnaires épinglés. Environ 300 chefs de postes comptables, en service dans des trésoreries générales, sont cités nommément. Déduction logique: la corruption est institutionnalisée dans ce démembrement du ministère des Finances (Minfi).

Les majors de la longue liste des présumés auteurs de détournements des deniers publics, selon la Conac, sont: Edith Armand Ngamvoah qui a détourné 291 millions FCFA; Louis Bernard Nanga, 249 millions FCFA; Martin Njaba, 171 millions FCFA; Jean-Pierre Seke, 127 millions FCFA; M. Owoundi Zambo, 122 millions FCFA; L. Amadala Bianaka, 90 millions FCFA; Emini Zangwala, 55 millions, Henriette Tabi Tako, 53 millions FCFA; Amadou Bakari, 51 millions FCFA, Benga Banga, 50 millions FCFA... la liste des détourneurs en dizaines de millions FCFA est encore longue.

Pour la Conac, cette généralisation des distractions de l'argent du contribuable est surtout due à «l'absence de contrôles réguliers des postes comptables de l'ensemble des circonscriptions financières». Des fautes de gestion que le rapport du gendarme de la corruption qualifie de «dérapages aux allures criminelles quand on voit le volume des montants distraits par ces manipulateurs de deniers publics». Les insuffisances du parc informatique sont en également mis en cause.


Ministère de l'Agriculture: près d'un milliard FCFA

Bernard Njonga, le président de l’ONG Acdic doit jubiler depuis que la Conac a rendu son premier rapport jeudi dernier. Car, les cas de détournements relevés par l'organisme de Dieudonné Massi Gams au ministère de l'Agriculture et du développement rural (Minader) prouvent qu'il avait eu raison de dénoncer des faits de corruptions au sein de cette institution. Ce qui lui avait d'ailleurs valu d'être arrêté par les forces de l'ordre. Et pourtant... Le Minader fait partie des ministères au sein desquels les sommes les plus fortes ont été détournées: près d'un milliard FCFA.

Soit environ 50% de près de 2 milliards FCFA alloués au Projet Maïs. Une initiative gouvernementale dont le but était d'accroître de 10% par an la production nationale de maïs. Finalement, les objectifs semblent bien loin d'avoir été atteints. Le compte-rendu de la Conac indique même que «pour la plupart des responsables du [projet], l'objectif de développement de la production du maïs était secondaire du programme».

L'argent a été détourné par les responsables dudit projet lors des opérations de remise des subventions aux producteurs de maïs. Dans bien des cas, la Conac révèle que soit ils remettaient l'argent à des personnes étrangères aux associations visées ou gardaient même la somme par devers eux.


16/11/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres