Question du jour : Camerounais, quel âge as-tu (réellement) ? :: CAMEROON

Cameroun - Question du jour : Camerounais, quel âge as-tu (réellement) ?Kumba. Petite ville d’environ cent cinquante mille âmes située à dans la région du sud-ouest du Cameroun, à un peu plus de trois heures de route de Douala. Une petite ville devenue emblématique quand on traite des questions relatives à l’état civil des Camerounais. Pendant les années 1990 et le début des années 2000, cette ville était célèbre pour la célérité avec laquelle elle délivrait divers documents (actes de naissance, permis de conduire, carte nationale d’identité, etc). 

Une célérité qui s’appliquait autant sur les documents sincères que sur ceux falsifiés. Ce qui a attisé la convoitise des faussaires de tout poil qui se sont précipités sur l’aubaine, truquant à qui mieux mieux pour qui le souhaitait tous types de documents, à condition d’y mettre le prix.

De ce fait, le terme « Kumba » est entré dans le langage familier des Camerounais. Terme utilisé pour mettre en doute l’authenticité des déclarations d’aucuns. Surtout en ce qui concerne l’âge. Même si les trafiquants de fausses pièces sévissent un peu partout dans le pays.

    - Quel âge as-tu ?

    - Vingt ans.

    - Hum ! Vingt ans normaux ou vingt ans Kumba ? (ou en d’autres termes : as-tu vraiment vingt ans ou alors tu t’es fait enlever quelques années à ton âge réel pour en arriver là ? Parce que sérieusement, on te donnerait trente ans).

Il y a quelques jours, le Portugais José Mourinho, l’entraîneur un peu fantasque et surtout très malin qui officie actuellement dans le club de football londonien Chelsea FC, a rhabillé pour le restant de l’hiver l’un de ses joueurs. Un joueur qui n’est pas n’importe qui, puisqu’il ne s’agissait de rien de moins que Samuel Eto’o Fils, le capitaine actuel de l’équipe nationale du Cameroun. Ne se contentant pas de douter de ses qualités de buteur, il a publiquement remis en question l’âge de l’attaquant camerounais : « Samuel Eto’o ? Il a 32 ans… Peut-être, peut-être 35. Je ne sais pas ».

Il a déclenché cette polémique quelques semaines seulement après une autre, concernant aussi un Camerounais : l’affaire Joseph-Marie Minala. Autant le doute est permis sur le cas d’Eto’o, autant celui de Minala souffre de peu d’ambigüité. Le monsieur revendiquait dix-sept ans sur le papier. L’adage qui dit que plus c’est gros, plus ça passe n’a pas marché pour lui et il n’a suffi que d’un seul match de première division en Italie pour que le pot aux roses soit découvert. Car il est difficile de trouver des jeunes gens de dix-sept ans bâtis comme des boxeurs professionnels. Ce Minala a surtout été trahi par son faciès trop marqué. Il aurait depuis avoué être âgé de quarante-deux ans en réalité. Il aurait quand même réussi l’exploit de faire disparaître jusqu’à vingt-cinq années de sa vie !

Autre Camerounais, autre polémique. Il s’agit de celle soulevée en 2009 autour du joueur connu publiquement sous le nom d’Apoula Edel. Une affaire obscure. La seule certitude le concernant : il était né au Cameroun. Quand ? Les dates divergeaient selon les sources. Même son nom était contesté, car pour celui qui avait lancé l’affaire, il s’appellerait en fait Ambroise Béyaména. La trajectoire l’ayant mené d’un obscur club de Kumba (comme par hasard !) au Paris Saint-Germain était elle-même sujette à caution. Tout était bizarre dans son histoire, puisque quand l’histoire a surgi, il était arménien. Et comptait redevenir camerounais afin de participer à la Coupe du Monde de football 2010 !

Des affaires semblables, il y en existe  à ne plus savoir qu’en faire. Que dire de ces jeunes alignés pour une compétition internationale et qui curieusement étaient presque tous nés dans le même mois de la même année ? Ou de ces cas récurrents de joueurs exclus des équipes nationales pour falsification de leur acte de naissance?

Pour illustrer cela, il existe ici une boutade très célèbre. Une fois, un joueur participant au tournoi de jeunes de Montaigu en France aurait marqué un but d’une frappe violente des quarante mètres. A la fin du match, on l’aurait interrogé sur ses impressions. Le joueur (censé avoir moins de seize ans) en aurait alors profité pour passer le bonjour à sa femme et à ses enfants qu’il aurait laissés au pays.

Véridique ou pas, cette histoire explicite une chose : pour le Camerounais ordinaire, tous les joueurs de football camerounais, sans exception, ont fait un tour à Kumba.  Pour beaucoup, l’âge réel de Samuel Eto’o varie entre trente-neuf et quarante-cinq ans. Sans blague.

Pour moi en tout cas, ce n’est pas une fable. L’un de mes meilleurs amis, un jeune homme avec qui j’ai grandi, fait mes petites classes, avec qui j’ai sensiblement le même âge (désolé mon pote, je sais que tu t’es reconnu) a des pièces qui aujourd’hui lui donnent sept ans de moins.

A cette allure, on devrait mettre en place un système de datation au carbone 14 pour déterminer le vrai âge des footballeurs camerounais. Parce qu’un paléontologue lui-même s’y perdrait.

Quid des autres compatriotes ?

Ce n’est  pas un phénomène qui se limite aux seuls joueurs de football. Selon certaines observations, on serait même tenté de dire que la falsification des âges est un vrai sport national. On s’y adonne pour plusieurs raisons.

Certains parents estiment qu’il faut « donner plus de chance de réussite » à leur rejeton. Résultat, l’acte de naissance n’est établi que deux ou trois ans après la naissance de l’enfant. Les parents manœuvrent soit en fabriquant une fausse déclaration de naissance (que normalement doit fournir le médecin ayant procédé à l’accouchement), soit en fabriquant une totalement conforme, exception faite de la date de naissance, contre quelques billets de banque.

Ceux des parents n’ayant pas anticipé sur les aléas de la vie se retrouvent (bien souvent malgré eux) obligés de retrancher quelques années de vie à leur enfant clairement en situation d’échec scolaire. Le bambin étant rattrapé par la limite d’âge fixée par certains de nos établissements scolaires. Il y a par contre des parents qui se font une joie de procéder à cette amputation, notamment ceux qui ont des ambitions footballistiques pour leur progéniture.

Pour les plus âgés, les raisons sont tout aussi diverses, l’une des principales étant la barrière de la limite d’âge fixée pour la quasi-totalité des concours administratifs, pour les concours de la police, de la gendarmerie, pour le recrutement dans l’armée et j’en passe.

Les séniors ne sont pas en reste. Tous n’étant pas dans le sérail (et donc, ne disposant  de pratiquement aucun appui pour s’accrocher à leur poste à l’instar de ceux qui s’accrochent au pouvoir), ils contournent le problème en se fabriquant un autre acte de naissance. Il ne fait pas bon être un retraité au Cameroun. Entre la jeunesse qui n’est plus qu’un lointain souvenir, la perte de considération sociale dont on risque de souffrir et l’Etat qui distribue les pensions de retraite selon son bon vouloir, il faut repousser l’échéance. C’est ainsi qu’on verra un fonctionnaire souffler sur le même nombre de bougies  plusieurs années de suite. Un vrai sport national, on l’a dit.

La question qui me vient souvent à l’esprit, surtout concernant les fonctionnaires, est celle ce savoir comment ils réussissent à faire gober leur subterfuge à tout leur petit monde, connaissant le volume de paperasse qu’ils ont dû remplir tout au long de leur carrière, sans compter les divers contrôles et évaluations qu’ils sont censés avoir subi au fil des ans. Et les diplômes qu’ils sont supposés avoir obtenus.

Dans tous cas, il y en a un qui ne s’embarrasse pas de telles fioritures. Il est un véritable exemple. Il ne fait pas plus vieux que son âge. Au contraire, on lui enlèverait bien vingt ans qu’on ne s’en rendrait même pas compte. Car combien de Camerounais, à 81 ans bien sentis, paraissent si jeunes, si frais ? Combien peuvent encore se tenir sur leurs deux jambes, passer en revue les troupes, assister à un défilé long de trois heures sans piquer du nez ? Pas beaucoup à mon avis.

Si, si, je parle bien là du premier des Camerounais. Du roi Lion himself ! Kumba ? Il ne connaît pas. Même pour une visite officielle, il n’y a pas mis les pieds.

© Mondoblog : René Jackson


05/03/2014
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