Que fait Issa Tchiroma de l’argent de la presse : Le Mincom et le milliard de la presse

Publié le 18-11-2014  |  (Yaoundé - Cameroun). Auteur : Dominique Mbassi- Repères n°396

Que fait Issa Tchiroma de l’argent de la presse : Le Mincom et le milliard de la presse

 

© Dominique Mbassi- Repères n°396
Que fait Issa Tchiroma de l’argent de la presse : Le Mincom et le milliard de la presse

 

Que fait Issa Tchiroma del’argent de la presse : Le Mincom et le milliard de la presse.Au cours des 5 dernières années, le Trésor public a débloqué 983 millions au titre de l’aide publique à la communication privée qui font l’objet d’une gestion aussi bien opaque que controversée.Alors que, le 1er août 2013, il clôture la 12è session de la Commission nationale d’examen des demandes d’accès au bénéfice de l’aide publique à la communication privée, M. Issa Tchiroma Bakary « se félicite pour la transparence qui a caractérisé » les travaux. « Je préfère rire, de peur d’en pleurer », s’étrangle presque un membre de cette instance pour qui l’opacité entoure plutôt la gestion de cette aide. Et le ministre de la Communication (Mincom), par ailleurs président de cette Commission, n’est pas très loin de le reconnaître. « Nous avons examiné 209 dossiers et je ne saurais vous dire combien ont été retenus », confesse M. Issa Tchiroma Bakary à la presse à l’issue de la 13è session tenue le 23 octobre.

 

A ceux qui veulent assouvir leur curiosité sur le nombre de bénéficiaires, il conseille patience : « C’est au terme du travail mené par le secrétaire permanent que vous saurez exactement». Du coup, même les membres de la Commission sont repartis sans être fixés sur la question. Joint au téléphone mardi 28, Kisito Ngankak, directeur du développement des médias privés, révèle à Repères que cette année l’aide a été attribuée à 167 bénéficiaires. Il a donc fallu du temps pour arrêter le nombre de bénéficiaires de l’aide. C’est que, de tout temps, la gestion de l’aide publique à la communication privée est restée une affaire de deux personnes : le Mincom et le directeur du développement des médias privés, qui coiffe aussi le secrétariat technique.

 

Le secrétariat technique reçoit, étudie les dossiers et émet son avis avant leur transmission à la Commission pour examen. « Notre tâche ne consiste pas à s’assurer que les candidats à l’aide existent réellement et mènent effectivement des activités. Nous nous contentons de vérifier que la panoplie de pièces des dossiers est complète ou pas », souffle un membre de la dernière session. Qui observe que « parfois des dossiers incomplets, comme celui qui a intrigué jusqu’au Mincom luimême lors de la dernière session, reçoivent un avis favorable du secrétariat technique ».

 

Pas de surprise donc qu’à la fin, l’aide soit attribuée à des organisations professionnelles ne pouvant justifier d’aucune activité ou ayant un lien ténu avec des responsables du Mincom. L’argent public est également distribué à des journaux ne paraissant plus depuis belle lurette ou ayant une parution intermittente. « Certains journaux ont disparu depuis très longtemps et ont refait surface dès qu’on a annoncé l’aide à la presse », confie le tenancier du kiosque à journaux du carrefour Intendance, l’un des plus importants de Yaoundé. Pire, un grand nombre de bénéficiaires appartient à cette catégorie. La voix est d’autant plus ouverte à l’opacité que la Commission n’a véritablement pas voix au chapitre.

 

En réalité, après le travail de sélection du secrétariat technique, c’est le Mincom qui décide, désavoue au besoin la Commission en attribuant l’aide à des candidats que celle-ci a éliminés. Par exemple, pour la session du 23 octobre, radio Lumière ou LTM Tv, dont les dossiers très incomplets ont reçu un avis défavorable tant du secrétariat technique que de la Commission, sont tombés dans le domaine ‘’réservé’’ du Mincom.

 

D’ailleurs, à l’entame des travaux de la 13è session, le président de la Commission s’est fait le devoir de rappeler à ses membres, qui changent chaque année, que leur avis n’est que consultatif. Autant dire que cet avis, purement technique, compte très peu. Car la décision, politique, appartient au seul président. « L’arrêté du 23 septembre 2002 créant la Commission précise bien que son avis ne lie pas le ministre, même si ce dernier, à 99 %, respecte cet avis », précise M. Ngankak. Ce qui, pour autant, n’évacue pas le mystère qui entoure la gestion de l’argent de l’aide. « Pendant les travaux, on parle de tout sauf de l’argent.

 

Au moment où s’achèvent les travaux d’une session, aucun membre de la Commission ne connaît l’enveloppe globale à répartir, à moins d’avoir obtenu l’information de manière informelle. Il n’existe aucune clé de répartition et si c’est le cas, elle n’est connue que des seuls président et secrétaire permanent de la Commission. Dans ces conditions, il devient difficile de savoir le montant attribué à chaque bénéficiaire », susurre un membre de la Commission. Kisito Ngankak se défend : « Les montants attribués ne sont pas rendus publics à la demande des bénéficiaires qui estiment qu’en le faisant, on les met en conflit avec leurs employés, bailleurs et autres créanciers. Ils ont même souhaité que la tenue des sessions de la Commission ne fassent pas l’objet de publicité ».

 

Cette explication, pour autant, ne dissipe pas les accusations de corruption. Un directeur de publication confesse sous anonymat avoir une année laissé près de 30 % de l’argent perçu dans un bureau au Mincom. « Ce n’est pas gratuit si, au lieu d’envoyer les bénéficiaires au Trésor, les responsables de la Commission font tout pour gérer l’argent de l’aide. Certains bénéficiaires sont retenus à la seule condition de verser des rétro-commissions juste après le passage à la caisse sur place au Mincom», précise- t-il. « Je balaie ces accusations pour le moins fausses d’un revers de la main. Et je mets au défi ceux qui propagent ces rumeurs de se dévoiler pour accuser à visage découvert », s’énerve le secrétaire permanent de la Commission.

 

Qui pourrait difficilement contester le dévoiement de l’arrêté ministériel instituant cette aide, qui précise bien qu'elle est destinée aux seuls médias privés. Or, le 18 juin 2012, le Mincom prend une décision attribuant un appui spécial au titre de l'aide publique à la communication à la Commission gérée par lui-même, à France Télévisions, à la société brésilienne de production Ciné vidéo, à British Broadcasting Corporation (BBC) et à Japan Broadcasting Corporation. Les prétendus bénéficiaires démentent avoir perçu un argent effectivement débloqué et exigent pour certains des excuses publiques. Même si cette dérive ne date pas de M. Issa Tchiroma Bakary.

 

Par le passé, la Maison de la communication dépendant du Mincom s’est vu attribuer près de la moitié de l’enveloppe, soit environ 100 millions de FCFA destinés à l’acquisition d’un siège. En 2014, sur les 270 millions alloués seuls 248 millions ont été affectés à la répartition. Au total, depuis 2010, les pouvoirs publics ont débloqué 983 millions. Une enveloppe plus importante si l’on se rappelle que l’aide publique à la communication privée a été instituée en 2002. Son audit pourrait mettre en lumière bien de curiosités.

 

Dominique Mbassi- Repères n°396 mercredi 29 octobre 2014


Copyright © Dominique Mbassi- Repères n°396, Yaoundé - Cameroun  |  18-11-2014



18/11/2014
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