Quand les images parlent: Les bons et mauvais amis-présidents africains de François Hollande

Une petite analyse sémiologique de la communication diplomatique France-Cameroun

En cette ère de l’internet, il n’est quasiment plus possible de cacher la vérité ou de mentir. Aujourd’hui, on ne peut plus soutenir, comme avant, que les rapports entre ‘X’ et ‘Y’, chef d’état ou chef de gouvernement sont cordiaux alors qu’ils ne le sont pas, alors que les images disent autre chose. En cette ère de l’internet, tous les gouvernants sont obligés de sortir la vérité des murs des palais fermés pour éviter les quiproquos. Ils sont obligés d’être dans la transparence car ils ne peuvent plus de dire une chose si les images montrent autre chose.

En cette ère de l’internet, définitivement, les images parlent, elles indiquent, sans ambiguïté, le sens des relations entre les individus ; elles disent la vérité cachée entre un hôte et son invité, entre des homologues. Depuis son ascension à la magistrature suprême en mai 2012, le président de la République française, M. François Hollande, a reçu en visite officielle plusieurs chefs d’états africains. Une sélection d’images publiées dans le site internet du palais de l’Elysée, « elysee.fr » révèlent qu’il a reçu, entre autres, les Présidents des Républiques de Guinée, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Tanzanie et dernièrement celui du Cameroun le 30 janvier 2013.

En faisant ici une petite comparaison entre les images officielles des ces visites présidentielles au palais de l’Elysée, nous pouvons déterminer, de manière sémiologique, les relations entre le Président de la République française et ses homologues africains. En effet, une simple analyse des signifiants et signifiés de ces images officielles révèle la relation de François Hollande avec ses invités.

Quelque soit le type de visite (de travail, officiel ou d’Etat) la diplomatie française nous a habitués à des codes et à des procédures qui sont devenus autant de signes et de référents naturalisés, des signifiants sémiologiques exprimant le rapport entre le Président de la République Française et ses invités. Nous relevons ici quatre moments forts de ces visites à l’Elysée.

François Hollande Mahmoud Abbas

Le premier est évidemment, « l’arrivée à l’Élysée » : Ici, on veut voir si le président français attend son invité en haut, au milieu, ou en bas des marches (comme sur la photo ci-dessus avec M. Mahmoud Abbas). Le second moment fort est « l’entrée dans le palais » : On s’intéresse ici à la façon d’entraîner son invité dans le palais, par exemple, le tient-il par la main, marche-t-il côte-à-côte la main sur l’épaule, l’entraîne-t-il amicalement à l’intérieur, etc.

Troisièmement, on s’intéresse aux « expressions des visages et modes de salutation ». Ici, on veut voir s’ils se donnent l’accolade, est-ce une poignée de mains brèves, longue, chaleureuse avec des regards souriants vers la caméra? Etc. Enfin, « la sortie de l’Élysée » est le quatrième moment important d’une visite officielle.

On sera attentif à voir si les deux homologues font un point de presse ensemble, ou se disent-ils au revoir en haut, au milieu, en bas des marches, ou, mieux encore, l’invité est il raccompagné à sa voiture ? Tous ces signes (et bien d’autres comme les images des séances de travail. Sont-elles joviales, tendues ou marquent-elles un certain sérieux ?) indiquent non seulement le degré de sympathie entre les homologues, mais aussi la qualité de leurs relations comme nous pouvons le voir dans les trois images ci-dessous. 

Comme nous pouvons le constater, avec Alpha Condé de la Guinée, François Hollande est non seulement proche, mais chaleureux. Les deux hommes regardent la caméra comme deux complices, deux personnes qui se respectent. Avec Macky Sall, c’est une expression de chaleur mutuelle. Les deux s’élancent l’un vers l’autre, les bras ouverts, comme de bons vieux amis contents de se retrouver.  

On n’a pas besoin d’être sémiologue pour déduire un lien d’amitié entre Hollande et Sall. Comme le montre la 3ème images ci-dessous, avec le Président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouatara, nous percevons, un signe mutuel  de respect. Les deux hommes, souriant mais un peu distants, projettent néanmoins du sérieux dans leurs relations. La poignée de main est ferme et confiante. Tous les deux regardent parallèlement la caméra, souriants et confiants. 

Hollande Alpha Condé Alassane Ouattara

Le 30 janvier 2013 à  l’Elysée, François Hollande a attendu son homologue, le Président de la République du Cameroun, tout en haut des marches du palais, après que celui-ci ait été reçu à l’aéroport par l’Ambassadeur de France au Cameroun deux jours plus tôt. Par ailleurs, les images officielles de l’Elysée montrant le passage du Président de la République du Cameroun au Palais de l’Elysée sont particulièrement parlantes.

M. Hollande, le visage fermé, a froidement serré la main à M. Biya quand ce dernier était encore en train de monter les marches (voir la photo du milieu ci-dessous). Ce faisant, le Président de la République Française marque clairement sa distance mais aussi sa supériorité hiérarchique par rapport au Président de la République du Cameroun. Pareillement, à la sortie de ce dernier du Palais de l’Elysée, aucun signe d’amitié clair n’est échangé entre les deux hommes. Les images officielles de l’Elysée montrent M. Hollande, froid, resté sur le perron, en retrait du Président de la République du Cameroun.

Francois Hollande et Paul Biya à l'élysée, france

Comparé aux images des autres présidents africains reçus au Palais de l’Elysée, nous pouvons déclarer, avec certitude, que les rapports Biya-Hollande ne sont pas amiables, définitivement. Les deux hommes sont peut-être des homologues, des chefs d’Etats, mais pas des collègues. Le 2ème Conseiller de l’ambassade de France au Cameroun, M. Thousard cité dans le Quotidien Mutations du 30 janvier 2013, aura beau classé de troisième ordre une visite de travail à l’Elysée, mais n’empêche qu’il ne pourra plus continuer à soutenir l’insoutenable en cette ère de l’internet. Non, M. Thousard, vous ne pouvez plus dire au Camerounais que : « les relations franco-camerounaises sont excellentes. Elles sont au beau fixe » (1) car si  cela était le cas, les images de la République Française, des signifiants officiels, référents de cette relation, parleront un autre langage.

Ces images ont parlé ; elles disent le contraire de ce que vous soutenez. M. François Hollande n’a fait ni accolade, ni regardé la caméra, ni souri à la caméra, ni chaleureusement invité son homologue à entrer au Palais de l’Elysée. Il ne lui a même pas dit au revoir avec plaisir. Il était de glace, l’a attendu perché sur son perron. « Les images officielles de la République Française » ont parlé et elles disent que les relations entre la France et le Cameroun sont froides.

En effet, comparée aux images de la réception du même type qu’il avait réservée aux Présidents Sénégalais, Ivoirien, Tanzanien, Gabonais, Guinéen..., la réception du Président de la République du Cameroun, le 30 janvier 2013, serait de série « D », médiocre, irrespectueux, la dernière de classe dans la diplomatie au pays des Lumières. Notre analyse de ces quelques clichés officiels devient par ailleurs renforcée par deux petites phrases du communiqué de presse soulignant la visite de M. Paul Biya à l’Elysée.

En effet, ce communiqué disponible dans le site officiel de l’Elysée dit explicitement que cette visite « a également été l’occasion pour le Président de la République de souligner les principes de dialogue et de franchise qui doivent guider les relations entre la France et le Cameroun. (…) Enfin les deux présidents ont également échangé sur les questions de gouvernance, le processus électoral au Cameroun, la protection des droits de l’Homme et la situationd es prisons. » (2) Comme on dit dans le jargon de la communication diplomatique, ces quelques mots marquent publiquement une « mise au point » en deux temps. Ils disent clairement deux choses : 

(a) voici comment je vais travailler avec vous M. le Président;

(b) voici les sujets qui m’intéressent. Plusieurs questions pourront-être posées ici, toutefois, je n’en poserais d’une seule : pourquoi avions-nous encore besoin aujourd’hui, en ce 21ème siècle, de publiquement rappeler les principes de « dialogue » et de « franchise » qui doivent naturellement régir les relations entre deux Etats, entre le Cameroun et la France. 

Boulou Ebanda nya B’bedi,

Ph.D. 

Professeur des universités et Directeur de recherche 

Université d’Ottawa

www.lamacs.uOttawa.ca

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(1) http://quotidienmutations.info/201301301721/1721-Visite-de-Paul-Biya-en-France-Laccueil-qui-fache.html

(2) http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/entretien-entre-le-president-de-la-republique-et-le-president-de-la-republique-du-cameroun/

 



05/02/2013
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