Quand le régime officialise la fourberie politique: Réaction à la réponse de Grégoire Owona à Marafa

21 OCT. 2012
© Ulrich Tadajeu | Correspondance

Le gouvernement et le RDPC, du moins le gouvernement RDPC a finalement décidé de réagir à l’épisode épistolaire de Marafa Hamidou Yaya alors que la nuit semble s’abattre sur l’activité de cet ancien homme clé du président Biya qui est tombé sous les ailes de l’épervier.

Le gouvernement et le RDPC, du moins le gouvernement RDPC a finalement décidé de réagir à l’épisode épistolaire de Marafa Hamidou Yaya alors que la nuit semble s’abattre sur l’activité de cet ancien homme clé du président Biya qui est tombé sous les ailes de l’épervier. Certains médias ont qualifié cette réponse, en guise de tribune offerte à Grégoire Owona, de 5eme vraie lettre de Marafa Hamidou Yaya dans laquelle le tout récent ministre du travail dit «Non à l'insurrection, le changement est déjà en cours».

Au Cameroun, on ne commente pas les commentaires mais comme le mentionne si bien un groupe sur Facebook, « commentons les commentaires », je me permettrai de commenter les commentaires des commentaires. Je m’arrêterai sur trois affirmations de Grégoire Owona dans ce texte.

Premièrement, le ministre parle de la constitution et s’appuie sur la loi fondamentale pour dire que l’invite à l’insurrection de Marafa serait antidémocratique. Ceci en citant une disposition de cette constitution qui dit que le chef de l’Etat est élu pour un mandat de sept ans. Cette affirmation du ministre montre que la constitution et les lois de notre pays sont des lois à géométrie variable. Ce sont des lois sur mesure qui sont fabriquées et ficelées pour certaines personnes et pas pour d’autres. Quand Grégoire Owona prend à témoin la loi fondamentale de la sorte, il est sans ignorer que tout le monde respecte cette loi sauf le régime en place qui, dès que l’occasion se prête, n’hésite pas, soit à la modifier sans le consentement du peuple, soit à la nier tout simplement. Nous prenons ici, deux exemples : la modification constitutionnelle de 2008 et le non respect de certaines dispositions de la même constitution notamment l’article 66. Cela dit, si non respect de la constitution, il y’a dans ce pays, c’est certainement et uniquement le système Biya et toutes ses créatures qui en ont le monopole.

Ensuite, je veux m’insurger contre l’idée maléfique que le pouvoir en place héritier du pouvoir autoritaire précédent a produit pendant plus de 30 ans et dont Grégoire Owona fait état dans sa réaction. L’idée maléfique est l’idée selon laquelle toute pensée différente de la pensée en vigueur est une pensée subversive. C’est clairement ce que dit Grégoire Owona lorsqu’il dit : « la proposition de Monsieur Marafa, c'est le cas de le dire, confine à la subversion et à l'insurrection ». C’est dire que la proposition de Marafa, puisqu’elle est différente, puisqu’elle s’oppose à celle du régime en place est subversive et invite à l’insurrection. Il poursuit en citant les évènements de 1990 dans les universités, période au cours desquelles on a interdit les enseignements de philosophie dans les universités pour empêcher aux jeunes de réfléchir et de penser.

Enfin, Grégoire Owona invite Marafa, si ce dernier a des ambitions politiques, à se plier aux règles du jeu pour accéder au pouvoir. De quelles règles du jeu parle-t-il ? Des règles de jeu taillées sur mesure et qui n’ont qu’un objectif : favoriser un candidat et lui permettre de se perpétuer au pouvoir. L’élection présidentielle d’octobre 2011 a montré à merveilles les failles de notre système électoral, la répartition du temps d’antenne dans les chaines publiques, l’atteinte aux libertés publiques récentes montrent clairement que les règles du jeu sont faussées. Alors, pourquoi s’engager dans un jeu démocratique si on sait ce qui se passera à l’avance ?

Après ce tryptique, il faut bien reconnaitre à travers cette tribune de Grégoire Owona que le pouvoir « Biyaiste » est un pouvoir du faux, un pouvoir qui allie tromperie, fourberie et Hypocrisie. Un pouvoir qui utilise les textes quand bon lui semble pour accuser les autres et ne jamais se faire une autocritique. Ensuite, ce caractère du pouvoir Camerounais le rend rigide comme la plupart des pouvoirs africains. En effet, cette rigidité rend l’alternance démocratique impossible et utopique. Car les règles ne sont pas bien définies. Alors la voie armée reste la seule issue pour les entrepreneurs politiques de l’opposition. Achille Mbembe le martèle d’ailleurs dans son livre culte, sortir de la Grande Nuit : P20: « La possibilité de renverser le gouvernement par la voie des urnes n’existant pratiquement pas , seuls l’assassinat, la rébellion ou le soulèvement armé peuvent contredire le principe de la continuation indéfinie du pouvoir.» Dans un tel contexte, une attitude comme celle de Grégoire Owona et de ses camarades ne peut qu’inquiéter le peuple Camerounais qui est asphyxié par des lois et un pouvoir rigides. Nous prenons à notre compte ces paroles de J.F. Kennedy : « A force de rendre les révolutions pacifiques impossibles, on finira par rendre les révolutions violentes inévitables. » De quel changement parle-t-il ? Avec une flambée de l’hypocrisie dans le champ politique camerounais, la perte de confiance entre les dirigeants et les dirigés, peut-on parler de changement ?

Au lieu de réagir pour se contredire, il aurait été mieux pour le ministre du travail, par ailleurs Secrétaire général adjoint du parti au pouvoir RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), de se taire. Je ne suis partisan d’aucune formation politique dans ce pays, mais je pense que lorsqu’un haut commis de l’Etat comme M. Grégoire Owona prend la parole pour interpréter la loi d’une certaine manière, pour ressasser 30 ans d’hypocrisie politique, il est nécessaire de réagir. C’est ce à quoi, je me suis tenu à faire dans cette tribune.



21/10/2012
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