Quand le parlement enquête, “La commission n’a pas de pouvoir”

Quand le parlement enquête, “La commission n’a pas de pouvoir”

Cameroun : Quand le parlement enquête, “La commission n’a pas de pouvoir”Assemblée nationale. Les députés camerounais n'ont été autorisés à investiguer que deux fois dans le cadre de commissions constituées à cet effet.

Six députés réunis au sein d'un réseau parlementaire et accompagnés de membres de la société civile ont entrepris une enquête sur l'empiétement des espaces forestiers protégés par des exploitants miniers chinois, il y a deux semaines dans la région du Sud. La présence  du député Martin Oyono et de ses six collègues au sein de ce comité a suffi pour que cette mission soit considérée par certains comme une « commission d’enquête parlementaire ». Il n’en est rien.

La Constitution du Cameroun a donné à l'Assemblée nationale un pouvoir redoutable que celle-ci utilise rarement. La loi fondamentale prévoit en son article 35(1) : « Le parlement contrôle l'action gouvernementale par voie des questions orales ou écrites et par la constitution des commissions d'enquêtes sur des objets déterminés. »

En 1993 l’Assemblée nationale, pour la première fois, a créé une commission d'enquête parlementaire. C'était pour voir plus clair sur la banqueroute de la Cellulose du Cameroun (Cellucam). Une affaire scabreuse où, en 1976, les autorités camerounaises ont décidé d'investir 1200 milliards de FCfa pour produire de la pâte à papier. La commission d'enquête mise sur pied par l’Assemblée était présidée par Hilarion Etong, l'actuel 1er vice-président de la chambre.

Détournements

De source bien informée, pour cette première fois, l'Assemblée avait mis à la disposition de ses enquêteurs triés sur le volet parmi les plus calés en droit, des moyens considérables. Leurs frais de missions étaient payés par la chambre, même quand ils devaient se rendre pour les besoins de leur travail à l'étranger. Ils ne se sont du reste pas privés de cette éventualité en allant enquêter jusqu'en Asie, chez les partenaires indonésiens du Cameroun dans cette affaire. Au pays, les personnes entendues par la commission déposaient sous serment. Beaucoup étaient des personnalités de haut niveau.

Beaucoup étaient impliqués dans la distraction de fonds de la Cellucam, affirment nos sources. L'une d'entre elles, impliquée pour le détournement de plusieurs milliards, jouissait d'une immunité eu égard à ses fonctions. Les membres de la commission, une fois leur enquête achevée, avant le terme des quatre mois impartis par le statut, ont déposé leur rapport au bureau de l'Assemblée. Alors que le document était en cours d'enregistrement au secrétariat général, un mystérieux incendie s'est déclaré et a consumé toute la paperasse, dont le Rapport.

Mais, prévoyants, les commissionnaires n'avaient pas envoyé l'original du document, qu'ils ont servi par la suite. Les conclusions auxquelles ils sont parvenus étaient accablantes. L'Assemblée n'a jamais porté l'affaire devant la justice. Certaines personnalités mises en cause par l'enquête sont encore en fonction. Les autres se sont ruées aux élections législatives de 1997 et se sont fait élire députés, avec l’immunité que cela suppose.

Il a fallu attendre Six ans après cette première expérience, en 1999, pour que l'Assemblée nationale commette à nouveau des députés pour éclaircir une situation. C'était au ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel). L'opinion publique était alertée par la presse de ce que là-bas, les marchés publics étaient attribués en toute illégalité.

En effet, pour contourner la loi qui prévoit que tout marché public d'un montant supérieur à 5 millions de FCfa doit être octroyé par une commission de passation des marchés, on se mit à les morceler en ramenant les montants des lots à 4,9 millions. Des prestataires de services déambulaient dans les couloirs  du Minpostel, les bras chargés de parapheurs remplis à ras-bord de 4,9.

Résolutions

La commission parlementaire, avec à sa tête Aka Amuan du Sdf, a enquêté et, cette fois-là, l'Assemblée a consenti à faire intervenir la justice. Le ministre Mounchipou Seidou et 21 personnes, dont des directeurs et des prestataires de services, sont allés en prison.

Depuis lors, au moindre prétexte, on agite comme une menace la mise sur pied d'une commission d'enquête parlementaire. Le député Paul Ayah Abine explique : « Une commission d'enquête se constitue après le dépôt d'une proposition de résolution. Depuis 10 ans que je suis à l'Assemblée nationale, il n y a eu aucun dépôt de résolution ».

© Le Jour : Aziz Salatou


28/05/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres