Problème des Grassfields: Wikileaks relance le débat au Cameroun

Problème des Grassfields: Wikileaks relance le débat au Cameroun

Par Idriss Linge, Ingrid Alice NGOUNOU - 07/09/2011

Le site a publié des propos qu'auraient tenu le Vice-Premier ministre Amadou Ali où il est question des Grassfields. Morceaux choisis!

 

Le problème bamiléké comme beaucoup d’autres d’ailleurs au Cameroun, ne semble pas définitivement enterré. Un câble de Wikileaks et le débat est relancé chez les journalistes. Lundi dernier, les journaux Emergence et le Jour, ont publié une version traduite d’un rapport de l’ambassade américaine sur déclaration confidentielle attribuée au Vice-Premier ministre Amadou Ali en charge de la justice. En résumé, le câble fait tenir à Amadou Ali des propos assez durs sur la question Bamilékés. « La stabilité politique du Cameroun repose sur le climat de détente qu’il y a entre le grand groupe ethnique Beti/Bulu du sud et l’ensemble des trois régions du nord connues sous l’appellation de septentrion. Nous supporterons Paul Biya tant qu’il souhaite être Président, mais nous n’accepterons pas un autre Béti ou Bulu, encore moins un originaire de la grande tribu des bamilékés » rapporte le câble attribuant le commentaire au ministre camerounais. Un paragraphe plus loin apporte plus de détails à cette déclaration. « Les autres ethnies du Cameroun ne font pas confiance aux bamilékés et à leurs alliés Anglophones dont l’union est appelé Anglo/Bami en raison de ce qu’ils agissent de concert pour étendre leur influence commerciale dans le pays. Pour cela ils vont jusqu’à envoyer leurs femmes accoucher dans des zones reculées du pays » fait dire le câble au ministre de la justice. Toujours sur la question bamiléké, une corrélation est établie entre les émeutes de la faim de février 2008 et la présence de Bamilékés. Plus ils étaient nombreux quelque part, plus cela explosait, semble faire comprendre le dossier de Wikileaks. Enfin le ministre de la justice aurait fait savoir que les nordistes ne signeront jamais d’accord avec des bamilékés au sujet du pouvoir, tellement les premiers se méfient des deuxièmes.

 

© http://wikileaks.org/cable
Le câble diplomatique révélé par wikileaks sur le Cameroun

Ni le ministre de la justice garde des sceaux, ni le gouvernement, ni même l’ambassade des États-Unis à Yaoundé ne se sont exprimés sur le sujet. Vrai ou faux, difficile de savoir, mais cette information anodine en apparence, suscite de nombreux débats dans les médias. A l’origine une réaction de Jean Vincent Thienehom un journaliste camerounais réputé, sur les ondes d’une radio locale à Douala. Un débat qui s’est poursuivi sur le forum des journalistes camerounais. « Quand vous Bami, êtes ami d'un ministre Béti, il vous dit en prenant son air le plus sérieux: "Mais mon cher, tu crois vraiment que nous allons vous laisser faire ceci ou cela...pourquoi?...vous êtes les seuls au Cameroun?" Créer des entreprises, certes pour gagner de l'argent, mais aussi pour payer des impôts à l'Etat, donner un emploi à des Camerounais et augmenter le PIB du pays, devient un délit qu'il faut punir. Ce n'est pas de la victimisation. Ce sont des faits largement documentés. Et dans certains cas planifiés, dans le but clairement exprimé de freiner ou éliminer toute une communauté d'un secteur » fait-il savoir en revendiquant son droit à la parole. Une réaction qui fait couler beaucoup d’encre. Certains autres journalistes lui reprochent de n’avoir pas confronté les faits énoncés dans Wikileaks pour tirer le vrai du faux. D’autre par contre lui apportent des exemples de personnes originaires d’une tribu bamiléké et ayant bénéficié des largesses de l’Etat, à l’exemple de Fonning Françoise, une actrice connue de la politique. Mais ce débat obstrue une perspective encore plus effrayante, c’est que si le président Paul Biya n’était plus là, des alliances éclateraient trois grands groupes que pourraient être en conflit, et la diversité ethnique et culturelle du Cameroun ne serait pas une protection efficace. Si le câble a été orienté question bamiléké, il a cependant contribué à renforcer l’idée selon laquelle la stabilité du Cameroun tient à la présence de Paul Biya.

Morceaux choisis
Dans une discussion large et franche avec l'Ambassadeur, Ali a déclaré que la succession du Président Paul Biya devrait être considérée sur les variables de la détente entre le groupe ethnique Béti/Bulu de Biya prédominant dans la région sud du Cameroun et les populations des trois Régions du Nord, connues comme le Septentrion, qui sont ethniquement et culturellement distinctes du reste du Pays. Le Septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu'il voudra être président, prédit Ali, mais n'accepterait pas un successeur qui soit un autre Béti/Bulu, ou un membre du groupe ethnique économiquement puissant Bamiléké

Ali a disserté longuement sur les luttes politiques au Cameroun, rejetant l'opposition officielle et en se concentrant sur les groupes ethniques et régionaux du Cameroun. Ali a raillé John Fru Ndi, le leader du Social Démocratic Front(SDF), affirmant que Fru Ndi était corrompu (et avait empoché des centaines de milliers de dollars que le Président Laurent Gbagbo de la Côte d'ivoire avait donné au SDF). Et qu’il était un avide de pouvoir. Ali a fait valoir que la seule vraie opposition au GRC provient des «grassfields »; les groupes ethniques Bamilékés dans la Région de l'Ouest et les communautés Anglophones dans les Régions du Nord-ouest et du Sud-ouest. Ali dit que les autres groupes ethniques ont une méfiance pathologique vis-à-vis des bamilékés (qui sont parfois considérés comme co-conspirateurs avec les anglophones).

Ali a fait valoir que ce n’était pas un hasard si les émeutes de février 2008 ont été plus sévères dans les régions à forte prédominance bamiléké.

Il lui a été demandé ce que le Septentrion ferait si Biya venait à nommer un compagnon Béti pour lui succéder, M. Ali a affirmé que Biya, sachant qu’il serait inacceptable pour le reste du Cameroun, ne prendrait jamais une telle décision. Même si les membres de la tribu de Paul Biya cherchent à s’affirmer, Ali a déclaré que les Bétis étaient trop peu nombreux par rapport aux nordistes et beaucoup moins encore par rapport au reste des camerounais. Ali a déclaré que des élites Bamilékés ont approché des élites du nord pour rechercher une alliance entre leurs territoires respectifs mais que les habitants du nord (et les autres groupes ethniques) étaient si soupçonneux des intentions des Bamilékés et craintifs de leur pouvoir économique, qu'ils ne conspireraient jamais pour soutenir un pouvoir politique Bamiléké.

 



11/09/2011
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