Prise d’Otage à Waza : Comme il est beau d’être français sous les tropiques!

Cameroun - Prise d’Otage à Waza : Comme il est beau d’être français sous les tropiques!… Longue Longue en échange de Thierry Michel  Atangana

On apprend aux étudiants de première année de géographie que les tropiques sont deux lignes théoriques du globe terrestre, parallèles à l’équateur, dont elles sont séparées de part et d’autre du 23° 26’ de latitude. On a ainsi le tropique du cancer au Nord et le tropique du Capricorne au Sud. Au-delà de leur volet géoclimatique où le soleil atteint le zénith à midi, ce sont des bandes imaginaires qui recouvrent essentiellement l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique latine, avec pour dénominateur commun la pauvreté, les guerres et les bandes armées qui dictent leurs lois aux populations. Les tropiques, sont donc une philosophie de vie marginale commune à des peuples plus ou moins différents et quasi condamnés à tomber les uns après les autres sans pouvoir jamais se relever. Les tropiques, c’est enfin un territoire, théâtre des opérations dont les tenants et les aboutissants profitent à tout le monde sauf aux principaux concernés qui y actent les formes diverses de production et de reproduction.

Les officiels français savaient pour le Cameroun…

Les officiels français hésitent à établir un lien qui semble pourtant clair, entre les interventions au Mali et le récent enlèvement de sept de leurs compatriotes aux alentours du parc de Waza au Nord du Cameroun. Tout ceux qui connaissent le modus operandi des terroristes islamistes, ne peuvent en être que surpris, y compris les services de renseignements français qui comptent parmi les plus puissant au monde. Le président François Hollande a d’ailleurs affirmé mercredi matin en conseil des ministres que son homologue camerounais l’avait informé d’une imminente menace terroriste au Cameroun.

On pourrait ajouter à la liste le dernier rapt de Guibaï Gatama, le directeur de publication de l’ « œil du sahel » dans un café de la capitale, qui avait publié dans son journal, qu’il y avait bel et bien eu transfert d’islamistes membres du Boko Haram des autorités camerounaises vers le Nigeria. Tous ces éléments montrent à suffisance dans un contexte aussi sensible et explosif que celui des interventions militaires des armées française, malienne et africaines au Nord du Mali, qu’il serait très surprenant que les services d’intelligence français n’aient pas été au parfum de la menace de leurs intérêts à travers le monde, a fortiori dans des régions comme celle du Nigéria et du Nord du Cameroun qui abritent déjà des terroristes du Boko Haram qui ont sévi par le passé, et dont les liens avec AQMI au Maghreb islamique sont clairement prouvés.

S’il est donc vrai que le Cameroun, au vu de ce qui précède, constituait une cible connue même des plus grands amateurs du Renseignement, il est moins curieux de savoir ce qui aurait décidé les autorités françaises de ne pas agir en amont comme c’est souvent le cas en de semblables occasions. Les raisons sont à scruter à bien d’endroits notamment sur le retour en trombe de l’hexagone vers ses ex-colonies parmi lesquelles celles en Afrique au Sud du Sahara actuellement en proies au « miracle » de la coopération win-win chinoise qui, à défaut de jouer comme leurs concurrents, l’hypocrisie de la libération des peuples, apporte du concret et installe une concurrence vive et visible entre elle et l’occident.

Au lendemain des indépendances des pays africains du précarré français, des accords ont été signés, donnant la priorité à la protection des intérêts français. Ces accords ne semblent plus garantir la sécurité et la pérennité desdits intérêts avec la poussée chinoise. En dehors de la base militaire de Dakar qui a été fermée en juin 2010, la France a continué à marquer son territoire ces cinquante dernières années par une présence militarisée, il y a qu’à se souvenir du conflit post électoral en Côte d’Ivoire et les récents évènements de Bangui pour comprendre l’impact que peut avoir la présence d’une base militaire française dans un pays africain.

L’intervention militaire française au Mali a pour nom de baptême « opération serval ». C’est un félin (à l’apparence d’un grand chat) descendant du lion, dont la particularité est de circonscrire son périmètre vital en y urinant cent fois au même endroit. Le choix de ce nom qui n’est aucunement hasardeux pour qui connait l’Afrique compte pour la France et montre sans aucun abus de langage la tendance à une « recolonisation » du précarré perdu depuis la présence chinoise. « François Hollande Kéita », comme l’a appelé à cœur joie un auditeur malien de la radio France internationale, n’est pas malien pour avoir sauvé le pays de l’invasion des islamistes, il est bel et bien le président des français qui meurent pendant que les soldats maliens (bérets rouges versus bérets verts) se battent honteusement pour contrôler le Camp militaire de Kati, feignant de savoir que la guerre se passe au Nord, non pas à Bamako, encore moins dans un camp militaire.

La situation au Nord du Cameroun pourrait être un prélude à une autre invasion militaire au nom de la lutte anti-terroriste si on n’y prend pas garde. Aux autorités camerounaises de prendre cette affaire très au sérieux afin que le Cameroun, au-delà de cette enlèvement odieux d’enfants qui suscite de l’émoi en France et partout dans le monde, reste un havre de paix et que le Grand Nord du Cameroun qui vient d’être déclaré zone à risque par le quai d’Orsay, redevienne fréquentable afin que ne meure pas le tourisme camerounais qui souffre déjà d’un déficit criard de politique.

La France prête à tout pour sauver ses ressortissants

L’affaire Vanessa Tchatchou a beau avoir fait le tour du monde, elle n’a jamais suscité une réaction officielle de la part de nos dirigeants. Silence radio à la présidence de la république. La première dame qui d’ordinaire sait se mettre aux côtés de ceux qui souffrent, est restée étonnamment sans mot dire. La presse a longtemps dénoncé les travers de l’administration camerounaise et de la bouche de la plus haute autorité de notre pays, on lui demandé des preuves. Plus proche de nous, les crimes rituels de Mimboman, lors desquelles les tueries de sept jeunes filles n’ont en rien été suffisantes pour mériter l’attention du chef de l’Etat pendant son dernier discours à la jeunesse. Cependant, les seules fois où le régime se trouve contraint de réagir, c’est lorsque les médias internationaux reprennent à leur compte des informations qui ont parfois déjà fait l’actualité au Cameroun, et ont été suffisamment relayés par la presse locale. Il faut donc être français pour mériter l’attention des nôtres!

La promptitude avec laquelle le gouvernement camerounais a réagi après ces enlèvements nous impose deux lectures. La première nous permet de dire que les Français au Cameroun sont pris plus au sérieux que les Camerounais eux-mêmes, non pas parce qu’ils sont des investisseurs à protéger et à encourager (auquel cas on mettrait sur pied un véritable code de l’investissement), mais parce que leur insécurité est susceptible d’ébranler le régime à la suite d’une colère de l’Elysée. En plus, la dernière visite du président Biya en France, est restée en travers de la gorge de nombreux Camerounais qui ont vu leur président se faire humilier et accueilli par l’Ambassadeur de France qui a été accrédité au Cameroun par celui-là même qui l’accueille. Ce « format diplomatique » est tellement si étrange dans les usages que même les experts en la matière ne s’y accordent pas. Quoiqu’il en soit, il apparait clairement que la France n’est pas contente de perdre du terrain au Cameroun et il semble que François Hollande tenait à le faire savoir à travers cette visite, au point de faire fi de la menace terroriste dont lui a parlé Paul Biya au cours de leur entretien.

La politique africaine de la France ne changera guère parce que la Gauche qu’on dit à tort ou à raison avoir le cœur sur la main est aux affaires, ne nous leurrons pas. Il revient à chacun de nous d’y réfléchir et de trouver des voies et moyens pour faire de notre pays non plus une vache à lait qu’on peut traire par un simple chantage au maintien au pouvoir ou à la déstabilisation des institutions, mais un pays où chacun se comporte en homme d’Etat (qui pensent aux générations futures) ou en intellectuel citoyen. Faut-il encore dire que les intérêts français passeront toujours en premier, loin devant la démocratie de façade qu’on nous fait servir.

L’affaire Thierry Michel Atangana remet au gout du jour tout l’intérêt que les autorités françaises portent à leurs ressortissants, et l’approche de coopération instrumentale qu’ils en font. Par respect pour nos institutions et les lois qui les sous-tendent, il est important de dire que ce désormais célèbre prisonnier, au regard de la  loi No 68/LF/3 du 11 juin 1968 portant Code de nationalité, n’est plus camerounais bien qu’y ayant occupé de très hautes fonctions. Le gouvernement camerounais pêche d’ailleurs à cet effet par sa tolérance administrative sélective et à tête chercheuse. La presse française n’a fait aucune allusion à la visite de travail proprement dite si ce n’est revenir sur cette affaire qui, il faut le dire, relève quand même d’une affaire de droit commun, dans un pays où la justice est en quête d’indépendance. Cette tribune nous permet également de remarquer qu’une frange de l’opposition s’est prêtée à un jeu très dangereux pour la souveraineté de notre pays, puisqu’en jouant les porte-paroles de TMA, au moment de la visite du président, elle légitime ce que les opposants ont l’habitude de reprocher au pouvoir d’Etoudi, donnant l’impression qu’effectivement, tout se décide à Paris et non à Yaoundé.

Contrairement aux dirigeants camerounais qui gardent le silence quand les leurs sont dans la souffrance, tous les officiels français ou presque ont réagi. L’ensemble des médias français en parle en boucle depuis le début de ces enlèvements. Le gros canular d’un officier militaire camerounais, sur la libération des otages et les réactions qui s’en sont suivies montrent très bien tout l’intérêt qu’on y accord en France, et qui devrait nous servir de leçon. Comme l’Angleterre et les USA, l’hexagone a décidé de ne plus payer les rançons. Pour le cas d’espèce, on pourrait s’attendre à ce que le Cameroun prenne le risque de le faire, sur le dos du contribuable, même sans «contrainte par corps diplomatique», poussé en cela par la trop grande fébrilité dont ont souvent fait l’objet ses dirigeants en de circonstances pareilles, également auréolé en cela, par le timide accueil de Paul Biya en France, qui est un très mauvais signe pour ceux qui connaissent la nature des relations entre la France et ces dirigeants africains qui ont encore besoin de la caution de Paris pour exister.

Cette affaire aura au moins eu le mérite de nous apprendre que le Grand-Nord du Cameroun longtemps resté la chasse gardé des coupeurs de route, des bandes armées et aujourd’hui des djihadistes va davantage dans son volet sécuritaire, attirer l’attention de tous, sans perdre de vu que c’est tout ce qui nous restait comme élément d’attraction de touristes qui vient d’être remis en question. Il ne reviendra donc pas à la France de refaire un communiqué pour demander aux français d’y retourner, mais à nos propre autorités, de saisir la balle au bond pour enfin faire du Cameroun une véritable destination touristique. Tout ceci ne prendra corps que lorsqu’on aura compris que, les difficultés que rencontre un Camerounais où qu’il soit dans le monde mérite que nous nous levions comme un seul homme, pour lui porter assistance au lieu de regarder primo sa tribu, son portefeuille…Ainsi, que nos dirigeants aient le courage de demander la libération de Longue Longue en échange de celle de Thierry Michel Atangana.

© Correspondance de : Narcis Ulrric Bangmo, Educateur au développement Louvain-la-Neuve (Belgique)


24/02/2013
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