Présomption de plagiat : la mise au point qui enfonce Eyebe Ayissi


Cameroun,Cameroon - Présomption de plagiat : la mise au point qui enfonce Eyebe AyissiLe patron du Consupe, à travers un grossier «Kilav» par voie de presse conçu par son éditeur, tente de se donner la posture d’un honnête homme. Il renforce plutôt les soupçons de copiage.

Les éditions Le Kilimandjaro, qui viennent d’éditer le livre «La protection de la fortune publique au Cameroun» d’Henri Eyebe Ayissi, se sont fendues d’une savoureuse mise au point insérée dans certaines publications hier. Il s’agit, ainsi que l’indique implicitement le document, de donner la riposte à La Météo qui, dans ses dernières publications, épinglait le non moins ministre délégué à la présidence de la République en charge du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), empêtré dans un scandale de copiage présumé d’un ouvrage éponyme écrit par un doctorant en droit public et actuellement étudiant à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam). Premère curiosité : les éditions Le Kilimandjaro ont choisi d’acheter de larges espaces dans la presse, évitant étrangement d’adresser leur prose en priorité à La Météo, qu’elles citent et qui se serait fait le plaisir de la publier gratuitement. Passons.

En rappel, Eric Samuel Koua avait approché le Consupe par écrit, le 17 janvier 2014 aux fins de solliciter la mise à disposition, pour actualisation de son travail dont le titre, «La protection de la fortune publique au Cameroun», figurait en noir et blanc et en toutes lettres dans sa missive, de la décision du Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) concernant l’université de Douala. Un peu plus d’un mois plus loin, M. Eyebe Ayissi, qui rappelait fort opportunément que seules les autorités prévues par les textes pouvaient solliciter les décisions du Cdbf, renvoyait son correspondant aux échos diffusés par voie de presse sur cette affaire.

Loin de se décourager, Eric Samuel Koua était revenu à la charge, cette fois pour souhaiter la préface de son livre par Henri Eyebe Ayissi, qui en avait reçu une mouture prête à publier. Il n’a plus cru devoir donner suite à la demande ou, plutôt, selon les éditions Magalo-Makele, qui préparent la sortie du livre d’Eric Samuel Koua, le ministre a nourri son jeune congénère, au passage ex-cadre au Consupe, de promesses de préface. Jusqu’à ce que, le 30 juillet 2014 à Yaoundé, le membre du gouvernement présente au public un ouvrage fruit de sa réflexion et qui s’intitule… «La protection de la fortune publique au Cameroun».
Il n’en fallait pas plus pour que les éditions Magolo-Makele, qui préparent la sortie du livre d’Eric Samuel Koua pour ce jeudi, subodorent un acte «immoral paradoxalement opposé à la promotion de la morale publique» et invitent les Camerounais «à ne pas être divertis en ce moment par une éventuelle imposture intellectuelle et d’attendre l’œuvre originelle». Magloire Nlate, le directeur exécutif de Magolo-Makele, a menacé de «défendre vigoureusement [les] droits» de sa maison «par tous les moyens légaux dignes de notre Etat de droit», si jamais le plagiat était avéré.

Tentative de désinfection

Les éditions Le Kilimandjaro, dans leur mise au point qui en réalité ne convainc personne, invoquent l’antériorité du travail de leur client Henri Eyebe Ayissi. On y apprend ainsi que c’est depuis le 1er août 2012 que le nouvel écrivain a sollicité un encadrement scientifique dans la perspective de la parution de son prochain (sic) ouvrage. Que le manuscrit a été déposé puis le contrat d’édition passé depuis le 5 septembre 2012. Que l’impression de l’ouvrage est achevée depuis mars 2013, «à l’étranger» – remarquez la précision du pays… Que le colis est parvenu au Cameroun – par bateau – le 29 juin 2013, après que l’impression du livre, dont le dépôt légal date du 1er trimestre 2013, a été faite en août de la même année.

Tout ceci pour conclure que l’antériorité de la parution de l’ouvrage ministériel «remonte bien avant les contacts de ceux qui se répandent à travers les journaux et qui affirment eux-mêmes que leurs premières correspondances avec Monsieur Henri Eyebe Ayissi ont eu lieu en date du 17 janvier 2014 (…)».Les éditions Le Kilimandjaro, dans leur navet, indiquent que l’ouvrage de leur client porte comme 008/2013 le numéro d’identification (International Standard Book Number, Isbn) le 978-9956-738-10-7. La Météo est en mesure d’affirmer, ainsi que le confirment ses recherches, que cette référence est fausse. Henri Eyebe Ayissi, via Le Kilimandjaro, peut toujours continuer de faire illusion. Son numéro sera très rapidement éventré à l’international.

En attendant, son éditeur a bien cru devoir mettre quelques exemplaires sur le marché. Après tout, un ouvrage présenté en grandes pompes au public doit bien être accessible, non ? Las. Le livre d’Eyebe Ayissi, ainsi que votre journal l’a révélé lundi dernier, est bizarrement absent des kiosques. A la librairie Peuples Noirs de Tsinga, quelques veinards ont pu, au prix de moult contorsions, accéder au produit mardi soir. Le lendemain, une vendeuse les a priés de bien vouloir les ramener, contre remboursement des frais engagés. L’éditeur, face à la tournure des événements, doit prestement tout retirer du marché. Nous prenons à témoin les lecteurs de cet article : dans aucun kiosque, tout au moins jusqu’à nouvel avis, ils ne trouveront le livre d’Henri Eyebe Ayissi dont l’éditeur proclame l’autorité et la légitimité sur cette œuvre de’ l’esprit. Vous avez dit bizarre ?

Cette sortie de l’éditeur du quartier Santa Barbara ressemble, à tous points de vue, à une tentative désespérée de désinfection d’une plaie purulente. Comment en effet un homme de la trempe d’Eyebe Ayissi a-t-il pu accepter de recevoir la mouture d’un écrivain en herbe sollicitant sa préface et portant le même titre que le sien, dont la rédaction était antérieure ? Le minimum eût voulu qu’une mise en garde soit automatiquement servie à Eric Samuel Koua, qui à ce moment-là allait apparaître comme un fieffé copiste. Au lieu de quoi, le ministre a tranquillement gardé par devers lui un ouvrage en chantier et qui, selon son éditeur, était une copie du sien, promettant une préface qui n’est jamais arrivée.

Entre-temps, on apprend, de sources introduites, qu’Eyebe Ayissi a proposé son premier manuscrit à Kilimandjaro en janvier 2013. Trop politique-politicienne, avait alors tranché le destinataire qui ne le trouvait pas assez didactique et exigeait des reformulations. Les deux parties se seraient alors brouillées pendant de longs mois, jusqu’à ce que le ministre revienne à la charge et consente à laisser quelques nègres opérer des chirurgies esthétiques dans ses écrits.

Chemin faisant, Henri Eyebe Ayissi se serait, selon les mêmes sources, gardé d’indiquer à son éditeur qu’il avait sur sa table l’épreuve d’un autre livre au même titre que le sien. Et que dire du contenu ? Ainsi que La Météo l’a déjà précisé, les deux ouvrages s’imbriquent au niveau aussi bien de la démarche éditoriale que de la démonstration technocratique. À la seule différence qu’Eric Samuel Koua prolonge la réflexion en proposant des pistes de réforme du système d’assainissement des mœurs publiques au Cameroun. Ici, il est clair que le garant de la moralité républicaine se retrouve en délicatesse avec l’éthique intellectuelle, son éditeur en étant réduit à colmater des brèches béantes qui ne convaincront pas grand-monde sur l’honnêteté du ministre.

Le médiateur déboussolé

Aux cris d’orfraie de Magolo-Makele, Le Kilimandjaro – peut-être de bonne foi – a répliqué par une mise au point sarcastique avec des détails juridiques qui ont du mal à résister aux évidences. Au détour de ses investigations, votre journal a été surpris par le ton furieusement éthéré d’Eric Samuel Koua. «Je me réserve pour l’instant. Vous savez que chez les bantous on ne bouscule pas un aîné», a-t-il expliqué au téléphone. In fine, des indiscrétions font état de grosses pressions exercées sur le pauvre finissant de l’Enam dont la sortie serait désormais hypothéquée, au cas où il maintiendrait ses accusations de plagiat contre l’un ministre influent du système.

Ce que les éditions Kilimandjaro ne précisent pas, c’est que des négociations ont bel et bien été entreprises avec la partie adverse depuis l’éclatement par votre journal de cette affaire. Eric Mathias Owona Nguini s’est ainsi proposé pour les bons offices et les choses semblaient en bonne voie. «Mon jeu consiste à désamorcer cette bombe, mais pour l’instant je ne peux pas parler de plagiat», a-t-il déclaré. «Je ne veux pas d’intermédiation, a renchérit Magloire Nlate. On est serein et la peur est plutôt de l’autre côté».

Magolo-Makele annonce la saisine des tribunaux et, pour demain, vendredi (non plus aujourd’hui comme nous l’annoncions dans notre publication de lundi), la cérémonie de dédicace du livre sur lequel il a engagé d’énormes frais de fabrication. L’événement, qui verra la présence du directeur de l’Enam et préfacier, Toussaint Linus Mendjana, se déroulera bien à Yaoundé. Le directeur exécutif promet de communiquer sur le lieu en temps opportun. Eric Samuel Koua, pour sa part et sans le dire, a choisi la voie de «l’apaisement» sans en préciser les contours. Il l’a lui-même indiqué : «Mieux vaut un bon arrangement qu’un mauvais procès». Soit, mais son éditeur acceptera-t-il le marchandage au risque de voir sa crédibilité vendangée? La messe n’est pas dite sur «La protection de la fortune publique au Cameroun».

 

© Source : La Météo


08/08/2014
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