Président intouchable

Jeudi, 10 Mai 2012 09:09 Jean-Bruno Tagne

Responsabilité pénale. La constitution camerounaise met le chef de l’Etat à l’abri de toute poursuite pour des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

Celui qui ne sera plus que « le citoyen Sarkozy » à partir du 15 mai prochain, après la prestation de serment de François Hollande, pourrait très vite faire face à la justice. Certains médias citent son nom dans les affaires Karachi, Bettencourt et, plus proche de nous, le financement présumé de sa campagne en 2007 par l’ancien numéro un libyen, Mouammar Kadhafi. Délesté de l’immunité judiciaire qui le couvrait du fait de ses fonctions présidentielles, Nicolas Sarkozy redeviendra un justiciable ordinaire et pourrait déférer aux convocations des magistrats. Jacques Chirac a connu cette fortune, lui qui a été condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.

Qu’en est-il au Cameroun ? Quel est le statut pénal du président de la République au Cameroun ? Le chef de l’Etat peut-il être poursuivi pour les actes qu’il aurait accomplis pendant l’exercice de son pouvoir ?

La responsabilité du chef de l’Etat au Cameroun peut être abordée sur deux plans : au plan politique et au plan pénal. « Au plan politique, explique Francis Ampère Simo, enseignant à l’université de Yaoundé II, la Constitution du Cameroun  fait du président de la République un irresponsable. En effet, élu au suffrage universel, il ne peut être démis ni par un vote parlementaire, au nom de la séparation des pouvoirs, ni par un vote de défiance du corps électoral, aucune procédure n’étant prévue en ce sens. Cette  irresponsabilité découle d’une maxime d’essence monarchique selon laquelle «Le Roi ne peut mal faire». »

Opposants

Sur le plan pénal, le chef de l’Etat au Cameroun bénéficie d’une immunité pour les actes qu’il aurait commis dans l’exercice de son pouvoir. « Il ne peut être jugé que par la Haute Cour de justice pour haute trahison, tel que le prévoit l’article 53 nouveau de la Constitution », analyse Francis Ampère Simo. Et ce même article voté par l’Assemblée nationale en avril 2008 précise que « le  président  de  la  République  ne  peut  être  mis  en  accusation  que  par l’Assemblée  nationale  et  le  Sénat  statuant  par  un  vote  identique  au  scrutin public et à la majorité des quatre cinquièmes des membres les composant ».

L’immunité dont bénéficie le chef de l’Etat ne couvre que les actes qu’il aurait accomplis pendant la durée de son mandat. Une fois qu’il quitte ses fonctions, le président de la République devient un justiciable et s’expose désormais aux poursuites judiciaires devant les juridictions ordinaires.

A la faveur de la dernière présidentielle française, le débat sur le statut pénal du chef de l’Etat a été posé. Le président de la République ne peut être poursuivi sous aucun motif, ni même entendu comme témoin. François Hollande et Eva Joly ont proposé que cela soit modifié, ou que l’immunité dont il bénéficie dans l’exercice de ses fonctions soit simplement supprimée.

Cette posture trouve ses défenseurs au Cameroun dans certains milieux intellectuels et surtout auprès de certains opposants. Mais les défenseurs de l’immunité pénale du président de la République estiment qu’il s’agit d’une garantie importante qui lui permet d’exercer ses hautes fonctions en toute sérénité et loin de tout harcèlement judiciaire pendant et après le pouvoir. Sinon, soutiennent certains observateurs, on risque d’avoir des dirigeants, qui se battent, bec et ongles, pour rester au pouvoir, question d’échapper aux poursuites judiciaires.

Jean-Bruno Tagne




10/05/2012
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