Présidence du Sénat : Le plan machiavélique de Paul Biya

Cameroun - Présidence du Sénat : Le plan machiavélique de Paul BiyaLa présidence du Sénat pourrait aller à l’Ouest mais pas à un Bamiléké mais plutôt à un Bamoun. Et ce pourrait être Ibrahim Mbombo Njoya, Sultan, roi des Bamoun et ami personnel de Paul Biya.

I- L’échec de Jean Nkuete

L’invalidation des listes Rdpc pour les régions de l’Ouest et de l’Adamaoua ne gêne aucunement pas Paul Biya, bien au contraire cela arrange ses affaires. Malgré les excuses voilées du Secrétaire général du Comité central du Rdpc, Jean Nkuete, originaire de la région de l’Ouest et très proche du président Paul Biya. Les deux hommes se tutoient en privé. Quand Paul Biya le nomme Secrétaire général du parti au pouvoir peu après la nomination au gouvernement du 9 décembre 2011 dans lequel il n’est pas reconduit, il y a des grincements de dents dans la grande famille Fang/Béti dans laquelle on estime que ce poste stratégique devait revenir à l’un des leurs surtout que Paul Biya avait fait d’un autre Bamiléké, Emmanuel Nganou Djoumessi, ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire.

En nommant Jean Nkuete au secrétariat général du Rdpc, Paul Biya qui en est le président national savait que son ami personnel est un incompétent notoire qui n’a pas laissé de bons souvenirs comme ministre puis comme vice-Premier ministre en charge de l’Agriculture et du Développement rural. C’était un bon débarras pour Paul Biya qui ne voulait plus le reconduire au gouvernement. Mais le voilà qui par son incompétence, pose des problèmes pose des problèmes à Paul Biya, mais en réalité c’est à lui-même et non au président que l’ancien vice-Premier ministre pose problème. Car à l’Ouest on est très furieux de rater les sept sénateurs et cela retombe sur un propre fils de la région.

Chaque fois accusé de toutes parts par l’opinion nationale et internationale quand il y a un Couac en matière d’élection ou autre, voici que Paul Biya tire son épingle du jeu. Cette fois-ci, il n’est plus mis sur le devant de la scène, il est même dédouané dans cette affaire de l’invalidation des listes Rdpc dans les régions de l’Ouest et de l’Adamaoua, mais en réalité cela sert bien ses plans. Paul Biya a défini les critères pour les candidatures du Rdpc à ces sénatoriales et a désigné des cadres du parti pour sélectionner les candidats. Lui-même a suivi avec un grand intérêt et un soin particulier le choix de ces candidats. Et quand Elecam a rejeté certaines listes du Rdpc, il n’est pas intervenu, laissant cette institution faire son travail selon les règles de l’art. Il n’a donné aucune consigne à la Cour suprême en lieu et place du Conseil constitutionnel qui n’est pas encore mis en place.

En procédant de cette manière, Paul Biya se met au-dessus de la mêlée et montre sa bonne foi, montre à la face des Camerounais qu’il est propre, blanc comme neige et que rien ne doit lui être imputé dans cette affaire mais à ses collaborateurs du parti, incompétents. Si échec il y a, les militants de base du Rpdc et les candidats recalés par Elecam ne doivent donc pas s’en prendre à leur chef Paul Biya mais aux autres responsables du parti. Paul Biya veut montrer à l’opinion internationale qu’il n’est pas le principal responsable de tous les maux dont on l’accuse à tort selon lui. Il veut montrer à cette opinion qu’il respecte les règles du jeu politique et les décisions prises par les institutions en place. Le chef de l’Etat veut montrer que la démocratie existe et fonctionne bel et bien au Cameroun, n’en déplaise à ses détracteurs.

II- Le plan de Paul Biya

Paul Biya ne veut pas d’une domination trop grande du Rdpc à la chambre haute du parlement qu’est le Sénat. Son parti a une majorité écrasante à l’Assemblée nationale avec 153 députés, il ne veut pas que la situation soit identique au Sénat. Ce qui fait donc que le rejet des listes Rdpc dans l’Ouest et l’Adamaoua l’arrange bien, puisque s’agissant de l’Ouest il y a deux partis, le Sdf de Ni John Fru ndi et l’Udc d’Adamoua Ndam Njoya qui vont se battre alors que dans l’Adamaoua, l’Undp sera seule en l’absence du Rdpc. Mais dans ces deux régions, Paul va nommer six sénateurs, trois par région. Paul Biya ne veut donc pas d’un Sénat monocolore mais d’une chambre haute où cohabitent des sénateurs issus d’autre formation politique. Selon nos projections, le Rdpc aura 42 sénateurs élus puisque les régions du Centre, de l’Est, du Sud, de l’Extrême Nord, du Nord, du Sud-Ouest et du Littoral lui sont d’avance acquises. Et comme Paul Biya nomme 30 sénateurs, le Rdpc va franchir allègrement la barre de 60 sénateurs.

La présidence du Sénat à l’Ouest ?

La région de l’Ouest n’aura pas de sénateurs élus du Rdpc mais du Sdf ou de l’Udc. Les trois sénateurs nommés par Paul Biya sortiront incontestablement du Rdpc. Et dans ce groupe, selon nos informations puisées à bonne source, il y aura Ibrahim Mbombo Njoya, sultan, roi des Bamouns qui est un proche ami de longue date du président Paul Biya. Si l’Udc d’Adamou Ndam Njoya, cousin de Mbombo Njoya prend les sept sièges de sénateurs élus, cela va être une catastrophe, une tragédie pour le roi qui est à couteaux tirés avec le leader de l’Udc. C’est bien connu que les deux hommes ne s’entendent pas. L’Udc d’Adamou Ndam Njoya a quatre députés sur les cinq que compte le département du Noun et la presque totalité des communes de ce département, l’un des plus peuplés de la région de l’Ouest.

Paul Biya pourrait donc nommer Ibrahim Mbombo Njoya comme sénateur et l’imposer comme président du sénat compte tenu que le Rdpc y sera majoritaire. Ce qui fait donc qu’on pourrait avoir un ressortissant de l’Ouest à la présidence du sénat mais un non Bamiléké. C’est un plan machiavélique que Paul Biya a déjà mis en route. Il va dire à la région de l’Ouest qu’il l’aime, lui ayant donné la présidence du Sénat, cette région qui se plaint de ne présider aucune grande institution de l’Etat. Et ainsi on pourrait avoir ce qui suit (voir tableau ci-dessous).

Ouest : le Rdpc va-t-il voler au secours du Sdf ?

Le Sdf de Ni John Fru Ndi et l’Udc d’Adamou Ndam Njoya auront besoin des voix du Rdpc pour prendre les sept sièges de sénateurs. Et on voit mal les conseillers municipaux du Rdpc voter pour l’Udc d’Adamou Ndam Noya. Compte tenu du climat de haine qui règne entre le leader de ce parti de l’opposition et Ibrahim Mbombo Njoya, membre du bureau politique du Rdpc. Dans le département du Noun que domine l’Udc, les voix des conseillers municipaux iront aux sept candidats de ce parti, mais c’est dans les départements bamiléké que sont les Bamboutos, le Haut-Nkam, les Hauts-Plateaux, le Koung-Khi, la Menoua, la Mifi et le Ndé que les conseillers municipaux Rdpc vont probablement donner leurs voix au Sdf de Fru Ndi sur consigne de la haute hiérarchie. Selon nos sources, c’est ce scénario qui a été mis en place par le Rdpc qui ne voudrait pas voir l’Udc prendre les sept sièges de sénateurs élus. Et puis, il faut tenir compte d’une autre réalité : le Sdf est à la tête d’une municipalité dans le département de la Mifi et à des conseillers municipaux dans certaines autres, il suffirait donc d’un coup de pouce du Rdpc pour que le Sdf passe. La bataille entre le Sdf et l’Udc va donc être rude !

Adamaoua : L’Undp aux anges

En l’absence du Rdpc, l’Undp de Bello Bouba Maïgari est bien parti pour prendre les sept sièges de sénateurs élus. Dans cette région, il n’y a que le Rdpc et l’Undp. Et le ministre d’Etat en charge du Tourisme et des Loisirs se frotte déjà les mains à l’idée que son parti va recueillir assez facilement les suffrages des conseillers municipaux du Rdpc. Si la tournure prise par les événements désole certains membres du Rdpc dans les régions de l’ouest et de l’Adamaoua, elle n’est pas pour mécontenter Paul Biya. Bien au contraire, cela l’arrange au plus profond de lui-même.

Ouest et Adamaoua : Le président du Rdpc ne donne aucune consigne

De sources dignes de foi, le président de la République et président nationale du Rdpc aurait décidé de ne pas se mêler du jeu électoral dans les régions de l’Adamaoua et de l’Ouest où les listes de son parti ont été invalidées pour diverses raisons par Elecam. Selon ces sources, le président Paul Biya laisse chaque conseiller municipal du Rdpc voter en son âme et conscience la liste de son choix. Finalité, pas de consigne de vote pour le Sdf de Ni John Fru Ndi et l’Udc d’Adamou Ndam Njoya dans la région de l’Ouest où ces deux formations de l’opposition vont se mesurer pour prendre les sept sièges de sénateurs mis en compétition sur les dix que compte cette région, les trois autres faisant l’objet d’une nomination par le président Paul Biya.

Officiellement donc, Paul Biya a décidé de ne pas mettre la bride au cou des conseillers municipaux de son parti à l’Ouest. Une manière de leur dire qu’ils sont responsables d’envoyer au Sénat des membres du Sdf et / ou de l’Udc. Derrière cette décision, il y a l’éternel cynisme du chef de l’Etat. Le message est le suivant. C’est un de vos frères, Jean Nkuete, secrétaire général de notre parti qui n’a pas bien fait son travail, ce qui a conduit à l’invalidation de votre liste. Je n’y suis pour rien. C’est également la même chose qui va se passer dans la région de l’Adamaoua où en l’absence du Rdpc, l’Undp de Bello Bouba Maïgari ne voit pas qui va l’empêcher de prendre les sept sièges de sénateurs mis en compétition. Des contre-consignes des cadres du Rdpc ou le vol en éclat de la discipline du parti

Mais selon d’autres sources toutes aussi concordantes, certains responsables du Rdpc ne sont pas d’accord avec cette attitude de Paul Biya qu’ils trouvent anormale. Ainsi donc à l’Ouest par exemple, certains responsables nationaux ou locaux du Rdpc à l’Ouest tenteront d’influer sur la décision des conseillers municipaux de leur parti pour voter en faveur du Sdf ou de l’Udc. Il y en a qui jurent en effet par tous les saints que le Sdf de Ni John Fru Ndi n’aura aucun Sénateur dans leur région pour des raisons qui leur sont propres. De même pour Rdépecistes, il leur est difficile d’avaler la pilule que l’Ouest soit représentée par des les sénateurs en majorité Bamoun et non Bamiléké. Pendant la campagne électorale, on risque donc d’avoir d’autres sons de cloche que ceux du président Paul Biya, des gens qui vont ramer à contre courant de la décision qu’il a prise.

© Aurore Plus : Michel Michaut Moussala


06/04/2013
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