Positionnement: Comment Marafa manœuvre pour succéder à Biya


YAOUNDE - 06 JUILLET 2010
© MUNA DIMBAMBE | Aurore Plus

Le ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation mobilise des réseaux intérieurs et extérieurs pour l'aider à s'emparer de la magistrature suprême. Un rapport des services secrets américains le présente pourtant comme un «Eperviable».


Que Paul Biya le veuille ou non des batailles de positionnement pour succéder à l'actuel chef de l'Etat se corsent de plus en plus dans le camp présidentiel, où d'éminents membres du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), peaufinent des stratégies en coulisses évidemment, pour être prêt en cas de vacances à la tête du pays. Comme il fallait s'y attendre, la modification de la Constitution qui donne désormais la possibilité au président de la République a été très mal accueillie par des cadres du Rdpc qui pensent justement que le moment est venu pour eux de briguer la magistrature suprême. Ainsi, que le président de la République affirme que ses collaborateurs ne lui donnent pas toujours la bonne information, on peut en comprendre la raison. Qu'on se souvienne des émeutes contre la vie chère en février 2008 où les services de sécurités et les autorités administratives jusqu'aux ministres concernés ont tronqué les informations, mettant en péril le pouvoir du chef de l'Etat dont ils disent pourtant soutenir la politique.

Ainsi, parmi ceux qui piafferaient d'impatience, figurerait en bonne vie, le ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) Marafa Hamidou Yaya, dont le passage au secrétariat général de la présidence de la République lui aurait donné une grande envie du pouvoir suprême. sans doute, prenant l'exemple de l'un de ses prédécesseurs au secrétariat général Titus Edzoa qui démissionna même du gouvernement pour se porter candidat à l'élection présidentielle contre son mentor d'hier, Paul Biya. La suite, on la connaît. Ayant certainement tiré les leçons de cette affaire, ceux qui nourrissent des ambitions présidentielles et affirment de jour appartenir au parti présidentiel, ont choisi de changer de stratégies, évitant surtout un face-à-face suicidaire avec le grand manitou d'Etoudi. Ce serait le cas de Marafa, qui, pour atteindre son objectif, se serait entouré de réseaux à la fois intérieurs qu'extérieurs. Selon nos informations, Marafa n'a jamais digéré sa mise à l'écart de la suite présidentielle lors du XXVe sommet Afrique-France du 31 mai au 1er juin 2010 à Nice, en France.


Mobilisation des réseaux



Aussi, signale-t-on dans ses réseaux extérieurs, certains responsables de la droite française, actuellement au pouvoir en France. De même, l'homme d'affaires français Vincent Bolloré réputé proche du président français Nicolas Sarkozy, qui doit une fière chandelle à Marafa, car c'est pendant que ce dernier assumait les fonctions de secrétaire général de la présidence de la République que l'homme d'affaires français a «racheté» la plupart des entreprises publiques au Cameroun. Au point qu'en un laps de temps, Bolloré a pu prendre le contrôle du très juteux terminal à conteneurs du Port autonome de Douala (Pad) à travers à la Douala international conteneur (Dit), alors qu'au même moment, l'offre de la concurrence, en l'occurrence, le groupe espagnol Progosa était nettement mieux. Dans la foulée, la société Camrail est passée dans l'escarcelle de Bolloré, de même que la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm) pour ne citer que les cas les plus emblématiques.

L'un des dénominateurs communs est que toutes ces entreprises du groupe Bolloré ont à leur tête, des proches de Marafa, ce qui participe à renforcer les réseaux internes du Minatd. Que ce soit Camrail dont le président du conseil d'administration le député Amadou Sali est réputé proche du
Minatd, que Socapalm qui a pour président du conseil d'administration Claude Juimo Monthé. Ce dernier présenté dans certains milieux diplomatiques comme l'homme ? de Marafa - en témoigne un récent rapport des services secrets américains destiné au chef de Peat - aurait, avec le concours de ce dernier, obtenu un prêt d'environ 7 milliards de francs CFA en 2008 à la Commercial Bank Cameroon (Cbc), indique-t-on, au bénéfice de la Société financière et commerciale(Sfc) et la Société de production et de distribution des produits camerounais (Spdpc) et dont l'une des activités principales était de monter une huilerie à Douala. Le terrassement d'un site non loin des échangeurs de Bekoko sur la route de Limbé devrait abriter cette usine. Comme on le constate, toutes ses transactions financières se faisaient à la Cbc, une structure financière appartenant au groupe Fotso.


Opération épervier



Avant la mise sous administration provisoire de cette banque l'année dernière par la Commission bancaire de l'Afrique centrale (Cobac), son ancien dirigeant Yves-Michel Fotso fut nommé directeur général de la Compagnie de transport aérien du Cameroun (Camair) alors que Marafa était secrétaire général de la présidence tandis que Claude Juimo fut nommé à la présidence de la Chambre de commerce, d'industries, des mines et de l'artisanat (Ccima) à la même période où Marafa était le tout-puissant Sgpr. L'information révélée par les services secrets américains présentant Marafa comme l'un des dirigeants de la société «Azur» à Douala et dont le promoteur serait Nana Bouba démontre que l'ancien employé de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) arrêté lors du putsch contre Paul Biya le 6 avril 1984 prépare un trésor de guerre pour sa succession. Aux dernières nouvelles, le pouvoir qui connaît les ambitions pouvoiristes de Marafa serait notamment intéressé par sa présence à l'actionnariat de la société Azur, de même qu'une propension à nommer des proches à la tête des structures publiques et privées.

Le fait pour lui d'être à la tête de l'Administration territoriale et de la Décentralisation serait pour lui une aubaine, car non seulement il contrôle une partie des renseignements à travers les autorités administratives, il pourrait également se servir de l'aura des religions dont il est le ministère de tutelle pour renforcer son positionnement, d'autant que le réseau financier semble assurer, sans oublier ses entrées dans certaines missions diplomatiques. Il ne manquerait que le contrôle de l'armée... Ses démêlées avec les associations musulmanes dans le cadre du pèlerinage du Hadj, à la Mecque seraient liées à l'échec de Marafa de noyauter les leaders de cette Communauté religieuse. Visiblement affairiste et calculateur, sa présence sur la liste des «éperviables» peut s'expliquer, ce qui serait d'ailleurs à l'origine de l'interdiction de sortir du pays qui l'a frappé il y a quelques semaines et dont la presse s'était faite largement écho.


07/07/2010
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