Portrait: Privilégié Emmanuel Pensy

Même fils de bonne famille, l’avocat qui a défendu le colonel Edouard Etonde Ekoto n’a jamais été un enfant gâté. En fissurant le mur des secrets chez les gens de justice, il montre des avocats un visage auquel l’opinion et la presse n’étaient pas habituées.

L’exercice doit lui plaire. Répondre à des questions comme ça… Se raconter…

Fouiller dans sa mémoire de lointains souvenirs… Ça doit flatter un peu l’ego. Et maître Emmanuel Pensy se prend au jeu. Le voilà qui montre les photos de deux de ses fils, bien au chaud dans son ordinateur portable. Le voilà qui explique sa passion pour les livres, la musique et la peinture. Son bureau est d’ailleurs décoré de plusieurs œuvres, tableaux et autres objets d’arts. Le voilà qui promet même une invitation à déjeuner dans le saint des saints, son appartement de Bonanjo à Douala, où il vit avec son chien et où il conserve une collection de toiles et de trésors de l’art africain. Peut-être que ce week-end, il fera une sortie dans un cabaret de la ville.

Sur la table, surplombée par une lampe très design, à laquelle s’éclaire le maître des lieux, des piles de dossiers attendent. Dont celui de ces journalistes actuellement poursuivis pour «commentaires tendancieux, violation du secret professionnel et complicité» sur l’affaire Albatros dans une émission de télévision. Des journalistes qu’il défend, dit-il, gratuitement. Inattendu. De quoi faire reparler d’un  avocat, célèbre, dont la dernière sortie, si l’on peut dire, remonte à quelques semaines. Maître Emmanuel Pensy attirait alors l’attention de l’opinion sur le sort réservé aux familles des victimes du crash du Boeing de Kenya Airways en mai 2008. Et de quelle manière? «Kenya Airways a roulé les familles dans la farine », lançait-il.

Rien de mieux pour faire courir les médias dont l’avocat est devenu un « client ». On le voit à la télévision et on l’entend à la radio. Sur tout ou presque. C’est que, maître Pensy a défendu le colonel Edouard Etonde Ekoto dans le cadre de l’une des affaires de l’opération Epervier. Comme ça ne s’était pas souvent vu, l’avocat n’avait pas hésité à convoquer des conférences de presse pour édifier les journalistes, friands de ces scandales qui secouaient le Cameroun (voir acquis). Maître Pensy, jusque là, était dans l’ombre où il brillait autrement. Occupé à des affaires moins vendeuses pour la presse, mais déterminantes dans les secteurs concernés, ceux de l’économie notamment : Sitabac-Reemtsma, Siac-Brasserie Isenbeck, Hazim contre ministère chargé des Forêts, Huraca Maya (Mayor), etc.

Edouard Etonde Ekoto
C’est un peu par hasard que maître Pensy s’est retrouvé à défendre l’ancien président du conseil d’administration du Port autonome de Douala. Sollicité par une ancienne collaboratrice. Les liens amicaux et familiaux, auxquels il tient et se réfère bien souvent, ont fini de le convaincre de « partir en guerre », pour sauver le soldat Edouard. Lui qui était plutôt porté sur le droit pénal des affaires, le droit de la propriété intellectuelle, etc. L’opération Epervier dont la presse, en particulier, s’accordait à dire qu’elle avait des relents politiques. «Ce n’est pas mon problème. Quand je défends quelqu’un, je vais jusqu’au bout. Je ne cherche pas à savoir si c’est politique ou pas, et je suis inflexible à toute pression politique, quel que soit le niveau de l’affaire».

Sur le cas Etonde Ekoto justement, maître Emmanuel Pensy n’en démord pas : «J’étais furieux et je reste convaincu que le colonel est  innocent et c’est pourquoi j’ai fait des recours. Je suis convaincu qu’il est innocent et j’en ai fait la démonstration. Nous sommes actuellement à la Cour commune de justice et d’arbitrage et je ne vais pas épuiser les voies de recours pour l’innocenter. C’est ainsi que je considère la défense : sans pression aucune.» Il faut croire que l’homme qui parle ainsi n’a pas changé. Jeune, il crache déjà sur les carrières administratives auxquelles il est presque destiné. Né d’une famille bourgeoise en 1951, Emmanuel Pensy n’a que des parents et proches haut placés dans l’administration et la diplomatie. Pourtant, se souvient-il, «je ne voulais pas du tout de la subordination dans mon travail.»

Ça ressemble à une douce révolte chez un enfant véritablement né avec une cuillère en argent dans la bouche. Le père, homme politique et propriétaire terrien, est un gynécologue réputé, une sorte d’esculape dont on dit, dans les ritournelles sawa, «qu’il faisait accoucher des femmes stériles». Fonctionnaire, avant de passer en clientèle privée, le médecin fait le tour du Cameroun avec sa progéniture qui ne manque de rien. D’ailleurs, les aînés d’Emmanuel s’installent très vite en France, dès 1949 ! Un privilège à l’époque. Avant les indépendances, le médecin est installé sur un domaine de 5 hectares à Bonaberi. Voiture américaine,  téléphone, restaurant et boîtes de nuit huppés, Emmanuel Pensy est de la haute. Et lorsque le docteur Bebey Eyidi décède, ce sont 10 000 personnes qui l’accompagnent à sa dernière demeure dans les rues de Douala. Ancienne d’église, la mère, elle, fera baptiser son fils et lui enseignera la nécessité de faire du bien. Le père, collaborateur du docteur Louis-Paul Aujoulat, lui avait inculqué l’honnêteté, la droiture et le sens de l’Etat.

La Sorbonne
Hébergé par un oncle, haut commis de l’Etat à Yaoundé, Emmanuel Pensy n’est pas un élève ordinaire au lycée général Leclerc. Il s’y rend escorté. Chauffeurs en livrée et policiers armés. Ses camarades sont alors Roger Melingui, Martin Okouda, Grégoire Owona, Jean-Pierre Nguenang, etc. Sportif populaire dans les milieux scolaires, on l’appelle «Manu Pense». C’est aussi un contestataire qui se heurte aux injustices entretenues par les enseignants français. La disparition du père Pensy entraîne la perte de plusieurs biens. La veuve a de brefs soucis d’argent et son rejeton ne part pas tout de suite pour l’Europe, une fois son baccalauréat obtenu en 1972. Il passe alors un an à l’université de Yaoundé. «C’était déjà pourri», se souvient-il, et «voilà qui nous détermine, mes camarades et amis Ebenezer Mongue-Din et Manga Massuke et moi, à partir pour la France». C’est bien ce qui se passe.

Emmanuel Pensy est à la Sorbonne «avec les meilleurs étudiants et même les meilleurs enseignants de droit de France» et s’illustre, lui-même, par de bons résultats. Dans cette arène où la diaspora et l’élite africaine sont très visibles, Emmanuel Pensy, lui, ne se mêle pas à tous les mouvements revendicatifs. «Il y avait trop de liberté. Moi je venais d’un univers au Cameroun où l’on était avant tout pour l’ordre.» Même privilégié, le jeune homme n’a pas beaucoup d’argent et reçoit l’équivalent de 25 000 francs Cfa par mois de son frère aîné pour vivre. Plus tard, il fait tous les petits boulots imaginables : peintre en bâtiment, brancardier, bagagiste, représentant en lits et matelas ! Fin connaisseur des coins et recoins de Paris pour s’y être promené des jours entiers, le sorbonnard voyage aussi à l’étranger, en Italie notamment.

Même séduit par la beauté des monuments historiques à Rome et Milan, il se souvient que «quand on part du Cameroun en 1973, y rentrer est naturel. Ce n’est pas comme aujourd’hui. Il faut faire quelque chose pour le pays. Il faut y retourner pour être parmi les meilleurs. Il faut que nous existions par nous-mêmes. Plus tard, je refuse même la nationalité française que l’on me propose». Heureusement, Emmanuel Pensy est «amoureux de l’école». Comme tout le monde dans une famille où chacun est allé au moins au-delà de la licence. Travailleur, il en tombera même malade quelques années plus tard. C’est une sorte de fort en thème qui apprend vite, aligne les parchemins et décroche un certificat d’aptitude à la profession d’avocats en octobre 1977, après avoir étudié à l’Institut d’études judiciaires de Paris. Un grand moment qui trône encore dans le bureau de maître Pensy sous la forme d’une photo en noir et blanc, derrière la vitre d’un classeur riche de dizaines de volumes de droit. L’avocat stagiaire de l’époque n’a pas de mal à intégrer les meilleurs cabinets d’avocats français dont celui de Me Yves de Chaisemartin.

Il a d’autant moins de mal que, étudiant studieux, il a évolué avec, et il n’arrête pas de le dire, les meilleurs de France. Il les retrouve donc, pour ceux qui ont choisi le barreau, et ne souffre «d’aucune discrimination. Je travaillais surtout dans les quartiers chics, les beaux quartiers. Je me marierai par exemple en 1980 au Fouquet’s. Je ne fréquente donc que des bourgeois. Même si mon coeur est à gauche, mes amis sont à droite. Ils me jugent à l’aune de ma valeur intrinsèque. Ils m’aiment pour cela. Ce qui n’est pas le cas pour les socialistes.»
Maître Emmanuel Pensy ne se gêne pas pour dire deux ou trois choses bien senties comme celles-là. Avec l’assurance de ceux qui savent comment le monde est fait. L’homme qui est revenu au pays en 1982 est resté fidèle aux convictions de départ : rentrer pour être parmi les meilleurs. Simplement bourgeois pour les uns, l’avocat n’est qu’un brin pédant pour les autres. Ceux-là moquent sa tendance irrépressible à rappeler ses relations avec tel patron, tel ministre, tel homme d’affaires qui, lui-même, a épousé la fille de tel ambassadeur qui est l’oncle de tel cousin, brillant avocat ou médecin. Toujours les cercles de pouvoir et d’influence. C’est là qu’il est né et qu’il évolue depuis toujours. On ne se refait pas. Les mêmes sourient en coin, lorsqu’ils l’entendent rappeler que Claudine Munari, son ex-épouse, directeur de cabinet de l’ancien président congolais Pascal Lissouba, est actuellement ministre à Brazzaville. «Ma meilleure amie», lâche l’ancien époux, le sourire énigmatique.

Cv
6 décembre 1962 : décès de mon père.
12 juin 1992 : décès de ma mère.
Décembre 1980 à Paris : mariage avec mon ex-femme.

Ce que j’aime : je suis un épicurien.
Ce que je n’aime pas : les hypocrites, les envieux, je n’envie personne, je n’aime pas la méchanceté, je n’aime pas cette habitude camerounaise à toujours tirer les gens vers le bas. Aux États-Unis, on admire les gens riches et on dit : je serai encore plus riche que lui. Au Cameroun, on va toujours vous empêcher de réussir.

Mes livres : je suis très pragmatique, très pratique. Je lis surtout les livres sur la vie des gens qui ont réussi ou qui ont compté. Pas seulement des biographies, ça peut être sur des événements, l’affaire Elf par exemple. Je lis Warren Buffet et Edgar Hoover. Ça peut être des livres historiques. Ça ne m’a pas empêché de lire le Prince de Machiavel pour comprendre les comportements de certains d’entre nous.

Mes musiques : là, je vais vous étonner, ça part du rythm and blues au hip hop, de la bossa nova à la variété française, du zouk à P Square. J’aime quelques musiques camerounaises, le dernier de Sergeo Polo. J’écoute également de la musique classique.

Mes films : il n’y a plus de salles de cinéma, malheureusement. Mais quand je vivais en France, j’allais toujours au cinéma. J’aime bien James Cameron. J’ai aimé le film Indigènes, à l’origine de la revalorisation de la pension militaire des anciens combattants africains.

Mes arts plastiques : j’aime les livres d’art, les livres de cotation. Quand je vais en France je visite les galeries, je suis un passionné du post-impressionnisme. L’art africain avec des masques à clous. J’aime les natures mortes et j’en ai quelques unes.

Mes amis : j’en ai beaucoup. Mes véritables amis sont ceux que j’ai depuis très longtemps : maître Mongue-Din, Amadou Vamoulké, Jean-Marie Ekoka, Christian Ekoka. J’en ai d’autres.

Impressions

Maître Ebénézer Mongue-Din, avocat et ami d’enfance : Rigoureux et compétent
Notre amitié remonte à 1951, notre année de naissance. Nos parents étaient alors fonctionnaires, nos familles se connaissaient. Une rue nous séparait à l’époque à Yaoundé. Donc, dès l’âge de six mois, nous jouions déjà ensemble. Le hasard a voulu que nous nous retrouvions au lycée Leclerc, à l’université et que nous partagions la même chambre. Nous nous sommes encore retrouvés à Paris pour nos études de droit et sommes, par la suite, tous les deux, devenus avocats, par le même examen en 1977 à Paris II. Nous sommes entrés au barreau de Paris la même année et sommes rentrés au Cameroun, la même année. C’est un garçon de bonne famille et cela vaut son pesant d’or. Ça n’a rien à voir avec des questions de rang social, mais il a reçu une certaine éducation, solide et respectueuse d’un certain nombre de valeurs. Même s’il a perdu son père jeune, il est instruit et éduqué, c’est ce que j’entends par enfant de bonne famille. Ce n’est pas un enfant gâté. Vous ne verrez jamais Pensy acheter 18 limousines comme un certain nombre de nouveaux riches. C’est un homme fraternel, chaleureux, loyal. C’est quelqu’un qui n’est pas jaloux. C’est important dans ce Cameroun où les gens sont mesquins. Il n’est pas envieux du tout et il est travailleur. Rigoureux et compétent, c’est aussi un visionnaire parce que quand on était étudiant, il avait une idée précise de ce qu’il voulait faire : avocat d’affaires. A l’époque, ce n’était pas évident. Spécialisé en droit de la propriété intellectuelle, il n’a pas forcément trouvé ce champ ici. Il voit vite et sait ce qu’il faut faire, c’est une qualité.

Ananie Rabier Bindji, journaliste et ami : « Impulsif »
Son père était l’un des premiers gynécologues du Cameroun et appartenait à la bourgeoisie de l’époque. Ce sont vraiment les premiers bourgeois du Cameroun. Maître Pensy qui est mon avocat est aussi un ami. C’est quelqu’un de très relationnel et d’humain. Il est toujours en train de vous demander quand est-ce qu’on ira déjeuner. S’il lui reste 10 000 francs, il vous en donnera 5 000. De la même manière, il est impulsif. Ça lui crée de temps en temps des problèmes et c’est sans doute pourquoi, au tribunal, dans le cadre de son travail, on se ligue contre lui. On a même prétendu, je dis prétendu parce que ce n’est pas vrai, que le colonel Etonde Ekoto est allé en prison parce qu’il avait pour avocat maître Pensy.

Paul Nguessi, hôtelier et ami : « Méticuleux  et exigeant »
Nous nous connaissons, maître Pensy et moi, depuis une quinzaine d’années. Je l’avais trouvé sympathique et honnête. La relation a évolué sans effort. Il s’est trouvé ensuite que j’ai monté une entreprise et il en est devenu un client. Cela a renforcé notre amitié. C’est quelque de très honnête, de méticuleux et d’exigeant. C’est quelqu’un de sérieux et j’ai toujours vu en lui un responsable. Il travaille beaucoup mais n’hésite pas à s’évader. »
 

Acquis : Un bon client pour les médias

Des conférences de presse autour de l’opération Epervier ? Osé pour les uns. Normal pour l’avocat.

Les interprétations fusaient alors. Les avocats du colonel Edouard Etonde Ekoto veulent mettre la presse de leur côté. Ils veulent influencer la justice. Ils veulent prendre l’opinion à témoin. Ils veulent mettre le gouvernement en difficulté. D’ailleurs, qu’est-ce qu’ils ont comme ça à convoquer les journalistes pour leur parler d’affaires recouvertes du secret de l’instruction ? Est-ce qu’ils en ont le droit ? Et ainsi de suite.

Aujourd’hui encore, l’un de ces avocats, maître Emmanuel Pensy, reste droit dans ses bottes et sous sa robe : « Les gens, dont les journalistes, ne maîtrisaient pas les problèmes tels qu’ils existaient. J’avais donné une première conférence de presse sur le rôle du président du conseil d’administration dans les sociétés anonymes et les sociétés d’Etat. Il s’agissait de faire comprendre que le président du conseil d’administration n’est pas le gestionnaire du quotidien, il n’est pas ordonnateur des dépenses et ne peut donc pas avoir de responsabilité dans cette gestion. Il s’agissait pour moi de sensibiliser et de dire que nous faisions fausse route. Nous étions en présence d’une dictature judiciaire, d’une instrumentalisation de la justice. On voulait alors faire croire au peuple que ces gens, traînés à la barre, étaient responsables de ses malheurs. »

D’autres rencontres avec la presse se tiendront qui commenceront à changer les relations entre presse et gens de justice, avec les avocats en tout cas. La presse, en l’occurrence, est bien souvent obligée de recourir à divers moyens pour savoir ce qui se passe dans les couloirs de la Justice. L’opération Epervier est, au demeurant, un parfait exemple. Certains journalistes y laissent même des plumes. Dans un univers où l’on mystifie beaucoup. Pour autant, sous d’autres cieux, les avocats et même les procureurs passent à longueur de journée dans les médias pour faire le point sur telle ou telle affaire.

Maître Pensy, lui, est de plus en plus présent dans les médias et on l’invite ça et là dans toutes sortes de débats. On y commente certes l’actualité judiciaire mais aussi l’actualité générale. L’avocat devient pour ainsi dire un homme médiatique. Selon lui, ça ne dessert pas, même si, croit-il devoir préciser, « ça ne veut pas dire que je gagne mieux ma vie ». Il gagne sans doute en notoriété et on sollicite son point de vue sur bien d’autres sujets de préoccupation nationale. D’ailleurs, fait remarquer son ami et confrère maître Ebénézer Mongue-Din, «il ne faut absolument pas voir dans le fait d’être médiatique quelque chose d’anormal. L’avocat est déjà un homme public. Nous avons des causes qui nous amènent à travailler sur des affaires d’actualité. Il est normal, dans ce contexte, de parler de ces affaires sur la place publique. Et l’avocat est un homme cultivé. Et maître Pensy en est un. Il est donc capable d’aborder toutes les questions. C’est une question d’ouverture d’esprit. Nous sommes des métis culturels. Ayant passé plusieurs années en Europe, nous sommes un peu européens. Et nous y avons vu comment on pratique ce métier dans toutes ses dimensions. Et c’est normal que Pensy parle comme il le fait ».
 

Libres propos

La justice camerounaise n’est pas indépendante. Je le dis tous les jours à mes amis magistrats qui, eux-mêmes, s’en tiennent à l’obligation de réserve. Mais ils sont tellement instrumentalisés, et je peux vous dire qu’il y a des moments où j’ai pitié d’eux. Parce qu’ils ne peuvent rien faire. Sinon, on les affecte… Je suis intransigeant et je ne suis complaisant avec qui que ce soit. Même si en prenant de l’âge, je mets un peu de rondeurs dans ma réflexion. Mais ça ne signifie pas que je ferme les yeux sur ceci ou cela.

Tout est dans la forme. Pour faire passer certaines choses, il faut y mettre des formes… L’incidence de la situation de la justice sur la marche du pays est grave. J’en suis moi-même victime. Des footballeurs gagnent 700 millions de francs Cfa par mois. Nous, nous avons des affaires pour lesquelles nous avons obtenu des condamnations de plus d’un milliard de francs Cfa. On n’exécute pas depuis vingt ans parce qu’on estime que c’est beaucoup d’argent. Sur beaucoup d’affaires, bien des gens ne viennent pas au Cameroun parce que les lenteurs administratives les rendent malades. Dans un pays où il n’y a pas de justice, il n’y a pas de démocratie. Dans des contrats internationaux comme ceux relatifs à l’exploitation minière, il y a des clauses compromissoires qui renvoient les gens à l’arbitrage à l’étranger où le Cameroun va se faire condamner. Il se trouve par exemple que vous ne pouvez pas faire une affaire contre le Port autonome de Douala. Il existe une interdiction, par circulaire ministérielle, concernant les biens des sociétés d’Etat que l’on ne peut saisir, même si la société d’Etat a tort. Ce sont de tels éléments qui font que nous aurons un retard dans les investissements.

Et au-delà des investissements, vous avez la notation même du Cameroun. Pour l’élément qui concerne la justice, nous serons moins bien notés. Et cela a une incidence sur le taux d’intérêt des emprunts qui augmente notre dette vis-à-vis de l’étranger. C’est d’ailleurs pourquoi désormais, le gouvernement fait recours à des emprunts obligataires et passe par la Bourse de Douala notamment pour emprunter à des taux déterminés… J’ai joué un rôle majeur pour faire partir maître Charles Tchoungang de la tête du barreau du Cameroun et je ne m’en cache pas. Je ne voudrais pas revenir dessus mais je pense que le barreau du Cameroun mérite mieux que ce qui existe actuellement. C’est pour cela que Yaoundé, Douala, Bamenda, etc., doivent avoir chacune son barreau. C’est le sens du projet actuel que la Chancellerie a soumis à la présidence de la République. Ça fera, à mon avis, des barreaux forts. Le Gabon et le Congo par exemple ont plusieurs barreaux… Je peux l’avouer, j’ai beaucoup d’amis dans l’opposition et au Rdpc. Je ne m’en suis jamais caché. Je ne suis pas un professionnel de la politique et je ne voudrais pas l’être. Avoir des amis au Rdpc n’édulcore pas mes analyses qui restent justes et équilibrées.

Quand ça ne marche pas, je le dis et je propose des solutions. Chaque avocat est sympathisant ou membre du parti politique de son choix. Le problème, c’est que je ne sais pas faire la danse du ventre, ni distribuer des sardines et du riz… J’aime les gens. Mais je peux être méchant, je peux être dur. Je peux rendre la balle parce qu’il ne faut pas se laisser faire. Mais je ne cherche jamais à faire du mal. Le problème, c’est que j’aime distiller le bonheur autour de moi. Tous mes vrais amis vous le diront. Ils savent qu’ils peuvent compter sur moi. Il m’est arrivé de n’avoir qu’un million et d’avoir un ami qui me dit : « Prête-moi 600 000 ». Et je les lui donne. Souvent sans le moindre papier. »





27/07/2010
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