Port de Kribi: Les dénonciations de la CONAC étaient déjà connues

DOUALA - 04 DEC. 2012
© David Nouwou | La Nouvelle Expression

C’est depuis début 2011 que La Nouvelle Expression a levé pour la première fois le voile sur la mafia qui se tramait autour des indemnisations des populations déguerpies du site du port en eau profonde de Kribi.

Votre journal révélait alors que les opérations d’indemnisation avaient débuté en fanfare en décembre 2010. Mais avait été brutalement interrompues. Et pour cause, les grincements de dents de certaines autochtones avaient commencé lorsque le 13 décembre 2010, le ministre de l’Economie, de la planification du développement et de l’aménagement du territoire, Louis Paul Motaze au moment des faits, président du comité de pilotage, était descendu sur le terrain «pour informer les populations des modalités des opérations de recensement des personnes concernées par le processus de paiement…» des indemnisations. Tout semblait donc baigner dans de l’huile. Pour donner plus de transparence à l’opération, le directeur du projet qui gère la cellule opérationnelle sur le terrain, Nlend Banack, avait cru devoir rendre publique cette première liste des personnes à indemniser. C’est alors que nombre d’autochtones se sont étonnés des grosses sommes dont bénéficiaient certains «voisins» dont ils n’avaient jamais entendu parler. Les éclats de voix, suivis de vives protestations partis des villages, étaient parvenues à la présidence à Etoudi, remettant en cause la liste des personnes à indemniser et surtout, le flou dans le recensement des bénéficiaires.

Toute chose qui avait intrigué les riverains et jeté un sérieux discrédit sur la procédure d’identification et de recensement des véritables victimes de l’expropriation dont les experts s’accordent à dire que c’est la plus onéreuse de tous les grands chantiers initiés au Cameroun. Surtout ceux dits structurants qui constituent un défi pour la politique «des grandes réalisations» si chère au président Biya.

La question a été tellement prise au sérieux que la présidence de la République avait fait interrompre le processus d’indemnisation. Et comme mesures conservatoires, les comptes des particuliers qui avaient été mobilisés dans le cadre des premiers paiements, avaient été bloqués, et certains chèques déjà touchés récupérés, en attendant que les choses soient à nouveau tirées au clair.

C’est ainsi que sur instruction du président Paul Biya, des missions d’enquêteurs, l’une de la sous direction des enquêtes économiques à la Direction de la police judiciaire (Dpj) et l’autre de la Direction générale à la recherche extérieure (Dgre), entre autres enquêteurs, se sont succédées sur le terrain. Tous les acteurs qui avaient participé au processus d’identification et de recensement des ayants droits, ainsi que les responsables de différentes administrations chargées de l’établissement des titres fonciers du site déclaré d’utilité publique (Dup), avaient été entendus.

Des indiscrétions de ces missions révélèrent par exemple que plusieurs autochtones figurant sur la liste des indemnisations ne connaissaient même pas où est situé leur terrain, encore moins leur village supposé. Certaines parcelles décrites comme ayant été mises en valeur, question de renchérir le coût des indemnisations, n’avaient jamais reçu la visite d’un homme. Sans compter que certains prétendus occupants sont restés introuvables. Les enquêtes avaient révélé par ailleurs que les montants les plus costauds dans la liste des indemnisations étaient sujets à caution et devaient être passés au scanner. Les différentes missions d’enquête avaient donc bouclé leurs dossiers et remis leur copie au premier ministre, Philémon Yang, pour la préparation d’un nouveau décret à soumette au visa du président de la République.

Lors des «journées de mobilisation des populations riveraines» organisées les 19 et 20 juillet dernier à Kribi à l’initiative de Grégoire Mba Mba, le représentant des populations riveraines que Biya a nommé dans le comité de pilotage, on a par exemple appris que l’enveloppe des indemnisations, après toilettage, est passé de 24 milliards à 14 milliards Fcfa. Soit une différence sèche de 10 milliards Fcfa qu’on attribue au paiement des faussaires qui avaient réussi l’exploit, avec des complicités à tous les niveaux des différentes administrations, à constituer de faux dossiers d’indemnisation.

Selon des informations confidentielles, la nouvelle liste a déjà été élaborée. C’est sur cette base que les indemnisations devraient reprendre. C’est dire aussi que tous les faux dossiers avaient déjà aussi été identifiés et leurs auteurs démasqués. Les mêmes sources indiquaient alors que des procédures étaient prévues contre ces auteurs de tentative de détournement de deniers publics et leurs complices. Le signal avait d’ailleurs été donné par le ministre du domaine et des affaires foncières qui avait annulé une cinquantaine de titres fonciers obtenus frauduleusement sur les parcelles à exproprier. Les mêmes informations indiquaient que les prétentions des propriétaires de ces titres fonciers s’élèvent à plusieurs milliards Fcfa.

L’actuel rapport de la Conac qu’il faut saluer, vient renforcer les révélations que votre journal avait livrées à la connaissance du public il y a deux ans. Et qui font l’objet de lourds dossiers sur la table de Paul Biya à Etoudi.


05/12/2012
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