Politique: Paul Biya relance le dossier de rapatriement de la dépouille d'Ahidjo

YAOUNDÉ - 22 Octobre 2012
© GUIBAI GATAMA | L'Oeil du Sahel

Beaucoup voient dans l'accélération de cet épineux dossier une des conséquences de l'affaire Marafa.

Le mano à mano entre le chef de l'Etat et son ancien ministre d'État Marafa Hamidou Yaya, ne connaît décidément plus de répit. Et voilà qu'à la faveur de cette rivalité politique, remonte à la surface l'épineux problème du rapatriement de la dépouille de l'ex-Président, Ahmadou Ahidjo, mort à Dakar le 30 novembre 1989. Paul Biya refuse que d'une manière ou d'une autre, cette question soit récupérée par son ex-collaborateur pour rallier de nouvelles sympathies, notamment dans la partie septentrionale.

De bonnes sources donc, le Président entend relancer le dossier du rapatriement de la dépouille de son prédécesseur. Reste à en connaître les leviers de sa mise en scène. D'abord le choix de l'intermédiaire. Nommé ambassadeur itinérant par le chef de l'Etat (9/12/11) pour s'atteler, officieusement au rapprochement des vues entre la famille de son prédécesseur et l'Etat du Cameroun, Mohamadou Ahidjo alias Badjika ne sait toujours pas où donner de la tête. Et pour cause: pas une seule fois il n'a été reçu par le chef de l'Etat pour aborder la question alors même que sa nomination participait de cette recherche de solution.

Aucun «signe de vie», sur le sujet n'ayant été donné par Paul Biya, le moins que l'on puisse dire est que son crédit auprès de sa famille, particulièrement chez Germaine Ahidjo s'en est trouvé sérieusement entamé. Accusé de s'être laissé berner par le Président, son incapacité à faire bouger les lignes accentue naturellement auprès de la «gardienne de la tombe de l'ex-Président» le sentiment de méfiance dont, au fond, elle s'est en réalité rarement départie.

Conscient de la donne et soucieux de relancer rapidement les pourparlers, le Président pourrait, selon diverses sources, donner un nouveau signal en nommant Mohamadou Ahidjo au gouvernement. Reste à savoir si cela sera suffisant pour mettre en berne la méfiance de l'ex-Première dame, Germaine Ahidjo.

Selon nos informations, si l'option Mohamadou Ahidjo sombrait dans l'impasse - problème de leadership dans la famille -, le Président pourrait de nouveau faire appel à un intermédiaire extérieur qui jouit de la confiance de toutes les parties. En tout cas, une chose est certaine, il ne pourra plus s'agir du Dr Emile Derlin Zinzou. L'ancien chef de l'Etat de Dahomey-(Benin), intime de la famille Ahidjo, a jeté l'éponge en 2010 après avoir mis, en vain, durant deux années, tout son poids dans la balance pour arracher un accord entre le chef de l'Etat et Germaine Ahidjo. Son audience avec Paul Biya au Palais de l'unité, le 31 mars 2008, Avait laissé transparaître une petite lueur d'espoir vite dissipée par l'indécision du président de la République.


OFFENSIVE DANS LE GRAND NORD

Après avoir rassuré la région de l'Extrême-Nord de ses bonnes dispositions d'esprit à son égard lors de son dernier déplacement (19-21/9), manœuvrant ainsi pour casser le bloc politique nordiste, le chef de l'Etat travaille désormais à rebâtir la carte politique de la Bénoué, place forte symbolique de son ancien ministre d'Etat.

Cette offensive entre dans la stratégie à deux détentes mise sur pied par le Président. Dans un premier temps, lors de son récent séjour dans le Nord (19/6), Paul Biya a d'abord servi un pied-de-nez aux cadres locaux du Rdpc, question de leur signifier clairement son mécontentement, eux qui ne brillent pas, il est vrai, par un soutien énergique à sa «politique de lutte contre la corruption». Quelques motions de soutien, des démarches symboliques, mais rien de significativement perceptible qui témoignent de leur attachement indéfectible au chef de l'Etat depuis le déclenchement de «l'affaire Marafa». Une fidélité d'autant plus qualifiée de timide qu'ils refusent d'évoluer dans le registre de la génuflexion, de l'insulte ou du dénigrement dans les médias.

Donc, sur place, le Président n'avait eu d'yeux que pour les sinistrés, snobant les cadres politiques de son parti à qui il n’a concédé aucun égard. Son mécontentement ou à tout le moins sa suspicion à l'égard du gotha politique Rdpc de cette région était si manifeste que sa bonne humeur à l'Extrême-Nord, pendant toute la duré de son séjour, a même fini de convaincre ses partisans les plus irréductibles, que «quelques chose s'est brisé, entre eux et le Président». Au point où tous ont été mis dans un même sac.

Second chantier de la détente présidentielle: la réorganisation politique de la région, en réalité de la Bénoué, place forte symbolique de Marafa Hamidou Yaya. Le Président serait depuis quelques temps à la recherche de l'oiseau rare qui limiterait les dégâts aux prochaines élections locales. Car, et de fait, selon de nombreux analystes, tout recul électoral du Rdpc dans la Bénoué ne pourrait être mis au profit du dynamisme de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) mais au crédit de Marafa Hamidou Yaya. En clair, et paradoxalement, comme une avancée politique de l'ex-Minatd. Pour éviter cette «défaite symbolique», les têtes devraient tomber, notamment au gouvernement. Reste des questions de forme mais qui ont toutes leurs importances dans l’environnement politique de la Bénoué. La plus cruciale tient au rang protocolaire du futur «soldat» entendu que le leader de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), Bello Bouba Maigairi, a rang de ministre d'Etat. Par le passé, Paul Biya a veillé à cet équilibre symbolique. La donne pourrait-elle changer et donner un avantage psychologique à l'Undp? Wait and see.


25/10/2012
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