Politique: Les sénatoriales se tiendront au premier trimestre 2013

YAOUNDÉ - 17 Septembre 2012
© GUIBAi GATAMA | L'Oeil du Sahel

Le chef de l'Etat a mis tout en œuvre pour respecter son calendrier politique.

Depuis quelques semaines, il n'a pas échappé aux observateurs avertis l'abondance d'appels d'offres pour les travaux d'achèvement de la construction du complexe de l'immeuble siège du Conseil économique et social publiés dans le quotidien gouvernemental, Cameroon tribune. Comment une institution qui, depuis une dizaine d'années aujourd'hui, se débat avec succès à construire son immeuble siège grâce à un budget programme de 400.000.000 FCFA/an, se retrouve subitement à passer des marchés qui devraient engloutir des milliards FCFA? La réponse est toute simple: le chef de l'Etat a instruit son Premier ministre, Philémon Yang, de prendre les mesures nécessaires pour le déblocage de près de 14 milliards FCFA nécessaires à l'achèvement et à l'équipement de ce joyau architectural logé non loin de la présidence de la République et à quelques mètres seulement du siège de la Société nationale des hydrocarbures (SNH). Mieux, le chef de l'Etat a prescrit un délai pour son achèvement: Fin décembre 2012...

Autre indice qui montre que le chef de l'Etat suit ces travaux à la loupe: lors du récent sommet de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac) tenu à Brazzaville les 25 et 26 juillet 2012, il s'est de nouveau renseigné auprès de son ministre de l'Economie, de la planification et de l'aménagement du territoire, Nganou Djoumessi, sur l'évolution du dossier relatif au déblocage des fonds au profit du Conseil économique et social…

Selon nos sources à la présidence de la République, les fonds ne seront toujours pas disponibles même si tout est en branle pour que les instructions du chef de l'Etat soient traduites au plus vite dans les faits. En attendant, et pour gagner du temps, les appels d'offres sont lancés à une cadence impressionnante par le Conseil économique et social...

Dans l'entourage présidentiel, cet intérêt manifeste pour la construction d'un bâtiment public - Paul Biya l'a visité à plusieurs reprises indique-ton dans son entourage - s'expliquerait par le fait qu'il veut y loger une des institutions de la République, issue de la modification constitutionnelle du 18 janvier... 1996. En un mot: le conseil économique est en train d'achever le futur siège du Senat.

La chambre haute du parlement est prévue, dans les petits plans du chef de l'Etat, pour être mise en place au plus tard dans le premier trimestre de l'année 2013. La date du scrutin n'est pas encore définitivement arrêtée car tout devrait dépendre de la fin des travaux de construction de l'immeuble du Conseil économique et social. Mais en aucun cas, selon les instructions du chef de l'Etat, les sénatoriales ne devraient se tenir après le premier trimestre 2013. Paul Biya tient particulièrement au respect de cet agenda.

Dans les circonstances actuelles, il va sans dire que la famille politique du chef de l'Etat (Rdpc) dominera des pieds et de la tête cette future chambre du parlement composée de 100 sénateurs. Le collège électoral, constitué pour la circonstance de dix mille six cent trente-six (10636) conseillers municipaux des 360 communes que compte le pays, lui est actuellement acquis dans la majorité des dix régions du pays pour élire les 70 sénateurs. En plus des 30 sièges abandonnés à la seule discrétion de son leader et non moins président de la République. Unique région où le suspense peut agrémenter la compétition électorale dans ce scrutin indirect? Le Nord-Ouest. Ici, le Social democratic front (SDF) contrôle 18 des 34 communes. Quant aux autres formations politiques à l'instar de l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp), le Mouvement démocratique pour la défense de la République (MDR), l'Union démocratique du Cameroun (UDC) etc, bien que disposant des conseillers municipaux, leurs chances de remporter des sièges sont nulles.

Est-ce la raison pour laquelle le chef de l'Etat veut mettre en place cette institution avant les élections municipales et les législatives prévues pour fin 2013? Possible, bien que, même à court terme, on voit mal comment la domination du Rdpc dans cette institution pourrait être inversée. «Compte tenu de la configuration politique actuelle dans les régions, le chef de l'Etat veillera à ce qu'il y ait d'autres chapelles politiques autres que la sienne au Senat, c'est certain. Le moment venu, il désignera quelques membres de l'opposition pour y siéger», rassure cependant une source à la présidence de la République.


MISE A L'ÉCART DU GRAND NORD

D'autres trouvent toutefois dans l'empressement subit de Paul Biya, une manœuvre sourdine pour modifier en douce la charpente politique du pays. Selon la Constitution, le président du Senat n'est rien d'autre que le successeur constitutionnel du chef de l'Etat et numéro 2 dans la hiérarchie protocolaire. Or, cette position, selon une règle non écrire, est depuis quelques années (1992) réservée à un ressortissant des régions septentrionales du pays, grosses pourvoyeuses de voix à l'actuel chef de l'Etat lors des différentes élections présidentielles.

Comment conserver ce «deal» quand on sait que Cavaye Yeguié Djibril, autre ressortissant du Grand Nord, trône déjà au perchoir de l'Assemblée nationale et qu’Ayang Luc préside le Conseil économique et social qui fait de facto, de lui, la quatrième personnalité du pays? D'autant plus que l'actuel président de l'Assemblée nationale ne peut, faute de pouvoir cumuler deux mandats en même temps, se présenter aux élections sénatoriales ou être nommé par le président de la République et tenter ainsi de conserver le douillet fauteuil de successeur constitutionnel. «Le chef de l'Etat veut nous mettre devant le fait accompli de sorte que les circonstances nous imposent d'accepter notre rétrogradation dans la sphère politique nationale. A partir du moment où les sénatoriales ont lieu avant les législatives, sa manœuvre est d'une habileté déconcertante car elle ne nous laisse aucune possibilité de sortir du piège qu'il nous tend. Nous allons assister à une recomposition politique au profit de l'Ouest ou de la zone anglophone», analyse une haute personnalité du Grand Nord.

Eliminés donc de facto de la course à la tête du Senat, du fait de la présence de Cavaye Yeguié Djibril à la tête de l'Assemblée nationale au moment où se déroulera l'élection du bureau du Senat, les futurs sénateurs des régions septentrionales n'auront que leurs yeux pour assister à l'intronisation du tout premier président du Senat du Cameroun. Et à l'effritement continu de la position du Nord dans les cercles du pouvoir.



21/09/2012
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