Politique - Ferdinand Ngoh Ngoh: Un caillou dans la chaussure du Président

Yaoundé, 15 Juillet 2013
© RAOUL GUIVANDA | L'Oeil du Sahel

Le SGPR est accusé de maladresse, d'incompétence et de népotisme.

Ferdinand Ngoh Ngoh accumule les gaucheries. Le Secrétaire général de la présidence de la République commence à être bien placé sur l’échelle de Richter de la maladresse. Il n'échappe plus à personne que ces fils de Minta, dans la Haute-Sanaga, est en train de réussir au pari insensé de placer ses «frères» à de hautes fonctions dans un délai record. Nommé le 9 septembre 2011, il est à la base de la nomination de Joseph Ngo, qu'on s'obstine à présenter comme son frère de sang, comme Directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics (Armp). Puis est venu le tour de Toussaint Linus Mendjana, autre fils de la Haute-Sanaga, à la Direction générale de l'Ecole nationale d'administration et de Magistrature (Enam). Le dernier acte en date est la nomination d'Antoine Felix Samba à la Direction générale du Budget.

Contrairement à ceux qui pensent que les Bulu sont en rogne contre ce collaborateur gourmand et expansif de Paul Biya, c’est bien la Lekié qui fait les frais de cette redistribution de poste en forme de népotisme. On y rappelle allégrement que ce département a perdu l'Enam et la Direction générale du Budget, autrefois dirigées par Benoit Ndong Soumhet et Didier Gilbert Edoa, sans compensation. Considérée comme un petit département - 100.000 habitants à peine, la Haute-Sanaga se révèle, sous le magistère de Ferdinand Ngoh Ngoh, comme un ogre qui entend se nourrir des autres, y compris de sa voisine. Sa boulimie est telle que, ceux qui le raillent aiment à dire qu'à ce rythme, les siens pourraient représenter le quart du gouvernement après les législatives du 30 septembre prochain. Toujours dans l'espoir de plaire davantage à la Première dame.

Mais voilà bien peu de choses devant les autres bourdes de Ferdinand Ngoh Ngoh, rattrapé par son immersion récente dans les hautes sphères de l'Etat, et l'inconsistance de ses états de service dans la nomenklatura.


MANŒUVRES

Parachuté à la présidence de la République après le sabordage dia pressenti Bernard Messengue Avom, l'ancien Secrétaire général du Ministère des Relations extérieures s'illustre par une curieuse démarche sur la gestion du dossier de l'autoroute Yaoundé-Douala. Le 28 mars 2012, il convoque à la hussarde les ministres en charge de ce dossier majeur des grandes réalisations pour une réunion à Etoudi. En s'y rendant, le tout nouveau Ministre des Travaux publics, Patrice Amba Salla, qui porte ce projet laissé en bonne voie par son prédécesseur, ne sait pas que Ferdinand Ngoh Ngoh, a décidé de saquer les négociations bien conduites avec la Chine et de tout confier à l'Union européenne.

Comme dans un vaudeville de campagne, le Ministre des Transports, Robert Nkili est mis à contribution pour critiquer la conduite du projet et mettre Patrice Amba Salla en position de faiblesse. Décision est prise par le SGPR de retirer le dossier au Mintp pour le confier à la Primature, au grand étonnement général. On saura plus tard qu'il obéissait au lobby de l'Union européenne qui souhaitait s'emparer de ce projet emblématique. Les révélations de la presse ont provoqué son rétropédalage, mais Ferdinand Ngoh Ngoh aura déjà montré le côté sombre de son visage.

Dans le dossier Fédération camerounaise de football (Fécafoot) où il a été tout le temps à la manœuvre pour avoir la tête d’Iya Mohammed, son emballement l'a conduit à une maladresse proche de l'incompétence. Le 24 mars 2013, soit deux jours avant que l'ex Directeur général de la Sodecoton ne comparaisse devant la commission de discipline budgétaire et financière le 26 mars 2013, qui rendra publique sa condamnation le lendemain à une déchéance de sept ans et à une mise en débet de 09 milliards pour une vingtaine de fautes de gestion», Ferdinand Ngoh Ngoh avait déjà instruit le Ministre de la Justice pour que des poursuites judiciaires soient ouvertes contre Iya Mohammed pouf détournement de fonds embarrassant ainsi le Tribunal criminel spécial dont le procureur se verra contraint de réclamer auprès de sa hiérarchie le fonds du dossier...

En conséquence, quand le Consupe se prononce le 26 mars 2013 sur le cas Iya, la sentence a déjà été rendue au Secrétariat général de la présidence de la République et il ne sera concédé au malheureux que cinq minutes à peine pour sa défense. La messe était dite! Aussi, les voies de recours devant le Tribunal administratif qui s'offrent au mis en cause sont passés par pertes et profits.

Diplômé en Relations internationales, Ferdinand Ngoh Ngoh a produit une instruction à polémique à l'Institut des relations internationales du Cameroun (Iric). Le 14 mai 2013, il a fait rapporter une décision du Ministre de l'Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, visant l'admission de 10 étudiants figurant sur la liste d'attente du concours d'entrée en master professionnel de la filière diplomatie. En obligeant ce ponte du système à se dédire et à se couvrir d'opprobre, le Secrétaire général de la présidence de la République n'a pas que blessé un membre de poids du gouvernement, son acte a aussi provoqué une levée de boucliers à l'Iric, d'autant que la décision de Jacques Fame Ndongo était perçue comme la réparation d'une injustice faite à de brillants étudiants lésés. Seul Paul Biya, lui-même, avait infligé pareille humiliation au chef de Nkolandom sur le dossier du premier concours de l'ENS de Maroua.


BOURDES

De la même manière, il tente de remplacer des administrateurs, représentant la présidence de la République dans des conseils d'administration des sociétés d'Etat ou dans des sociétés où l'Etat a des participations, autrement que par un décret présidentiel, outrepassant ses propres prérogatives pourtant déjà bien vastes. Plusieurs sociétés parapubliques ont ainsi reçu des documents signés du Sgpr nommant des administrateurs. Certains conseils d'Administration s'en accommodent en violation des textes. D'autres s'en offusquent.

Toujours est-il que Ferdinand Ngoh Ngoh n'en a cure. Formaliser les actes du Chef de l'Etat ou appliquer les textes n'est pas sa première, préoccupation comme en témoigne la situation du nouveau Président du conseil d'administration de la Sodecoton, Joseph Otto Wilson, nommé au début de ce mois en remplacement de Gambo Haman. Alors que se profile à l'horizon l'Assemblée générale de cette société prévue pour le 16 juillet 2013, la situation administrative du nouveau PCA est plus que jamais confuse.

En effet, il ne dispose toujours pas d'un décret signé du Chef de l'Etat et a été contraint de fournir à la Direction un décret signé de... Ferdinand Ngoh Ngoh. Le nouveau PCA, également Gouverneur de la région du Nord, peut-il avoir droit aux avantages de toute nature sans que le Consupe n'épingle à l'avenir les dirigeants de la boite si ceux-ci, demain, ne parvenaient pas à fournir aux enquêteurs le décret présidentiel habilitant le Sgpr à signer les décrets nommant les PCA? Si un pouvoir aussi immense lui a été cédé par le Chef de l'Etat, pourquoi alors avoir désigné récemment des administrateurs dans des sociétés d'Etat par note administrative avant de se rétracter? Pourquoi n'avoir pas fait prévaloir ce fameux décret pour donner toute la légalité à ses nominations?

En tout cas, le conseil d'administration et les actionnaires entendent prendre des dispositions pour se mettre à l'abri si l'affaire tournait un jour casaque. Car à la vérité, Ferdinand Ngoh Ngoh n'a pas respecté dans ce cas précis les statuts de la Sodecoton, obnubilé sans doute par l'exécution rapide de son plan. De fait, pour être Président du conseil d'administration de cette société d'Etat, il faut remplir une première condition: en être d'abord administrateur. Ensuite, se faire élire par ledit conseil. Ce mécanisme n'a pas été respecté et ce n'est que le 16 juillet 2013, à l'occasion d'un conseil d'administration extraordinaire en marge d'une l'Assemblée générale, que toute cette folie sera réparée. Joseph Otto Wilson sera copté enfin au conseil et élu immédiatement à sa tête. Que vaut donc entre temps le décret de Ferdinand Ngoh Ngoh signé en marge? Sera-t-il signé un nouveau décret pour être en conformité avec les statuts?

Cette accumulation de bourdes et cette gloutonnerie du pouvoir, mal vues dans le sérail pour ce niveau de responsabilité, ont dégonflé l'enthousiasme de ceux qui s'étaient réjouis de la nomination comme SGPR d'un «jeune» (52 ans).

Dans son cynisme machiavélique, Paul Biya observe son collaborateur avec l'amusement d'un renard. Il lui laisse les mains totalement libres et plie son doigt à chaque fois. Il profite même de la fougue de Ferdinand Ngoh Ngoh pour régler quelques dossiers difficiles sans se salir les mains. Ce que le fils de Minta ne sait que trop bien, c'est comment le fils de Mvomeka’a se débarrasse de ses collaborateurs un peu zélés devenus un Caillou dans sa chaussure.


18/07/2013
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