Point de vue: Le rapport officiel des états généraux de la communication fait pitié

YAOUNDE - 13 DEC. 2012
© ERIC ESSONO TSIMI, Ecrivain | Correspondance

Les Camerounais vivent dans la sempiternelle attente du gros lot. S’ils acceptent des humiliations, c’est en raison de l’assurance de leur revanche. Dès lors, l’espoir en de lendemains meilleurs est le nom scientifique qu’ils donnent à la paix, synonyme inattendu de passivité. Pour moi, 2012 fut une année pour presque rien, et les états généraux de la communication un exercice de bêtise participative rythmé du tapage des mass médias, venus pour le coup massivement.
Le Cameroun est un cimetière de chantiers intellectuels

Ceux qui ont boycotté cet événement et se sont recroquevillés dans leur salle de rédaction n’ont rien manqué du tout, et surtout ils se sont faits du bien. Les mets étaient fades et comme défraîchis, les serveuses mettaient un bon quart d’heure à vous tendre une bière posée devant elles si auparavant elles n’avaient jamais vu votre bouille à la télé.

Quant au rapport général, l’avez-vous lu ? Il m’a donné le sentiment d’un document depuis toujours en lecture seule, comme on dit en langage microsoft office. C’est-à-dire que rien n’y avait été ajouté, parce que rien n’en pouvait être modifié ab initio comme l’avait suggéré Félix Ebole Bola avec, croyait-on, beaucoup de mauvaise foi. Ce « rapport général » est mal fichu et comme taillé avec une machette.

Le rapport Fame Ndongo est un rapport sans éloquence ni idées fortes et grandes, un texte de 14 pages (à peine plus de signes que le papier que vous lisez) qui ne dit rien, analyse encore moins et ne se pare même pas des flonflons de la belle écriture : un rapport tout en tirets ! C’est si consensuel d’énumérer, mais avait-on besoin de cette débauche d’énergies et de valeurs pour en arriver là ? Chaque fois que Paul Biya prend la parole, on a le sentiment qu’il sort d’une anesthésie générale ; au fur et à mesure que la fin de son règne approche, ses âmes damnées s’appliqueront elles à nous mettre sous anesthésie avec des mots « parlés », et en l’occurrence quelques idées en vrac, sans cohérence aucune.


La montagne a accouché d’une souris

On avait cru à un brainstorming géant, non on boucanait (v. intr. faire du boucan) au Palais des Congrès, on pétaradait, on battait du tambour, on posait pour la postérité… Si les débats étaient animés, c’est qu’ils le sont partout au Cameroun. On adore les mots, ils nous aident à digérer, c’est comme ça, on les a en tête, dans le ventre, dans la gorge, au bout des lèvres, c’est ahurissant le bruit dont on est capable avec ces mots-là. Mais les mots du silence, de la réflexion, de l’écriture et du travail, eux, nous font cruellement défaut.
Si vous n’avez jamais goûté la littérature jargonnante de Jacques Fame Ndongo, vous adorerez le simplisme de son rapport. Morceaux choisis de ce fameux rapport général où il met tout le monde d’accord :

- S’agissant de la régulation : il a été préconisé la nomination des membres du conseil national de la communication et la mise sur pied d’une haute autorité de publicité

- Est journaliste, toute personne diplômée d’une école de formation en journalisme ou en communication (Bac + 3 au moins)

- Ou toute personne exerçant dans une entreprise de presse ayant au moins la licence (Bac + 3 ans) ou tout autre diplôme reconnu équivalent

Les bras m’en tombent ! La nomination des membres du Conseil National de la Communication comme préconisation centrale du rapport général des Etats généraux de la Communication. On n’a pas oublié par hasard de « préconiser » des noms ? Quant à la définition du journalisme, la carte de presse ou un ordre des journalistes viendront-ils modifier une si savante définition ? 3 ans ? Avec un BTS en journalisme, on doit aller se cacher ?

Dans une « école de journalisme » ? Comme celle sur la nouvelle route Nkolbisson, dédiée à la mode au départ, mais dont les banderoles annonçaient cette rentrée « formation en journalisme économique » ? Ainsi, un correcteur à Mutations, un infographe à La nouvelle expression, un chroniqueur à Repères, un éditorialiste à Africa24, ou un directeur de publication désigné par un entrepreneur de presse pour son sens du management des talents sont-ils mécaniquement des journalistes ?

Que l’on me rassure, je n’ai eu droit qu’à un « draft » et un rapport plus circonstancié sera disponible en ligne dans une semaine. Si c’est ce machin leur rapport, alors il y a eu tromperie sur la marchandise. Le MINCOM et Félix Zogo, le pauvre ordonnateur de cet échec, ont-ils trouvé si superflu le recrutement de rédacteurs spécialisés ? Oui, il s’agit d’un échec. L’événement a eu lieu, les invités ont été bien accueillis, il n’y a pas eu d’incident, mais il s’est passé la même chose dans les mariages cette semaine-là. Le fait est que ce que les organisateurs de ces EGC donnent à lire signent leur faillite et le manque de vision de leur chef.


Il est si difficile de s’abstenir de les critiquer

L’image qui m’est restée de cet événement, c’est Jacques Fame Ndongo humiliant la speakerine qui faisait pourtant bien son job, mais n’indiquait pas assez bien à son goût la suite du programme… Il n’avait qu’à s’en prendre aux responsables de la signalétique du Palais des Congrès ou bien aux organisateurs du MINCOM. S’il fallait choisir entre les prestations de cette jeune dame et ce torchon de papier que l’on nous présente comme un rapport général, c’est au feu que je jetterais le deuxième et la dame serait, dans le prochain gouvernement de l’imperturbable monsieur Biya, notre Najat Vallaud-Belkacem.

Circulez, il n’y avait rien à voir encore moins à lire. Mais, comme après les matches des Lions, chacun peut refaire son film, la méforme pourra s’expliquer, les mauvaises passes pourront se justifier. Et les lois qui devaient logiquement intervenir seront présentées comme des produits de ce forum… Même les nominations prochaines des membres du Conseil National de la Communication résulteront sans doute des préconisations du rapport général, outil révolutionnaire s’il en est.

En plus, en me fondant sur ce que j’ai vu et dont je ne parle pas forcément ici, je crois, moi, que l’organisation des Etats généraux ne participe pas de l’assainissement de nos finances publiques.
ERIC ESSONO TSIMI
Ecrivain



13/12/2012
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