Pogroms anti-Bamoun a Ebolowa: Dis-moi de quelle tribu tu te chauffes...

YAOUNDE - 29 JUIN 2010
© FRANÇOIS LASIER | Aurore Plus

On avait perdu l'habitude des guerres tribales au Cameroun depuis que les Arabes Choas et les Kotokos ont enterré la hache de guerre.

On avait perdu l'habitude des guerres tribales au Cameroun depuis que les Arabes Choas et les Kotokos ont enterré la hache de guerre. Aussi les affrontements meurtriers entre communautés ne résonnent-ils plus que comme de lointains échos du Nigeria ou de Bosnie. Le réveil est aussi brutal lorsque la communauté bamoun est pourchassée à Ebolowa dans le Sud après l'ignoble assassinat d'un moto taximan. La capitale de la Région du Sud (et plus loin, toute la Région du Sud) va-t-elle être un territoire interdit à la communauté des Bamoun ? Le risque est réel, à bien évaluer la violence des pogroms de ces derniers jours. La violence, du crime est certes insoutenable, mais les réactions incontrôlées qu'elle a suscitées sont loin d'être justifiées. La langue et les parties génitales de la victime ont été emportées, cela est-il suffisant pour indexer la communauté Bamoun, parce qu'elle a la réputation de s'adonner au trafic d'organes humains ?

Plus loin, alors que les suspects ont été interpellés par la police et qu'ils pourraient donc être châtiés par la justice républicaine, avait-on besoin d'organiser cette chasse indifférenciée au faciès ? La vengeance aveugle a ses particularités. Elle s'en prend très souvent aux innocents et n'atteint jamais les vrais coupables. Les événements d'Ebolowa reposent fondamentalement le problème de la cohabitation pacifique des peuples et des tribus au Cameroun sous toutes les latitudes.

D'autres sources tentent de banaliser l'incident en le rangeant sous les prétextes pour empêcher un enterrement princier en hommage à Ferdinand Oyono, l'argument reste bancal. Et les conséquences en sont incalculables si dès demain, les ressortissants Beti, pris globalement, étaient pourchassés à Foumban ou à Foumbot en guise de représailles. On confondra l'Ewondo, l'Eton et le Bulu, il faudra alors craindre une propagation horizontale de la guerre tribale à Yaoundé et ailleurs, pogroms, représailles, contre pogroms.

Les raisons à un tel déchaînement de violences communautaires ne manquent pas. Au début des années 90, le Cameroun a failli basculer dans l'horreur lorsqu'il était clairement établi que les Bamilékés étaient les meilleurs adversaires au régime de Paul Biya. On a vu naître des théoriciens de la cause tribale qui ne reculaient devant aucune argutie pour prôner et justifier la mort de l'ennemi identifié comme tel. Au point que, craignant pour la suite, des élites de Yaoundé ont eu une formule forte de dissuasion: «la sécurité de vos enfants chez nous dépend de celle de nos enfants chez vous». Et comme le Bamiléké est le peuple camerounais qui a le plus essaimé en dehors de son espace traditionnel, la menace est vite passée. On a aussi vu fleurir mille autres tirades de la même eau. Par exemple, qu'on ne cherche pas la bagarre quand on porte un plateau d'œufs. Allusion claire aux investissements entrepris par le Bamilékés partout ailleurs que chez eux et qu'ils seraient ? avisés de compromettre en cas d'affrontement tribal.

Ebolowa est une ville secondaire dont la population est encore très grégaire. A Douala ou à Yaoundé, on ne fait pas la chasse à l'allogène chaque fois qu'un meurtre est commis. Les grandes villes ont l'avantage d'être le lieu des grands brassages ethniques qui font reculer les réflexes ethnologiques de l'identification au groupe.

Lorsqu'un Etat ne peut plus assurer la sécurité des personnes et des biens, il est classé comme un Etat en faillite.

Il est bien à craindre que l'Etat ait atteint ce seuil de la faillite à Ebolowa. L'on apprend que les casseurs d'hommes et des biens dans la ville ont été libérés par une police qui a battu en retraite devant une foule déchaînée et menaçante. C'est en toute logique la voie ouverte à tous les dérapages.

Ils pourront recommencer demain sans jamais être inquiétés. Et les Bamoun installés là devront aller se faire voir ailleurs. En attendant que tous les Bétis et autres Bulu de Foumban soient eux aussi expulsés. Ce sera un retour tranquille à la préhistoire de la guerre tribale, avec machettes, gourdins lances et armes à feu artisanales Comme au Rwanda.

FRANÇOIS LASIER


RELENTS XÉNOPHOBES: Embrasement récurrent du Sud



Une fois de plus, une ville de la région du Sud étale au grand jour ses velléités xénophobes sans que pour autant, le pouvoir décrie ce qui apparaît désormais comme la négation patente de cette région à s'arrimer aux préceptes d'unité nationale pourtant clamée comme l'acquis le plus important du Renouveau dont le chantre en est originaire.

Les ? du Sud en général et ceux d'Ebolowa en, particulier, ont cru devoir servir à une communauté allogène prétendument responsable dudit assassinat, en l'occurrence la communauté Bamoun, des mesures de rétorsion en se livrant à une véritable chasse à l'homme. Au final, un mort sur le carreau rapidement mis sur le compte des envolées violentes, alors qu'à la réalité tel semblait être l'objectif des autochtones qui entendaient ainsi venger l'infortuné Stève Bite'e. A croire qu'on concède volontiers aux populations du Sud de se rendre justice pour peu qu'elles sont victimes de quelque manière que ce soit de violence. Si cela était effectif, on est en droit de se demander si le contraire est souvent observé quand quelque originaire de cette même région se rend coupable de forfait pouvant entraîner mort d'homme. A ce titre, il ne nous souvient pas qu'il en fut ainsi à quelque occasion, alors que des hommes en tenue et autres de cette région ont souvent porté atteinte à l'intégrité physique d'autres Camerounais loin de leur sphère géographique d'origine. Alors question, devra-t-on leur opposer le fait d'y être des allogènes pour également subir des rétorsions aussi violentes que dirigées comme ce fut le cas le 25 juin dernier à Ebolowa où tout ce qui n'était pas de la région était littéralement mis à sac ?

Si on admet par ailleurs que l'autorité administrative se doit d'être neutre dans l'optique de calmer les ardeurs des uns et des autres, cela exclut-il que ce faisant elle puisse établir des responsabilités et condamne les responsables des envolées de violence ? Autant de questions restées malheureusement sans réponse, parlant de l'affrontement inter ethnique initié par les autochtones de la ville d'Ebolowa à l'encontre des ressortissants Bamoun.

Dès lors, ceux qui ont toujours pensé qu'il existe effectivement des passe-droits pour les ressortissants du pays organisateur trouvent dans ce type de manifestations, le fondement de leurs convictions. Convictions selon les- quelles les ressortissants dudit pays organisateur se croient exempts du respect des dispositions réglementaires élémentaires et pire, autorisés à toutes sortes d'exactions pouvant même aller jusqu'au droit de mort sur d'autres compatriotes. Sinon, comment penser un seul instant qu'ils aient pu arborer des machettes au vu et au su de tous, sans que les autorités administratives et policières s'en émeuvent le moindre du monde ?

Pire, ces mêmes autorités s'en tinrent non pas à réprimer cet état de fait mais bien plus à négocier avec ces "génocidaires primaires" qui, le temps d'une journée ont transformé la capitale de la région du Sud en une sorte de région des mille collines de triste réputation, pourrait-on faire le parallèle avec le génocide rwandais.


Démission des politiques

Sur un tout autre plan, on se serait attendu que les politiques prennent à leur compte de tels évènements pour non seulement décrier les clivages instaurés par le Renouveau, mais aussi et surtout pour tirer la sonnette d'alarme sur la virée xénophobe dangereuse de cette région qui n'en était pas à son premier coup. Or, le régime en place n'a de cesse de clamer que l'on devrait se sentir camerounais partout au Cameroun, alors que dans le même temps, il concède volontiers à certaines régions d'être de véritables bastions imprenables. Mais jouant à merveille la carte de la démission, aucun de nos politiques n'a osé décrier les affrontements inter ethniques qui, transposés à d'autres régions auraient pu mettre en branle des forces de troisième catégorie au motif d'y restaurer la concorde sociale en évitant par la même occasion quelque embrasement. Au total, Ebolowa vient une fois démontrer que le Cameroun c'est le Cameroun avec son lot de contradictions et d'incohérences entre le discours politique et le vécu quotidien. Aussi devrait-on non seulement prendre à partie aussi bien le pouvoir que les politiques, notamment ceux de l'opposition pour cette autre démission qui met à nu leur incapacité à gérer au quotidien les frustrations des populations.

MUNA DIMBAMBE


01/07/2010
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