Plaidoyer pour l’emploi des jeunes au Cameroun

Plaidoyer pour l’emploi des jeunes au Cameroun

Debora Ngo Tonye:Camer.bePropositions adressées à son excellence Paul Biya, président de la République du Cameroun.Par Débora Ngo Tonye, journaliste, DP du magazine L’emploi Monsieur le Président,Parler des questions d’emploi aujourd’hui au Cameroun, c’est en quelque sorte marcher sur une aiguille au bout de laquelle est accroché un fil d’une légèreté absolue. Pourtant, il faut bien en parler. La question de l’emploi est la priorité des Camerounais. Les 5,4% du chômage ainsi que les 71% que représente le sous emploi global désespèrent les jeunes et les parents et semble préoccuper l’Etat.

Les effets du chômage et du sous-emploi des jeunes

Le manque d’emploi provoque une psychose chez les jeunes. Une psychose allant de la crainte de ne pas survivre au désir profond de se laisser aller aux manipulations de toutes sortes. Voici après une étude menée auprès des jeunes que nous côtoyons, un regard factuel sur les effets néfastes du chômage :
• Le désespoir des jeunes et des parents
• Le manque de confiance en l’Etat
• Le sentiment d’abandon
• La radicalisation de l’attitude à l’égard de la société
• Une perte de l’estime de soi
• La frustration
• Le banditisme, la prostitution
• La révolte
• L’immigration clandestine
• La vulnérabilité face à des manipulations de toutes sortes
• Le manque de motivation…

Comment en est-on arrivé là ?
L’une des raisons du « problème » est inéluctablement le manque de politiques adéquates sur l’emploi des jeunes, suivi d’une inapplicabilité des décrets, des lois et autres textes visant à solutionner les problèmes. Des stratégies importantes ont certes été mises sur pied, mais il faudrait qu’elles soient appliquées et qu’elles servent directement aux intérêts de la cible donc les jeunes. Tenez par exemple, en 2008, vous signez un décret stipulant que toute nouvelle entreprise est exonérée de la patente pour une période de deux ans. En 2010, le premier Ministre signe une circulaire dans laquelle il rappelle aux autorités compétentes d’exécuter ce décret Présidentiel. Malheureusement, l’obéissance ou mieux l’exécution sont loin d’être les choses les mieux partagées dans le service public. Conséquence, les entreprises nouvellement créées continuent de payer les patentes.

La démarche urgente à suivre
Monsieur le Président,
L'emploi des jeunes est un vaste chantier qui regroupe et masque des réalités très différentes, allant des non diplômés, en passant par les peu qualifiés, jusqu'aux bac + 5, chaque catégorie devant faire face à des difficultés spécifiques pour réussir son insertion sur le marché du travail. Proposer des mesures et des dispositifs en fonction des profils des jeunes (sans diplômes, peu qualifiés, décrocheurs, techniciens supérieurs, licenciés...) permettrait de mieux répondre à la fois à la demande de ces jeunes et à celle des secteurs qui les recrutent. La solution du problème de l’emploi passerait par trois étapes chronologiques :
• Une meilleure orientation académique et professionnelle (du primaire au secondaire)
• Une meilleure adéquation formation emploi
• L’intégration socioprofessionnelle.

Quelques propositions immédiates pour l’emploi des jeunes

L’information : C’est le point crucial. Certes, il y a très peu d’opportunités d’emploi dans le pays mais les personnes concernées manquent très souvent d’information. Ceci se justifie d’une part par la non publication ou la publication tardive des offres d’emploi et d’autre part par l’inaccessibilité de l’information auprès de la cible.

L’urgence de la transparence dans les recrutements : Dans votre discours à la jeunesse le 10 février 2011, vous annonciez un recrutement de 25 000 jeunes à la fonction publique. Bien que le nombre de postes soit il faut le reconnaître fort considérable, sur le terrain, les jeunes en priorité restent sceptiques. Le stéréotype dans lequel ils se sont enfermés leur donne de croire qu’il faudra donner des pots de vin ou passer par le piston pour être éligible dans ces recrutements qui sont probablement les premiers et les derniers de cette décennie. Le pire est que le secteur privé a lui aussi nourrit ce stéréotype. Nous espérons que la circulaire n°03 du 10 janvier 2011 du Ministre de l’Emploi et de la Formation Professionnelle relative à la gestion des recrutements dans les organisations présentes au Cameroun fera tache d’huile.

L’urgence de la formation adéquate dans le cadre des grands projets structurants : Cela fera bientôt cinq ans que les chantiers sur les grands projets sont lancés au Cameroun. Des projets qui devront générer des milliers d’emplois dans des secteurs précis. Or les profils recherchés dans les postes à pourvoir ne se retrouvent pas sur place au pays. Il faut former pour éviter de retomber dans les erreurs du Pipeline Tchad-Cameroun où les postes pourvus avaient été attribués à des étrangers au grand dam des nationaux.

Une sécurité sociale dans les milieux professionnels : Le taux chômage des jeunes au Cameroun est de 5,4% En réalité, ce n’est pas le plus inquiétant. Le problème crucial est le sous-emploi (71% selon le Bit). Il nous a été donné de constater sur le terrain que, certains organismes de grande envergure emploient les jeunes dans le cadre de ce qu’on peut qualifier de stage à durée indéterminée. Des entreprises qui font des profits sur le dos d’une jeunesse épuisée par le chômage et extrêmement vulnérable. A côté de ces stages, nous dénonçons également l’exploitation des jeunes professionnelles faites par les agences de placement qui de plus en plus sont assimilées au proxénétisme. Ils faut protéger ces jeunes : c’est du devoir de l’Etat.

Un dialogue franc entre les gouvernants et les « bons jeunes » : Le pays regorge de nombreux stratèges qui, il faut le reconnaître, élaborent de bonnes stratégies sur la question de l’emploi des jeunes. Mais peut-on soigner un malade en son absence ? Ghandi ne disait-il pas que : « tout ce qu’on entreprend pour vous sans vous est contre vous » ? Nous n’insinuons pas que les jeunes soient entièrement exclus de la chose politique, mais est-ce de « bons jeunes » ? C’est-à-dire des personnes de terrain et expérimentés qui peuvent valablement participer à l’élaboration des stratégies. Il serait d’ailleurs formidable pour vous de rencontrer les jeunes. Ils pourront mieux vous parler de leurs problèmes de leurs attentes.

Une politique forte de l’auto emploi des jeunes : La jeunesse est caractérisée par la passion, le zèle, l’ambition, la créativité, le goût du risque, la force physique, une capacité d’adaptation : des qualités propres aux entrepreneurs. C’est dire que si la jeunesse est soutenue et encadrée comme il se doit, elle peut contribuer à l’économie nationale et sortir du gouffre de l’informel qui tue l’individu et appauvrit l’Etat.

Une sensibilisation sur les besoins du monde de l’emploi : Lors du dernier recrutement à la fonction publique (2009-2010), l’administration sollicitait trente (30) architectes mais seuls douze (12) dossiers étaient sur la table des membres du jury. Il en est de même pour le secteur des télécommunications où sur cinquante postes, trente postulants. Il est donc urgent de former les jeunes en fonction des besoins. Ceci nécessite une forte sensibilisation auprès des publics cibles. Mais aussi une prise des mesures visant à restreindre les diplômés de l’enseignement général. Ce, à travers la création des établissements d’enseignement technique commercial et industriel, des universités et grandes écoles technologiques. C’est le secret d’un pays émergeant. Le recrutement de 25 000 jeunes en cours à la fonction publique connaîtra d’ailleurs un réel problème de profils. Car certains besoins ne correspondent pas aux profils disponibles. Notamment le secteur de l’ingénierie où les formations ne sont pas monnaie courante au Cameroun (Pétrochimie, hydraulique, productique, énergies renouvelables, chimie industrielle, métiers du bois, propriété industrielle, ingénieur en industries animales…). Face à cette situation, nous pouvons assurer que le quota des 25 000 ne soit pas atteint. Monsieur le Président il faut agir, le problème est plutôt grave ! Le fer risque de se rouiller et la lance deviendra inutile. Le chômage des jeunes, constitue une bombe à retardement pouvant exploser à tout moment. Il faudrait la désamorcer pendant qu’il est encore temps.

NB:D’autres solutions sont contenues dans l’ouvrage intitulé : « L’emploi des jeunes au Cameroun : la solution », que nous aurons le plaisir de présenter au mois de mai prochain.

© Correspondance : Débora Ngo Tonye, journaliste, DP du magazine L’emploi


17/03/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres