Perspectives - Appréhensions: Lumières et Ombres d'un septennat délicat

YAOUNDÉ - 12 Janvier 2012
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus

Au cours des sept ans à venir, le président Paul Biya devra faire face à certains problèmes qui risquent de déstabiliser son régime. Paul Biya est un malin, un gros malin même, un homme épris de paix qui ne peut accepter que le pays tombe dans une période de désordre pendant ou après son règne. Il saura trouver une solution, la bonne.

Lumière, les grandes réalisations

Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, les grandes réalisations ne poseront aucun problème au président Paul Biya. Elles se feront à un rythme soutenu qui va surprendre, même si pour le moment le démarrage est laborieux. Le Cameroun sera un immense chantier en cette année 2012 comme il l'avait déclaré dans son discours de politique générale à l'occasion du Sème congrès ordinaire du Rdpc à la mi-septembre2011. Les détracteurs du chef de l'Etat n'auront plus de voix pour le critiquer. Une fois que les chantiers auront démarré et atteint leur vitesse de croisière, ils ne seront plus la préoccupation principale du chef de l'Etat comme c'est cas actuellement. Il aura d'autres centres d'intérêt, plusieurs chats à fouetter à la fois.


Ombre, le chômage des jeunes: une bombe

L'un des dangers et non des moindres qui pourrait déstabiliser le régime du président Paul Biya sera le chômage des jeunes et surtout des diplômés de l'Enseignement supérieur. Et cela le chef de l'Etat l'a compris très vite en titularisant il y a quelques années les vacataires de la Fonction publique et en procédant ces derniers temps au recrutement de 2,5000 jeunes. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il ne représente pas grand-chose dans la masse importante de jeunes au chômage.

Certes, l'Etat ne peut pas offrir des emplois à tous ces jeunes qui vivent dans la précarité, mais le comprennent-ils ainsi? Nous en doutons. Le secteur privé absorbe ce qu'il peut. Puisque l'Etat ne peut pas tout faire, il doit mettre en place des conditions pour favoriser la création de sociétés privées.

Les jeunes que nous avons rencontrés en ce début d'année 2012 ainsi que leurs parents ont envoyé des messages, émis des doléances à l'attention du chef de l'Etat. Ce message est le suivant: recruter 25.000 jeunes chaque années pendant au moins cinq ans soit au total 125.000 personnes. Les caisses de l'Etat pourraient-elle supporter leur prise en charge? Cela n'est pas possible si l'Etat camerounais ne trouve pas de nouvelles ressources financières qui pourraient être fournies par l'exploitation de nos ressources minières et d'hydrocarbures liquides ou gazeux. Car les ressources habituelles, classiques que sont la douane, les impôts et autres taxes ne pourraient pas faire l'affaire.

Mais voilà, on sait très peu de choses de ce que va rapporter par exemple l'important gisement de diamants de Mobilong à l'Est du pays. Que va-t-il apporter au trésor public? Silence et bouche cousue. L'exploitation des gisements de fer de Mbalam à l'Est du pays, des mamelles dans le Sud ou de Djoum toujours dans le Sud et évalué à deux milliards de tonnes n'est pas pour aujourd’hui. Tout comme la bauxite et d'autres minerais. Ce n'est qu'à l'horizon 2014 à 2015 qu'avec l’ouverture du port en eau profonde de Kribi qu'on pourrait voir démarrer l'exportation de 95 millions de tonnes de minerais de fer par an. Il reste alors le pétrole et le gaz pour le paiement des salaires de ces nouvelles recrues. De bonnes sources, de nouveaux puits (le pétrole) vont être mis en exploitation en cette année 2012, mais est-ce que leur production sera suffisamment élevée pour renflouer de manière sensible les caisses de l'Etat? Le pétrole de Yagoua dans la région de l'Extrême Nord ne peut encore être mis en exploitation par les chinois avant la construction du pipeline partant de Yagoua et devant être connecté à celui qui part de Doba au Tchad jusqu'à Kribi. L'exploitation du gaz à grande échelle avec la construction d'une usine de gaz naturel liquéfié est encore lointaine (on parle de 2017-2018) selon les propos du président de Gaz de France-Suez qui a été reçu il y a quelques mois palais de l'Unité par le président Biya.


Le chef de l’Etat sait très bien que le chômage des jeunes est une véritable bombe à retardement avec des conséquences grave au cas où elle arriverait à éclater. Prenons l'exemple de la ville de Douala où une bonne frange des conducteurs de motos-taxis est constituée de diplômés de l'enseignement supérieur niveau bac +3 ou bac +4 que parfois les hommes politiques manipulent contre le régime en place.


L'insécurité

En dehors du banditisme classique et de la grande criminalité qui sévit dans notre pays et que les autorités administratives, policières et militaires essayent de contenir du mieux qu'ils le peuvent, force est de constater qu'une nouvelle menace vient de naître dans la partie septentrionale. C'est Boko Haram, une secte musulmane particulièrement sanguinaire qui rêve de d'instaurer un Etat islamique sur tout le Nigeria. Ses derniers faits d'armes remontent à quelques jours avec l'assassinat dans des attentats ciblés de dizaines de chrétiens dans la partie nord de ce pays voisin peuplé de 160 millions dont environ 70 millions de musulmans. Après ces attentats, les autorités nigérianes ont fermé de leur côté la frontière avec le Cameroun. Et semblent accuser notre pays de constituer un sanctuaire où les terroristes de Boko Haram viennent se réfugier une fois leurs forfaits perpétrés dans leur pays. Selon les autorités nigérianes, le Cameroun serait complice, de mèche avec les terroristes de Boko Haram puisqu'il les laisse évoluer en toute quiétude, sur son territoire. Accusation très grave.

Le Nigeria demande au Cameroun d'être très vigilant et de ne pas constitué une arrière-base pour les terroristes de Boko Haram. Et d'être sans pitié pour eux. Le président tchadien Idris Deby ltno revenant d'une visite au Nigeria s'est arrêté au Cameroun pour quelques heures au cours desquelles il s'est entretenu avec le président Paul Biya. N'était-il pas porteur d'un message du président nigérian Goodluck Jonathan Ehele à son homologue camerounais? C'est ce que semblent indiquer certaines sources autorisées.

Si le président Biya est ainsi interpellé, il n'en reste pas moins que l'élite et les populations du Gand Nord ont également un rôle à jouer en ce qui concerne la sécurité de notre pays. Les hommes politiques comme Cavayé Yéguié Djibril, président de l'Assemblée nationale, Amadou Ali, vice-Premier ministre délégué à la présidence de la République en charge des Relations avec les Assemblées, Ibrahim Talba Malla, directeur général de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures, Amadou Moustapha, ministre chargé de mission à la présidence de la République et bien d'autres se doivent d'aider à la surveillance et à la sécurité de cette partie du territoire national qu'est le Grand Nord.


Le tribalisme

On le croyait mort et peut-être pas encore enterré. Eh bien détrompez-vous! Le gaillard est bien vivant, plus solide que jamais, plus frais que jamais, plus vivace que jamais. On a cru qu'avec le brassage des populations de notre pays depuis plus d'un siècle avant même l'avènement de la colonisation, les mariages interethniques que le tribalisme allait s'estomper, niais que nenni!

Quand on nomme un nouveau gouvernement, la première réaction des Camerounais c'est de savoir d'où sont originaires ses membres; Et quand on nomme un nouveau directeur général d'une société d'Etat, c'est une réaction similaire-qui alimente les commentaires. Quand un nouveau Ministre prend ses fonctions, l'une des premières choses qu'il fait, l'un des premiers actes qu'il pose c'est de recenser les personnes de son ethnie ou les gens de son département qui sont en fonction dans son ministère La situation est plus grave dans certaines sociétés ou parfois plus du quart des effectifs est constitué de personnel originaire d'un seul département de notre pays.

Même dans le recrutement de 25 000 icones à la fonction publique, l'élément tribal a fortement joué. On est allé chercher les gens partout Pour les recruter comme s'il y avait des quotas tribaux à respecter à tout prix. Nous avons vu dans le passé comment le tribalisme a fortement pollué les universités d'Etat dans notre pays et continue de nos jours dé perturber leur fonctionnement.

Prenons le cas de la constitution de 1996. Il arrange les petites ethnies dans ses articles consacrés à la présidence des conseils régionaux en introduisant la notion d’autochtones et d'allogènes. Cela met à l’aise, dans une comme le Littoral, Douala, Mbo, Tongo, Bakoko et autres, mais cela n’arrange pas les Bamilékés venant de l'Ouest et majoritaires dans les départements du Moungo et du Wouri considèrent cette précision de la constitution comme étant du pour tribalisme. Le tribalisme est donc présent partout et dans tout. Et il va s'inviter qu’on le veuille ou non dans la succession du président Paul Biya.


La succession de Paul Biya

C'est le dossier le plus sensible, le plus délicat du nouveau septennat du chef de l'Etat. C'est un véritable casse-tête pour lui:

Le Grand Nord demande à être rétabli dans ce qu'il considère comme un droit naturel à gouverner, à diriger le Cameroun. Pour ce grand bloc politico-administratif Ahmadou Ahidjo ayant donné à Paul Biya, un homme du grand sud il est tout à fait normal que ce pouvoir lui soit remis après le départ de Paul Biya. Pour les originaires de ce bloc, c'est un juste retour de l'ascenseur à l'expéditeur, le retour des choses à la normalité.

La mise à l'écart de certains barons du Grand Nord lors du remaniement du 09 décembre 2011 est considéré par certains comme un refus de Paul Biya de leur remettre leur pouvoir, leur chose. Amadou Ali, vice premier ministre envoyé aux Relations avec les Assemblées, cela semble très bizarre aux yeux de certaines personnalités. Hamidou Yaya Marafa débarqué de l'Administration territoriale et de la décentralisation, voilà un prétendant ambitieux à qui on a coupe les ailes.

Le Grand Nord s'estime lésé puisqu'il ne contrôle plus aucune position du vrai pouvoir. Selon certains membres de son élite que nous avons pu rencontrer, le Grand Nord aurait dû au moins prendre le secrétariat général de la présidence de la République à défaut de la primature qui est restée aux mains des Anglophones. Quand on leur dit qu'ils ont le deuxième personnage de l'Etat après Paul Biya en la personne de Cavayé Yéguié Djibril, président de l'Assemblée nationale, ils rétorquent que ce dernier ne contrôle rien, que son poste est une sinécure.

Le bloc anglophone (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) qui estime que son temps est arrivé de prendre le relais après le départ de Paul Biya après près de 60 ans d'attente. Ahmadou Ahidjo était président du Cameroun réunifié à partir de 1961 et le mandat de Paul court jusqu'en 2018, soit 57 ans de règne francophone sur le pays. Et ça suffit, selon eux. Dans leurs analyses, les Anglophones considèrent que le Cameroun est divisé en trois grandes régions géopolitiques.

- Le Grand Nord (Régions de l'Adamaoua, de l'Extrême-Nord et du Nord),

- Le Grand Sud (Régions du Centre, du Littoral, de l'Est, de l'Ouest et du Sud);

- Le bloc anglophone (Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest)


Selon eux, le Grand Nord et le Grand Sud ayant déjà exercé le pouvoir, il est normal qu'ils prennent les choses en main après la retraite de Biya en 2018 ou bien avant au cas où II se retirerait en cours de mandat.

Mais seulement, les choses ne sont pas faciles car dans le Grand Sud certains éléments, du groupe Béti-Fang ne veulent pas lâcher le pouvoir après le départ de Paul Biya. Que vont-ils faire pour conserver le pouvoir? Voilà Une autre inconnue. Comment vont réagir les autres régions du pays, surtout le Grand Nord? Cela ne pourrait-il pas déboucher sur une guerre civile?

Quelle sera la meilleure solution? A défaut des Anglophones, un originaire d'une petite ethnie du Littoral, Pongo, Bakoko, Ewodi, ne peut-il pas accéder au pouvoir pour éviter la guerre civile au Cameroun. Et quelle sera la position ou la réaction des Bamilékés qui s'estiment comme étant les plus lésés dans cette affaire.

Paul Biya est un malin, un gros malin même, un homme épris de paix qui ne peut accepter que le pays tombe dans une période de désordre pendant ou après son règne. Il saura trouver une solution, la bonne.


15/01/2012
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