Paul Biya veut inféoder ELECAM au MINATD

L’histoire s’apparente aux circonstances de la modification de la constitution en mars 2008. Le texte avait été glissé quand les Camerounais se « réjouissaient » de la chute des grosses légumes comme Abah Abah et Olanguéna Awono. Hier, alors que de nombreux députés sont encore à se demander quelles sont les modalités pratiques prises pour le départ du n° 4 chinois en visite depuis trois jours au Cameroun, ils sont informés qu’une plénière se tient dare-dare. Le motif de ce conclave, en plein dans le vacarme lié au flonflon de cette cérémonie d’au revoir à Jia Quinglin : l’examen du projet de loi n° 855 introduit à la conférence des présidents qui se tient trente minutes avant la plénière. L’annonce solennelle est faite en plénière par la vice-présidente Emilia Efaka Eboundjoa, dans un hémicycle qui n’a pas fait le plein d’œuf : « Le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2006/ 011 du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’Elections Cameroon a été déposé par le président de la République et défendu par le MINATD (ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Ndlr) »

Pour fait de modification, il s’agit de l’amendement des articles 7 et 40 de cette loi. L’article 7 nouveau, stipule principalement que les commissions départementales, régionales et nationale de recensement général des votes sont composées en nombre égal des représentants du MINATD et d’ELECAM et présidées par un magistrat de l’ordre judiciaire. Il en est de même, des commissions de révision des listes électorales et des commissions de contrôle de l’établissement de la distribution des cartes électorales. L’article 40 nouveau lui, prévoit que dorénavant, ELECAM recevra « veut, ou veut pas », la collaboration et l’appui de l’administration dans le cadre de ses missions.

Ce qui change, c’est que l’article 40 alinéa 1, qui sera ainsi abrogé prévoit que les administrations de l’Etat ne se contentent plus d’apporter leurs collaborations à ELECAM que si cette dernière la demande. Mais ce soutien lui est désormais imposé. En gros le MINATD et les autres administrations n’attendront plus une demande expresse des responsables d’ELECAM pour intervenir dans l’organisation de toute élection générale. Dans cette foulée, il y a également l’article 7 nouveau qui, sur le plan de la forme a désormais 4 paragraphes au lieu d’un seul comme dans le texte initial. Ces alinéas consacrent la prépondérance de l’administration sur les partis politiques et donne une stature d’interlocuteur d’égal à égal entre ELECAM et le MINATD, quant à ce qui est des opérations de recensement des votes. Par cette disposition, les partis politiques sont exclus du processus de centralisation des votes. ELECAM quant à lui est représenté au même nombre que l’administration. Schématiquement, si ce projet de loi est validé par le parlement à majorité constitué des députés RDPC, ELECAM collectera les procès verbaux des votes envoyés par ses démembrements sous la gouverne des préfets, les traduira au MINATD qui les transmettra à son tour à la commission nationale de recensement des votes avant la proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême (en l’absence de la Cour constitutionnelle).

Débats

Le gouvernement explique cette modification par la volonté d’améliorer le système électoral, en conformité avec l’annonce faite à la nation par Paul Biya lui-même, le 31 décembre 2009. Il s’agit pour le président, de consolider le caractère d’ « organisme indépendant chargé de l’organisation, de la gestion et de la supervision de l’ensemble du processus électoral et référendaire ». Ce que complète le MINATD, Marafa Hamidou Yaya qui défend le projet de loi auprès des députés, en arguant que cette modification « tend à la reconnaissance du rôle important des partis politiques et de la participation de leurs représentants dans le processus électoral ».

Faux ! Lui opposent plusieurs députés de l’opposition. Au premier rang, Joseph Mbah-Ndam, vice-président de l’Assemblée nationale et député SDF de la Momo dans le Nord-Ouest, dénonce un « retour dix ans en arrière ». Il pense qu’en excluant les partis politiques de l’opération des décomptes des voix et en mettant l’action d’ELECAM dont les responsables ont déjà du mal à convaincre sur leur neutralité en berne, on consacre le tripatouillage électoral. Il va plus loin et ajoute que ce texte « est pire que le premier que le SDF dénonçait. On demande du 50-50 entre administrations et MINATD, à la commission des recensements des votes. Puisque ELECAM est constitué des membres du RDPC et que les fonctionnaires doivent leur carrière aux ministres du RDPC, on peut toujours rêver d’une élection transparente au Cameroun ».

Rodrigue N. TONGUE

Par lemessager | Vendredi 26 mars 2010 | Le Messager



30/03/2010
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