Paul Biya: l’usure des trente ans

Biya 1982:Camer.beLe chef de l’Etat semble lui même blasé par ses trente années d’un pouvoir qui sombre inexorablement dans la monotonie. «Dix ans de pouvoir, ça use forcément», clamaient les adversaires de Paul Biya en 1992 alors que le locataire du palais de l’unité fêtait ses dix ans de bail à Etoudi. Le moins que l’on puisse dire au moment où le même fête ses trente ans de pouvoir, c’est qu’il n’a pas eu la main heureuse. Plus que l’usure, le temps semble l’avoir pétrifié en même temps que son pays, figeant tout et tout le monde dans un immobilisme qui commence à devenir une manière -affligeante- de gouverner.

Et comble de malheur, sa longévité au pouvoir est même considérée par ses partisans comme la manifestation de son échec dans la démocratisation du pays dont la «stabilité» est désormais réputée tributaire à la présence de Paul Biya aux commandes de l’Etat. Et si une des principales marques de ce trentenaire est que le renouveau mange désormais ses fils les plus représentatifs, qui se retrouvent les uns après les autres derrières les barreaux au prétexte de la lutte contre la corruption, force est de reconnaitre que pendant ces trente années de règne, Paul Biya est vers la fin de son règne un homme esseulé, tant au plan mondial que dans son pays, ou ses suiveurs sont pour la plupart des assoiffés de gains facile.

Des décennies de pouvoir

Au niveau mondial, président Biya célèbre ses trente ans de pouvoirs dans un environnement nouveau, qui s’accommode mal de vieux président cumulant des décennies de pouvoir. Lorsqu’en 1982 après 25 ans de pouvoir Ahidjo tirait volontairement sa révérence, de nombreuses personnes aux nombres desquels l’actuel chef de l’Etat, estimaient qu’il était prématuré pour le premier président de la République de se retirer. Vingt cinq ans, c’est très peu estimait-on à l’époque. Aujourd‘hui, le monde a changé.

Les présidences interminables ne sont plus à la mode, et la stabilité institutionnelle d’un pays se juge désormais plus au nombre d’alternances au sommet qu’au nombre d’années cumulées par le même homme. Mieux, il y a désormais une quasi standardisation de la longueur des mandats politiques, et un sacralisation de l’alternance avec des exercices de pouvoirs culminant à dix ans pour deux mandants. De fait, le régime de Yaoundé apparait dans le monde du vingt et unième siècle comme une pièce de musée dans le système institutionnel mondial, une tare dans une Afrique où les pouvoirs se démocratisent.

De fait, les Camerounais, réputés fier et parfois donneurs de leçon, se mêlant souvent avec une grande passion des débats démocratiques des autres pays, sont quelque peu gênés par cet anniversaire qui est passé de mode : trente ans de pouvoir d’un président. Car ceux des camerounais qui ont connu au Sénégal Senghor, Diouf Wade, et aujourd’hui d’hui Macky Sall, qui ont connu au Bénin Kerekou, Nicephore Soglo, Kerekou encore et aujourd’hui, Boni Yayi, se disent bien que leur pays, le Cameroun, mérite d’expérimenter un autre leader à la tête de l’Etat.

Paul Biya voulait être l’homme qui a apporté la démocratie et le progrès au Cameroun. Après trente ans de pouvoir le Cameroun est loin d‘être une démocratie, et plus grave, le fonctionnement institutionnel de la nation est illégalement bloqué par la seule volonté d’un homme : le président de la République lui-même. La preuve, s’il s’est empressé d’appliquer la disposition constitutionnelle de 1996 qui faisait passer le mandat présidentiel de cinq à sept ans, mais il refuse toujours de se réconcilier avec son serment, en appliquant intégralement et rapidement d’autres dispositions de cette même constitution de 1996, notamment celle relative à la mise en place du conseil constitutionnel, du sénat, de la déclaration des biens des principaux dirigeants de l’Etat.

Concernant toujours la démocratie, l’histoire retiendra de lui l’image de l’homme qui, le verbe doux et généreux à la bouche à l’entame de son règne, s’est transformé quelques années en un animal politique froid. Pour se mettre à l’abri d’éventuels soulèvements liés à son échec économique, a instauré et fait prospérer un régime de terreur, de clientélisme, de corruption politique et de propagande, qui a fini par dégouter la population de la chose politique.

Pour le camerounais lambda, politique rime désormais avec menteries. Les comédies télévisées de l’actuel ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakari, grand biyaolâtre devant l’éternel, ne sont que l’expression la plus lamentable de ce système un opposant qui par ses mots d’ordres a envoyé de nombreux enfant sous la balles du régime, peut retourner la veste sans coup férir, s’aligner avec le régime sans demander pardon aux martyrs qui on suivi ses mots d’ordre d’hier. Ils sont ainsi, nombreux, sous la démocratie apaisée, à être passés à la soupe : Bello Bouba Maïgari, le défunt Augustin Frédérick Kodock, Hamadou Moustapha. Refusant de normaliser le jeu politique et de léguer un système démocratique le président Biya a donc préféré acheter ses opposants, ou terroriser ceux qui ne veulent pas se laisser acheter.

L’échec de sa méthode

Sur le plan économique où il s’était fixé pour challenge mener son pays à la prospérité, de le président est souvent le premier à reconnaître l’échec de sa méthode : «Pour dire les choses clairement, je crois que nous avons manqué de dynamisme. L'inertie que j'ai souvent dénoncée a repris le dessus.

Malheureusement aussi, la corruption, même si elle est vigoureusement combattue, continue de freiner notre action». L’échec est tel que le président lui, ne cache plus son amertume. Ces dernières années, l’élaboration et l’adoption par la communauté nationale de la vision 2035 et du document des stratégie pour la croissance et l’emploi ont permis au chef de l’état de disposer de quelques projets de rêve à vendre au Cameroun, et surtout à commencer, à matérialiser quelques uns des vieux projets de développement qui végétaient dans les tiroirs depuis plusieurs décennies.

Comme blasé lui même par ce pourvoir qui n’en finit plus de ruminer sa monotonie le président ne semble plus trouver du charme à sa fonction. Lors de la dernière campagne présidentielle, il s’est contenté du service minimum. Animant sans enthousiasme deux meetings à Maroua et Douala, avant de clore par une cérémonie, plutôt banale, de pose de première pierre du port de Kribi.

François Bambou

Ce n’est pas la marque d’un homme amoureux de son peuple et certainement pas celle d’un homme populaire. Au contraire, ses déplacement, sécurisés jusqu’au burlesque, achèvent de convaincre de ce que lui même ne se fait guère d’illusion sur sa popularité. Un leader qui se sent populaire peut-il à ce point, éviter le contact avec son peuple au point de réduire ses apparitions publique à des cortèges limousines noires ? Certainement, les ravages du temps.

© Source : La Nouvelle Expression


12/11/2012
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