Paul Biya bientôt devant la Justice française

Cameroun : Paul Biya bientôt devant la Justice françaiseLa Justice française veut enquêter sur Biya

Une plainte contre le chef de l'État du Cameroun et d'autres responsables pour des faitsde  "torture, d’actes de barbarie et de détention arbitraire" a été jugée recevable par la Cour de cassation française.

Hier, 19 mars 2013, alors que nous nous préparions à mettre sous presse, Le Messager a appris à travers le site internet de Jeune Afrique que « la Cour de cassation française a rendu possible l’ouverture d’une information judiciaire visant le président camerounais, Paul Biya, » ainsi que d’autres responsables de l’État, pour des faits présumés de « torture, d’actes de barbarie et de détention arbitraire » dans l’affaire qui oppose le Cameroun à l’avocate franco-camerounaise, Lydienne Yen Eyoum.

Dans l’article qui relate les « malheurs » du président, le journal panafricain signale que dans son jugement, la haute juridiction casse et annule la décision de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris, en date du 17 janvier 2012, qui avait stoppé la procédure au motif que « la Coutume internationale, qui s’oppose à la poursuite des États et de leurs dirigeants devant les juridictions pénales d’un État étranger, s’étend aux organes et agents en raison d’actes qui relèvent de la souveraineté de l’État concerné (…)qu’il n’appartient pas dès lors aux juridictions françaises d’apprécier la validité et le bien-fondé des décisions rendues par des juridictions étrangères régulièrement formées et a fortiori de celles du chef de l’État camerounais en exercice et de son ministre de la Justice ».

La cour estime au contraire que « les faits de torture et de barbarie et ceux de détention arbitraire dénoncés par la plaignante peuvent comporter légalement une poursuite et, à les supposer démontrés, revêtent une qualification pénale ; qu'en se prononçant comme elle l’a fait, sans avoir vérifié par une information préalable la réalité des faits dénoncés dans la plainte et leur qualification pénale éventuelle, la chambre de l’instruction a méconnu les textes ». Ainsi, l’affaire revient devant le juge. Elle pourrait donc déboucher sur une information judiciaire contre le président camerounais et d’autres hauts dignitaires.

En rappel Lydienne Eyoum Avocate au barreau du Cameroun avait été arrêtée en Janvier 2010 à la résidence d’un de ses oncles au quartier Hippodrome à Yaoundé. La Justice camerounaise lui reprochait d’avoir perçu de façon indue des honoraires jugés très élevés dans le cadre de recouvrements de créances de l’Etat. Elle était jugée avec Polycarpe Abah Abah et Henri Engoulou, deux anciens ministres -avant l’entrée en scène du tribunal criminel spécial- par le tribunal de grande instance du Mfoundi.

Lasse de par la décision du juge d’habéas corpus qu’elle avait saisi pour une relaxe immédiate en raison estime-t-elle, des maltraitances dont elle a été victime durant son arrestation, elle avait saisi la justice française en tant que ressortissante de ce pays, pour actes de tortures. Sa plainte visait le président camerounais, le ministre de la justice de l’époque et autres sans les citer nommément. Cette requête avait été jugée irrecevable par la justice notamment la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris en janvier 2012. Ce revirement intervient cinq mois après la visite, dans sa cellule de Nkondengui, de l’ambassadeur des droits de l’homme François Zimeray, émissaire du président français, François Hollande ; mais aussi, alors que le Cameroun se prépare à se défendre contre des accusations d’atteintes multiples aux droits de l’homme devant commission spécialisée des Nations unies.

© Le Messager : Rodrigue N. TONGUE

1
N
o
B 12-81.676 FS-P+B N
o
1086
SH
19 MARS 2013
CASSATION SANS RENVOI
M. LOUVEL président,
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son
audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt
suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Lydienne Yen-Eyoum
, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l'in
struction de la cour d'appel de PARIS,
chambre 7-6, en date du 17
janvier 2012, qui, dans la procédure suivie, sur
sa plainte, avec constitution de
partie civile contre personnes non
dénommées des chefs de torture et acte
s de barbarie et dét
ention arbitraire,
a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction
et dit n’y avoir lieu à informer ;
2
La COUR, statuant après
débats en l'audience publique du
19 février 2013 où étaient présents : M. Louvel président, M. Maziau
conseiller rapporteur, Mme Guirimand,
MM. Beauvais, Guérin, Straehli,
Finidori, Monfort, Buisson conseille
rs de la chambre, Mme Divialle,
MM. Barbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conse
iller référendaire MAZIAU, les
observations de la société civile
professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ,
avocat en la Cour, et les conclu
sions de M. l'avocat général DESPORTES,
l’avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation,
pris de la violation des
articles 55 de la Constitution du 4
octobre 1958, 5 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme
du 10 décembre 1948,
7, 9, 10, 14 et
15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du
19 décembre 1966, 2 et 4 de la Con
vention des Nations-Unies contre la
torture et autres peines ou traiteme
nts cruels, inhumains ou dégradants
du 10 décembre 1984, 1, 3, 5, 6 et
13 de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des lib
ertés fondamentales, du principe de
droit international relatif à l’immuni
té de juridiction des Etats, 113-7,
222-1, 432-4 du code pénal et 85, 86,
591 et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a dit n’y avoir lieu à
informer à la suite de la plainte
avec constitution de partie civile des
chefs de torture et actes de barbarie
et de détention arbitraire commis
au préjudice de Mme Yen-Eyoum, détenue française au Cameroun ;
“aux motifs que si la cour doit répondre aux moyens et
arguments soulevés par les parties et par le ministère public, il ne lui
appartient pas de prendre en compte l’origine des instructions
qu’auraient pu recevoir leurs représentants et encore moins de les
interpeller sur ce point ; qu’ainsi que
l’a relevé le magistrat instructeur,
une partie des faits dénoncés se déroule après le 30 septembre 2010
date à laquelle Mme
Yen-Eyoum a obtenu la na
tionalité française et qu’il
3
peut dès lors être fait application
des dispositions de l’article 113-7 du
code pénal, lequel donne compétence aux tribunaux français pour
connaître des crimes commis à l’étranger lorsque les victimes sont de
nationalité française au moment des faits ; mais qu’il ressort de
l’examen des pièces produites par la pl
aignante que cette dernière a fait
l’objet d’une mesure de détention
provisoire décidée par un magistrat
instructeur dans le cadre d’une info
rmation judiciaire pour laquelle elle
était assistée de plusieurs conseils du barreau du Cameroun et du
barreau de Paris ; qu’il a été statué
sur sa demande de mise en liberté
le 27 mai 2010 par le président du
tribunal de grande instance du
Mfoundi ; que les voies de recours ont été exercées régulièrement
devant la cour d’appel du Centre
laquelle a statué par arrêt du
22 septembre 2010, confirmant l’ordonnance entreprise ; que si l’article
221 du code de procédure pénale cam
erounais dispose que la détention
provisoire en matière criminelle
ne peut excéder 18 mois, l’information
précitée a fait l’objet d’une ordonnan
ce de renvoi du juge d’instruction
en date du 8 juillet 2011 qui a été
notifiée le même jour à Mme
Yen-Eyoum dans le délai légal
; que dès lors la détention de
Mme Yen-Eyoum s’inscrit dans une procédure judiciaire conduite par
les autorités camerounaises régulièrement formées et dans les
conditions de détention en usage da
ns les établissements dont dispose
l’administration pénitentiaire de cet Etat ; que la Coutume
internationale, qui s’oppose à la
poursuite des Etats et de leurs
dirigeants devant les juridictions
pénales d’un Etat étranger, s’étend
aux organes et agents en raison d’
actes qui relèvent de la souveraineté
de l’Etat concerné ; que l’administration judiciaire relève au premier
chef de ces fonctions régaliennes et
qu’il n’appartient pas dès lors aux
juridictions françaises d’apprécier
la validité et le bien-fondé des
décisions rendues par des juridictions étrangères régulièrement
formées et a fortiori de celles du chef de l’Etat camerounais en exercice
et de son ministre de la justice ; qu’il convient en conséquence
d’infirmer l’ordonnance entreprise et
constater que les faits dénoncés
ne sont pas légalement susceptibles de poursuites devant les
juridictions pénales françaises, le respect des conventions
internationales relevant de la
compétence des juridictions
internationales ;
“1) alors que la juridiction d’instruction régulièrement
saisie d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir
d’instruire ; que cette obligation ne cesse que si, pour des causes
affectant l’action publique elle-même,
les faits ne peuvent comporter
4
légalement une poursuite ou si, à s
upposer les faits démontrés, ils ne
peuvent admettre aucune qualification
pénale ; qu’en l’espèce, les faits
de torture et de barbarie et ceux
de détention arbitraire dénoncés par
la plaignante peuvent comporter légalement une poursuite et, à les
supposer démontrés, revêtent une
qualification pénale ; qu'en
prononçant comme elle l’a fait, sans avoir vérifié par une information
préalable la réalité des faits
dénoncés dans la plainte et leur
qualification pénale éventuelle, la
chambre de l’instruction a méconnu
les textes susvisés ;
“2) alors que la circonstan
ce qu’une procédure judiciaire
serait en la forme apparemment valide au regard d’une loi étrangère
n’exclut pas l’existence d’un
crime commis à l’encontre d’un
ressortissant français susceptible, à ce titre, d’être poursuivi en
France ; qu’en retenant, pour refuser
d’informer, que la détention de la
plaignante s’inscrivait dans une pro
cédure judiciaire conduite par les
autorités judiciaires camerounaises ré
gulièrement formées et dans les
conditions en usage dans les établissements dont disposait
l’administration pénitentiaire de cet Etat, la chambre de l’instruction,
qui a prononcé par un motif inopérant
, n’a pas donné de base légale à
sa décision ;
“3) alors que les actes de tortur
e et de barbarie commis par
les agents d’un Etat ne participen
t pas à l’exercice de la souveraineté
de l’Etat ; qu’en retenant, pour refuser d’informer, que les actes
dénoncés relevaient de la souveraineté
de l’Etat concerné, de sorte qu’il
n’appartenait pas aux juridictions
françaises d’apprécier la validité et
le bien-fondé des décisions rendues par des juridictions étrangères
régulièrement formées et a fortiori de celles du chef de l’Etat
camerounais en exercice et de son minist
re de la justice, la chambre de
l’instruction a méconnu les t
extes et principes susvisés ;
“4) alors que l’interdiction de la torture a valeur de norme
impérative ou jus cogens en droit
international, laquelle prime les
autres règles du droit international et
constitue une restriction légitime
à l’immunité de juridiction ; qu’en
retenant, pour refuser d’informer, que
la Coutume internationale s’opposait à la poursuite des Etats devant les
juridictions pénales d’un Etat ét
ranger, quand la plaignante s’était
constituée partie civile pour des tortures et actes de barbarie et
dénonçait le fait de subir, en pr
ison, des traitements inhumains et
5
dégradants, la chambre de l’inst
ruction a méconnu les textes et
principes susvisés ;
“5) alors qu’en application d
es articles 3, 6 et 13 de la
convention européenne des droits
de l’homme, les Etats membres ont
l’obligation positive de garantir à
leurs ressortissants victimes d’actes
de torture le droit d’accès à un tribunal ; qu’en refusant d’instruire sur
les faits de torture dénoncés par Mme
Yen-Eyoum, la chambre de
l’instruction a méconnu les t
extes et principes susvisés ;
“6) alors qu’en application d
es articles 5, 6 et 13 de la
convention européenne des droits
de l’homme, les Etats membres ont
l’obligation positive de garantir à
leurs ressortissants privés de leur
liberté par arrestation ou détention le droit d’introduire un recours
devant un tribunal ; qu’en refusant d’in
struire sur les faits de détention
arbitraire dénoncés par Mme
Yen-Eyoum, la chambre de l’instruction a
méconnu les textes et principes susvisés” ;
Vu les articles 85 et 86 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, la juridiction d'instruction
régulièrement saisie d'une plainte avec
constitution de partie civile a le devoir
d'instruire, quelles que soient les r
équisitions du ministère public ; que cette
obligation ne cesse, suivant les dispos
itions de l'alinéa 4 de l'article 86 du
code de procédure pénale, que
si, pour des causes affectant l'action publique
elle-même, les faits ne peuvent com
porter légalement une poursuite ou si, à
supposer les faits démontrés, ils
ne peuvent admettre aucune qualification
pénale ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt
attaqué et des pièces de la
procédure que Mme Yen Eyoum a porté plainte et s’est constituée partie
civile contre personnes non dénommées, le 15 juillet 2011, des chefs de
tortures et traitements inhumains et
dégradants et détention arbitraire auprès
du doyen des juges d’instruction du
tribunal de grande instance ; que, par
ordonnance, en date du 15 s
eptembre 2011, non confor
me aux réquisitions
du ministère public, le juge
d’instruction a dit y avoir lieu à informer sur les
faits à compter du 30 septembre 2
010, date à laquelle Mme Yen Eyoum
aurait acquis la nationalité française ;
que le ministère public a interjeté appel
de cette ordonnance ;
Attendu que, pour infirmer l’or
donnance entreprise et dire n’y
avoir lieu à informer, l’arrêt re
tient, notamment, que la coutume



20/03/2013
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