Paul Ayah Abine, “Notre pays est dans l’illégalité absolue” :: CAMEROON

Cameroun : Paul Ayah Abine, “Notre pays est dans l’illégalité absolue”Le président du People action party a déposé un recours à la chambre administrative de la Cour suprême.

Pourquoi avez-vous déposé une plainte contre Elecam et l'Etat du Cameroun?
Nous au Pap avons déposé deux recours devant les instances juridictionnelles compétentes contre Elecam et l’Etat du Cameroun pour violation de la loi électorale. Nous requérons l’annulation pure et simple des élections prévues le 30 septembre 2013. Mais il y a un troisième recours dans lequel nous avons demandé que, dans le cas où les recours en annulation n’aboutiraient pas, qu’il plaise aux instances saisies de disqualifier les listes des candidats de tous les partis politiques dont les listes n’ont pas été déposées et enregistrés avant minuit le 17 juillet, 2013.

Outre l'article 173(2) du code électoral vous énumérez dans votre plainte d'autres articles. En quoi ont-ils été violés ou transgressés?
Ledit article oblige le Président de la République de déterminer par décret “Le nombre de conseillers municipaux par commune … sur la base du recensement officiel de la population précédent immédiatement les élections municipales”. Le code électoral a été adopté et promulgué en 2012. Nous sommes devant la première élection municipale depuis lors. Cela veut dire que, non seulement aucun décret n’a jamais été signé selon ledit code, mais par ailleurs, la loi fait obligation au président de la République de signer un tel décret avant chaque élection municipale. Ceci s’explique par le fait que le mot “élections” est au pluriel dans le code. Passer outre cet article est une violation d’une disposition obligatoire qui appelle à l’annulation des municipales en question.

Vous évoquez aussi l’article 86…
Nous avons également fait recours à l’article 86(2) qui dispose que “L’intervalle entre la publication du décret convoquant le corps électoral et la date du scrutin est de quatrevingt dix (90) jours au moins. Il y a lieu de noter tout de suite que l’intervalle exclut la date de la publication du décret convoquant le corps électoral et le jour du scrutin. On n’a pas besoin d’être juriste pour comprendre le français aussi facile. La loi a bien dit que l’intervalle est entre les deux dates. Etant donné que le décret a été publié le 2 juillet 2013, l’intervalle commence à courir le 3 juillet. En d’autres termes, nous comptons 29 jours en juillet; puis 31 en aout, plus 29 en septembre, soit 89 jours au total. Alors que le président de la République a la latitude de convoquer le corps électoral avec un intervalle de plus de 90 jours, la loi lui ôte la latitude dans le sens inverse. Cette violation est d’ordre général et elle ne peut ne pas aboutir à l’annulation automatique de l’élection législative en vue.

N’est-ce pas un discours déjà entendu ? De quels autres arguments disposez-vous pour faire invalider ces élections ?
Nous nous sommes donné quand même une troisième option. Puisque la justice camerounaise a déjà proclamé qu’elle a les mains liées par les diktats de l’exécutif, nous nous sommes dit qu’elle peut ne pas dire le droit comme cela se doit. Nous avons donc déposé un troisième recours pour la disqualification des listes de tous les partis qui n’auraient pas déposé et enregistré leurs listes avant minuit le 17 juillet. Le code électoral est bien clair là dessus. Il ne suffit pas de déposer les dossiers de candidature : il doit y avoir dépôt et enregistrement dans le délai de 15 jours…Il faut comprendre que dans les canons d’interprétations des lois, on ne doit passer outre aucun mot. Le code électoral, en l’occurrence l’article 164(1) et (2) dispose, entre autres, que la “déclaration (de candidature) est déposée et enregistrée” “dans les quinze (15) jours suivant la convocation du corps électoral”. Les deux actions, le dépôt et l’enregistrement, doivent se faire dans le délai de 15 jours (POINT!). Le seul fait de déposer ne suffit point. Moins encore le seul fait d’être dans les locaux d’Elecam avant minuit. Il s’agit ici des dispositions légales. Ce n’est pas la politique. La loi dispose de valeur obligatoire pour toute société démocratique. Et beaucoup plus pour une démocratie avancée qu’est le Cameroun.

Vous-vous êtes aussi plaint d'autres vexations de l'administration que votre parti a subies lors de l'établissement des dossiers de candidature, quelles sont-elles?

Ah oui! Les vexations de l’administration étaient légion. Pour ne citer que quelques exemples, les services des impôts, ont exigé que chaque candidat du Pap aux municipales pour la commune d’Akwaya verse 40.000 francs de taxe foncière. Ca veut dire qu’un villageois qui n’a qu’une petite maison souvent à une seule pièce en matériaux provisoires et son champs de cultures vivrières dispose d’une propriété foncière évaluée a 40 millions; puisque la taxe foncière ne représente que 0,1% de la valeur de la propriété. En plus, jusqu’à quelques jours de l’expiration du délai, ce n’était que Limbe qui signait les certificats d’imposition ou de non imposition pour toute la région du Sud-Ouest. Vous voyez bien le coût d’une seule pièce! Aussi des administrations se disputaient-elles pour savoir laquelle était habilitée à signer telle ou telle autre pièce. Tout cela jouait contre la montre. 

On peut vous répondre que tous les partis partaient sur le même pied d’égalité…
Non, pour les candidats du Pap, le personnel de l’Etat refusait de signer l’attestation de résidence en l’absence d’une pièce soit du chef traditionnel, soit du chef du quartier. Dans la Manyu, le Rdpc a fait recours à des manoeuvres mafieuses pour décourager les militants du Pap. Deux escrocs notoires, Chief Igelle Elias et Chief Ikoga Andrew, deux lieutenants de Peter Agbor Tabi, (secrétariat général adjoint de la présidence de la République), ont fait une publication mensongère faisant état de la radiation du Pap des listes des parties politiques légalisés au Cameroun. Comme conséquences directes, nous n’avons pu constituer des listes pour trois communes de la Manyu. Personne ne croyait plus en la véracité de notre démenti. Dans le Fako, un certain Atanga Nji, toujours de la présidence de la République, a publié un décret fictif prétendant que Yaoundé va faire du député sortant, Lifaka Emilia, la présidente de l’Assemblée nationale dès le mois d’octobre prochain, et que par conséquent, personne ne devait se porter candidat dans sa circonscription. Par solidarité tribale, les candidats du Pap, se sont purement et simplement retirés, avec pour conséquence des listes incomplètes. 

Comment entrevoyez-vous l’avenir si votre plainte n’aboutit pas?
Nous nous inspirons de l’adage en anglais qui dispose que “While in Rome do what the Romans do”. Notre pays traverse une période d’illégalité absolue. C’est comme si on gère le pays aujourd’hui sans système, moins encore dans l’état de droit. S’abstenir nous semble pire que de se battre pour le changement à l’intérieur. Observer en se croisant les bras vaudrait approbation. Se retourner à la violence serait anti-démocratique. Mais attention : nous n’avons pas dit qu’on ne peut jamais recourir a la violence si tous les moyens paisibles n’aboutissent pas. Même le bon Dieu s’est servi de la force pour expulser les anges rebelles de son royaume. La force n’a jamais été exclue nulle part! Mais pour le moment, nous préférons nous battre à l’intérieur – dans la légalité.

© Le Jour : Propos recueillis par Aziz Salatou


10/08/2013
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