Pas de malversations de Franck Biya sur les titres Camtel

Cameroun : Pas de malversations de Franck Biya sur les titres CamtelL’« affaire », incontestablement défraie la chronique. Aussi bien à travers les colonnes de tabloïds que sur les plateaux de médias « chauds ». Un message rendu public par une organisation jusqu’alors peu connue a cru devoir alerter l’opinion

sur une prétendue distraction de 100 milliards de F par une entreprise contrôlée par le fils aîné du chef de l’Etat. Et ce, à travers une appropriation – à la régulière – de titres de Camtel et que la société de télécommunications avait nanti auparavant auprès d’une banque de la place. En vue d’obtenir un crédit.

Les inexactitudes, les omissions et autres contre-vérités qui ont essaimé le fameux « brûlot » ont suscité, ici et là, des réactions des plus diverses, dont certaines assez vives dans le ton. Il n’en fallait pas plus pour que le landernau médiatico-politique s’enflamme véritablement. Au-delà des « révélations » en elles-mêmes, l’on peut observer que celles-ci surviennent au moment où la lutte contre la corruption et les atteintes à la fortune publique vient de franchir un nouveau pas, en s’intensifiant. Avec l’entrée en vigueur récente du tribunal criminel spécial (TCS). Une coïncidence qui laisse songeur…

Pour éclairer utilement la lanterne de ses lecteurs, CT a entrepris de restituer les faits dans leur contexte historique, d’analyser le rôle respectif de chaque intervenant dans ce qui apparaît n’être finalement qu’une transaction normale, presque banale selon l’avis unanime de nombreux cambistes et autres familiers des méandres des affaires, de l’acquisition et de la cession des valeurs mobilières. Notre approche, laisser parler les faits.

Le contexte macro-économique ambiant

Le Cameroun – personne n’est près de l’oublier – a connu une longue et éprouvante période de récession économique depuis la fin des années 80. Avec, à la clé, une maîtrise plus que laborieuse de ses finances publiques. Ce qui se traduira par des difficultés croissantes de l’Etat pour faire face à ses obligations, y compris le paiement des salaires des agents publics. Les différents prestataires n’étaient pas mieux lotis, pas plus que les créanciers extérieurs. De fait, la dette extérieure avait atteint des proportions et un volume tels qu’elle était devenue ingérable, insupportable. Jusqu’à l’annulation d’une partie de cette dette, suite à l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE.

Il s’agit donc à l’époque une situation peu reluisante qui avait conduit le pays au bord de la cessation de paiement. D’autant que, extrême supplice, le franc CFA perdra, début 1994, la moitié de sa valeur au travers de la dévaluation historique qu’on sait. Il aura fallu, pour rester debout et conserver une crédibilité minimale, s’astreindre à un contraignant programme d’ajustement structurel qui s’est accompagné d’une casse sociale extrêmement douloureuse.

Au sortir de cette période éprouvante, l’Etat entreprend de mettre de l’ordre dans ses finances. L’occasion pour dresser l’inventaire exhaustif de ses créanciers. L’audit révélera une dette intérieure de plus de 1400 milliards de F au 31 décembre 2004. Sont alors concernés, non seulement les agents publics pour les salaires, mais aussi divers fournisseurs et les entreprises publiques. C’est le cas de Camtel – parmi tant d’autres – qui signera avec l’Etat en avril 2005 une convention de dettes réciproques. Cette convention laisse apparaître un solde de plus de 80 milliards de F en faveur de Camtel (80 745 769 018 F). L’Etat s’engage à payer ce solde de la manière suivante : 24 milliards par versements mensuels 200 millions de F en 105 mensualités jusqu’en 2015, le reliquat (56 745 769 018 F) devant faire l’objet de titres négociables. C’est l’origine des titres dits Camtel.

De la titrisation

Par cette opération, l’Etat reconnaît sa dette envers ses créanciers qui sont constitués de personnes physiques (dont les fonctionnaires pour avancements et autres accessoires de salaires gelés) et des entreprises. Dans l’impossibilité de payer cash ces dettes, l’Etat va émettre ce que le jargon approprié désigne par « effets publics négociables ». Un mode de règlement qui en déroutera plus d’un du fait de la nouveauté du mécanisme. L’on a vu ainsi des fonctionnaires et autres agents publics brader littéralement pour une bouchée de pain des titres (autrement appelés obligations de trésor à coupon zéro-OTZ-) qui auraient pu leur apporter des revenus consistants à maturité. Passons…

Pour ce qui est de Camtel, elle  bénéficie donc de 56.000 titres d’une valeur faciale de un million de francs chacun dont la maturité va de 2011 à 2017. Comme le lui reconnaissent les textes qui régissent ce secteur d’activité, Camtel va vendre de gré à gré 21.000 de ces titres – qui relèvent de sa propriété – à différents investisseurs dont des compagnies d’assurances, d’autres personnes morales, et même à des personnes physiques. Des sources crédibles, Activa, Activa Vie, Afriland First Bank, AGF assurances, Standard BK PLC London feraient partie des structures ayant acquis lesdits titres. Tandis que 35.400 autres seront placés en garantie auprès de la Société financière africaine Ingénierie, filiale de la CBC. Afin d’accéder à deux crédits à moyen terme (CMT).

Un premier nantissement de 9400 OTZ permettra d’accéder à un prêt de 4,7 milliards de F, tandis qu’un second nantissement de 25.000 titres ouvrira la voie à un prêt de 4 milliards de F. Nous sommes en 2005. Plus tard et à la suite d’un accord entre Camtel et Afrione Cameroun, cette dernière structure va acquérir les 9400 titres préalablement mis en disponibilité en faveur de SFA Ingénierie à titre de nantissement après main-levée de cet établissement. L’argent frais qui résulte de la transaction permettra à Camtel d’anticiper le remboursement du prêt de 4,7 milliards que lui avait consenti la SFA Ingénierie. Rideau.

Il se trouve que, la société Afrione Cameroun après avoir acquis les 9400 titres de Camtel va négocier et obtenir du ministère des Finances, émetteur des OTZ un paiement anticipé de celles-ci. Afrione aurait pu attendre que les 9400 titres dont il était détenteur lui rapportent à maturité en 2014 un peu plus de 12 milliards de F. En sollicitant un paiement anticipé huit ans plus tôt, elle n’en récoltera que 6,58 milliards après décote en valeur faciale. L’Etat à travers le ministère des Finances aura ainsi racheté une partie de sa dette. Dans les règles universellement reconnues.

L’on pourrait ajouter que le rachat (paiement anticipé des titres avec abandon des intérêts à échoir et décote de la valeur faciale) ainsi réalisé par l’Etat n’était pas le 1er du genre Quelques années auparavant des opérations similaires avaient été effectuées avec d’autres créanciers titulaires de la dette titrisée de l’Etat : COGEFAR, SCANWATER, SCANID…

Il y aurait également lieu d’évoquer le caractère totalement fallacieux et imaginaire des  transactions qu’il y aurait eu d’une part sur 25 000 autres titres Camtel initialement nantis auprès de la SFA et sur 30 000  titres de la CNPS. Car non seulement personne ne peut en apporter la preuve ( les fac-similes publiés par « l’œil su Sahel » ne fournissent même pas un début de preuve) mais aussi parce que  la totalité de la dette de la CNPS initialement titrisée en 1997 avait été destructurée  en 2005 . Or, il ne saurait y avoir des transactions sur des titres inexistants…

En tout état de cause il s’agit d’une affaire curieuse dans laquelle on affirme l’existence des transactions douteuses et de malversations ayant abouti à la spoliation de l’Etat, sans apporter la moindre preuve (date de paiement, n° de compte crédité, banque domiciliataire, mode de paiement-chèque ou virement, etc.) des prétendus paiements (environ 200 milliards F CFA) que l’Etat aurait effectués au profit d’Afrione . Autrement dit il est simplement demandé aux uns et au autres de faire tout simplement un acte foi vis-à-vis des déclarations de l’Alliance pour la défense des biens publics

© Cameroon Tribune : MAKON ma PONDI


06/12/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres