Parti du Grand Nord: Les masques tombent

Yaoundé, 18 Juillet 2013
© Michel Biem Tong | Le Soir

C’est du moins ce que laissent penser, les propos de Garga Haman Adji parus dans le magazine Jeune Afrique, édition de la semaine dernière.

Les lecteurs du magazine panafricain Jeune Afrique. N° 2739, du 7 au 13 juillet dernier n'en sont certainement pas revenus. Dans un article intitulé «Cameroun: Biya face au Nord», nos confrères ont tendu leur micro au Président de l'Alliance pour la Démocratie et le Développement (ADD) qui a fait des révélations qui méritent qu'on y tende une oreille. En effet, interrogé sur le parti du Grand Nord qui serait en gestation, Garga Haman Adji, qui n'en a pas nié l'existence de ce projet, a semblé dire que c'est Marafa Hamidou Yaya qui en est l'initiateur: «Avant son arrestation, Marafa voulait créer un parti. Il avait commencé à débaucher des cadres dans d'autres partis, dont le mien (ADD, ndlr)...je pense que le projet est tombé à l'eau quand Marafa a été arrêté. Je présume que ses partisans tentent un baroud d'honneur», a expliqué, à Jeune Afrique Garga Haman Adji.


L'EMBARRAS DE GARGA HAMAN

En termes plus simples, l'ex-Ministre de l'Administration Territoriale était sur le point de créer un parti politique dans le Grand Nord, mais en a été dissuadé par sa mise aux arrêts le 16 avril 2012 pour «détournements de fonds publics» dans l'affaire de l'avion présidentiel. Joint au téléphone en fin de semaine dernière par Le Soir, pour confirmer, ses propos et pour en dire davantage sur ce projet de création de parti, Garga Haman Adji, qui le trouvait à Maroua (Extrême-Nord), avait l'air embarrassé. Il s'est contenté de demander au reporter s'il avait affaire à la Police. Même s'il n'a ni confirmé, ni infirmé ses déclarations au magazine basé à Paris.

Contacté par nos soins, le Directeur de publication de l'hebdomadaire l’œil du Sahel et fin connaisseur de la partie septentrionale du pays, Guibaï Gatama, pour sa part, dénie la paternité du parti du Grand Nord à Marafa Hamidou Yaya: «Ce que Garga a dit n'engage que lui, peut-être a-t-il des informations que je n'ai pas, mais à ma connaissance, je ne pense pas que Marafa ait œuvré de quelque manière que soit à la création de ce parti. Moi-même j'ai assisté aux réunions de ce parti. Et il recrute aussi bien dans le RDPC que dans l'UNDP et d'autres partis. Et parmi les partisans se trouvent même les détracteurs de Marafa», confie Guibaï Gatama.


RÊVE D'UNE SOCIÉTÉ DE CONFIANCE

Condamné à 25 ans de prison ferme en septembre 2012 et incarcéré au Secrétariat d'Etat à la Défense, Marafa Hamidou Yaya, l'un des barons du RDPC (parti au pouvoir) dans le Grand Nord et ancien proche collaborateur de Paul Biya, a plusieurs fois, dans ses sorties épistolaires, fait part de ses ambitions présidentielles. Dans sa deuxième lettre au chef de l'Etat publiée par la presse quelques semaines après son arrestation, le natif de Bibemi (Nord) avait écrit: «je suis porteur d'un projet mettant en avant les exigences de Paix et de Justice permettant de bâtir une société de confiance». Dans sa cinquième livraison épistolaire délivrée après sa condamnation, Marafa s'est voulu plus précis en indiquant que «fort de votre soutien, je m'engage devant vous solennellement à poursuivre mon combat pour qu'advienne au Cameroun, la Société de Confiance porteuse de la paix, de la sécurité, de la justice, et de la prospérité partagée, à laquelle nous aspirons tous».

De quoi confirmer les dires de Garga Haman Adji? A voir! Toutefois, si les faits que relate le Président de l'ADD à Jeune Afrique sont avérés, cela conforterait la thèse de ceux qui pensent que l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya a des relents de règlements de comptes politiques.


VOLONTÉ DE RÉUSSIR

Des recherches plus poussées nous ont permis de comprendre que, le projet de création d'un parti du Grand Nord a suscité l'adhésion de nombre de cadres du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Fatigués de ronger leur frein dans les couloirs du RDPC, des caïds originaires du septentrion voyaient en ce parti, une opportunité de s'affirmer et de sauvegarder l'Axe Nord-Sud. La formule a été bien pensée parce qu'on dit que pour réussir, il faut oser. Il a fallu recruter les futurs membres du parti du Grand Nord, dans les rangs du RDPC dans l'optique de construire une base solide. En réalité, nombre d'adhérents du parti des flammes sont là pour besoin de positionnement, de calculs politiques et de contrôle de l'appareil de l'Etat. Chacun Militant de la formation politique de Paul Biya roule pour ses propres intérêts, mais au dehors affiche un attachement solide au système. Les actes délictueux de certains «serviteurs» de la nation, démontrent que la conquête du gâteau national est la chose la mieux partagée.

L'appartenance au RDPC confère également une certaine immunité. Des gens se permettent de faire n'importe quoi, parce qu'ils sont de la fibre gouvernementale ou partagent des affinités. La peur qu'a engendrée la mise aux arrêts de Marafa Hamidou Yaya, a découragé beaucoup de bonnes volontés. Certains dignitaires du régime ont même fait l'objet d'attaques répétées dans les colonnes des journaux. Ils ont été présentés comme des dissidents et des partisans de l'alternance politique au Cameroun. On les a accusés d'avoir bâti de puissants réseaux, dans le but de nuire subtilement à quelqu'un qui leur a tout donné. D'après des commentaires, les chamboulements observés dans les cercles du commandement territorial avaient pour effet de briser les ailes du «marafisme». Cette doctrine politique à laquelle on attribue des vertus dévastatrices, a pu se faire des ramifications dans toutes les couches sociales, et même à l'extérieur du triangle national: - Soucieux de préserver la paix et la stabilité, il est judicieux de ne pas citer leurs noms. Toute dénonciation ne peut conduire qu'à la chasse aux Sorcières, qui est source de division et de tensions sociales.



20/07/2013
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