Par ses propos: Amadou Ali discrédite la fonction du garde des Sceaux

DOUALA - 07 SEPT. 2011
© Edmond Kamguia K. | La Nouvelle Expression

Le vice-Premier ministre, ministre de la justice et garde des Sceaux a exprimé des opinions qui nuisent à la justice, aux droits et aux libertés. Ainsi qu’à la démocratie et à l’unité nationale.

A travers des révélations de Wikileaks sur le Cameroun, les Camerounais qui ont parcouru le rapport de l’ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun, Janet E. Garvey, ne peuvent rester indifférents, par rapport notamment aux opinions et prises de positions d’Amadou Ali.Dans ce document qui relate une conversation avec Mme Garvey, le vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux a fait des affirmations graves. Entre autres déclarations faites par Amadou Ali : « Le Septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu’il souhaite être président, mais n’acceptera jamais un successeur qui soit lui aussi Béti/Bulu, ni un membre de l’ethnie Bamiléké qui est économiquement puissante».


Graves accusations et apologie de la haine

Apparemment convaincu que Paul Biya ne peut pas faire autrement que de remettre le pouvoir aux « Nordistes », Amadou Ali estime que « cela serait inacceptable pour le reste du Cameroun » si Biya nommait un Béti / Bulu des régions du Centre, du Sud et de l’Est pour lui succéder. Autre propos controversés d’Amadou Ami : « Les nordistes (…) si méfiants sur les intentions des Bamiléké (…) ne concluraient jamais une alliance pour soutenir un pouvoir politique bamiléké ». Du haut de son fauteuil de vice-Premier ministre et fustigeant des groupes ethniques et communautés précises, Amadou Ali décrète, catégorique, que « la véritable opposition à l’opération Epervier vient toujours des Bamiléké de la région de l’Ouest et des anglophones du Nord Ouest et du Sud-Ouest ».


Pire, on peut lire dans le même document que « Ali reconnaît que les autres groupes ethniques du Cameroun ont une méfiance pathologiques à l’égard des Bamiléké (qui sont parfois présentés comme les Co-conspirateurs des anglophones qu’on qualifie d’Anglos-Bami) à cause du caractère agressif de l’expansion de leur domination économique au Cameroun », etc. Toutes ces affirmations suggèrent des réflexions.

Y a-t-il meilleure apologie à la haine anti Bamiléké, anti anglophones, voir anti Béti / Bulu ? Qui osera encore réfuter l’existence d’un problème bamiléké au Cameroun ? Ainsi que d’un problème anglophone ? Les Camerounais ne sont-ils pas ou plus des citoyens égaux en droits et en devoirs comme le dispose la constitution ? Le principe d’égalité des citoyens devant la loi qui implique l’égalité des citoyens devant l’application qui est faite de la loi est-il devenu désuet ? Au nom de quoi un Béti, un Bulu et un Bamiléké n’auraient-ils pas le droit de succéder à Paul Biya si l’un d’eux venait à remporter des élections présidentielles libres, justes, transparentes et démocratiques le 9 octobre prochain ?

Le droit de vote et la démocratie auraient-ils définitivement perdu de sens dans un Cameroun qui se proclame Etat de droit ? Les considérations politico-tribales et le jeu des alliances politico-régionales doivent-ils l’emporter sur les règles du jeu démocratique, sur la cohésion nationale et sur le bon fonctionnement des institutions nationales ? Un ministre de la Justice et garde des Sceaux doit-il prendre partie dans une affaire ou un problème au point de vouer aux gémonies des ethnies et communautés auxquelles il n’appartient pas ?


Ce qu’est un garde des Sceaux

Autre nom donné au ministre de la justice, le garde des Sceaux est responsable des services de la chancellerie. La confusion entre les fonctions de garde des Sceaux et celle de ministre de la Justice remonte à l’Ancien Régime, en France, lorsque le chancelier, qui était le chef de l’administration judiciaire, avait été chargé par le roi, de garder la matrice des sceaux royaux, qui permettait de garantir l’authenticité des documents officiels du royaume. Il s’agit en réalité d’une tradition qui a traversé les siècles. Le ministre français de la Justice continue de conserver dans son bureau la presse servant à établir le sceau officiel de la République française qui date de 1848.

Ce sceau représente une femme assise, symbole de liberté, entourée des emblèmes du suffrage universel, des beaux-arts et de l’agriculture. Membre à part entière du pouvoir exécutif, le ministre de la Justice et garde des Sceaux est responsable de la gestion des juridictions. Bien que dirigeant l’administration judiciaire, le garde des Sceaux ne possède aucune fonction juridictionnelle et aucune autorité directe sur les magistrats du siège que sont les juges. Il est cependant l’autorité hiérarchique des magistrats du parquet ou le ministère public, c’est-à-dire les magistrats chargés de représenter les intérêts de la société et de veiller au respect de l’ordre public et à l’application de la loi : les procureurs généraux et les procureurs de la République. Le Garde des Sceaux est un éminent membre du Conseil supérieur de la magistrature, principalement chargé des nominations et de la discipline des magistrats.


Justice: conciliation et apaisement

La gestion de l’opération Epervier donne suffisamment à redire sur la manière d’arrêter les fonctionnaires et de les poursuivre en justice. On ne peut pas dire que toutes les personnes arrêtées et actuellement jugées ou condamnées aient eu droit à une justice sereine. Que de dérives décriées par les avocats ! Que d’humiliations – arrestations spéculaires - et de violations des textes de lois nuisant à l’administration d’une vraie justice pour tout prévenu présumé innocent ! Amadou Ali a parlé des arrestations spectaculaires qui ont caractérisé les premières années de l’opération Epervier et de la priorité donnée à la récupération des fonds détournés. Sans s’y attarder.

Le garde des Sceaux doit toujours avoir présent à l’esprit les valeurs promues par les Sceaux de son pays. Dans des pays comme les Etats-Unis d’Amérique, l’emblème graphique principal de l’Etat est utilisé en équivalent des armoiries. Il existe diverses représentations symboliques de la justice dont la plupart remontent au Moyen Age. Le symbole le plus répandu représente une femme tenant dans sa main droite un glaive et dans sa main gauche une balance. Des symboles forts.

La balance constitue le symbole de plus ancien de la fonction de juger. La balance fait référence à l’idée d’équilibre et de mesure. Elle rappelle aussi bien l’objectif de la justice qui est la conciliation et l’apaisement des intérêts en conflit que le moyen d’y parvenir. La balance symbolise le travail du juge au cours de son délibéré. Le juge prend la mesure de chaque argument pour parvenir à une décision équilibrée. La balance symbolise aussi l’impartialité nécessaire au fonctionnement de la justice. Une bonne justice n’est pas à tête chercheuse et ne doit pencher en faveur d’aucune des parties.

Il y a aussi le glaive qui est un symbole de puissance. C’est que la justice n’est rien sans la force qui permet de la faire appliquer : ceci dans la mesure où juger ne consiste pas seulement à examiner, peser, mais aussi à trancher et sanctionner. Le glaive est l’un des attributs symboliques traditionnels de ce monopole de la violence physique légitime de l’État.


07/09/2011
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