Pacte colonial: Les documents qui épinglent la France

Le Messager

Pour Jean-Claude Mayima-Mbemba, il s'agit sans doute du « plus grand scandale de l'humanité fait d'expropriation, de spoliation, d'escroquerie et d'esclavagisme »

Logique prédatrice

Pour le secrétaire général de l'organisation Africa human voice international, Jean-Claude Mayima-Mbemba, il s'agit sans doute du « plus grand scandale de l'humanité fait d'expropriation, de spoliation, d'escroquerie et d'esclavagisme ». Et d'autant plus grave que la première responsable de cette situation, la France en l'occurrence, n'en a « pas honte ». Selon lui, le pacte colonial entre la France et l'ensemble de ses anciennes colonies d'Afrique francophone, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est la vraie cause des guerres sur le continent noir. Puisque ce pacte consacre la toute puissance de l'ancienne métropole qui se voit accorder tous les privilèges et avantages au détriment des peuples de ses ex-colonies dans le cadre d'une logique prédatrice dont profitent également leurs suppôts installés au pouvoir dans ces pays pour veiller d'abord à ses intérêts exclusifs.

Dans son livre « Les servitudes du pacte colonial (CedaA/Nei, Abidjan, 2005) le Pr Mamadou Koulibaly posait déjà le doigt sur le mal généré par ces clauses secrètes, entre autres, « l'interdiction totale ou partielle du marché colonial aux produits étrangers ; l'obligation d'exporter les produits coloniaux exclusivement ou principalement vers la métropole ; l'interdiction, par la colonie, de produire des objets manufacturés, son rôle économique se bornant à celui de productrice de matières premières et de débouché commercial ; le traitement de faveur accordé par la métropole aux produits coloniaux, accompagné d'une aide politique, militaire, culturelle et souvent économique, fournie par la métropole. »

Le contenu des documents exclusifs de Africa human voice international, confirme aujourd'hui ce diagnostic. L'universitaire enfonce le clou. « Ce pacte, depuis la fin officielle de la colonisation, s'est transformé en un étatisme [...] La guerre absurde que mène la France est fondée sur l'idée tout aussi absurde que l'Etat ivoirien, par exemple, est géré par des hommes incapables de défendre et protéger les intérêts français en Côte d'Ivoire. [...] La France ne fait que continuer une politique huilée des différentes autorités politiques françaises vis-à-vis de l'Afrique noire. Tromperie, dissimulation, simulation et autres coups tordus sont monnaie courante pour déstabiliser ou pas des régimes, selon qu'ils sont ou non définis par le monarque comme non-conformes ou politiquement incorrects. »

C'est dans ce registre qu'il faut situer les différents coups d'Etat perpétrés en Afrique et dont le but était de chasser tel dirigeant africain jugé indocile et dangereux pour les intérêts français. Le principe, selon Claude Mayima-Mbemba, auteur de  Assassinats politiques au Congo-Brazzaville - Rapport de la Commission Ad'hoc de la Conférence nationale souveraine (25 février - 10 juin 1991), tome 1, Ed. Ices, Corbeil-Essonnes, 2004), est simple : « Celui qui remue la queue, rampe, lèche les bottes et garantit les « intérêts de la France », même s'il est mondialement reconnu criminel, celui-là est jugé apte à « gouverner » ses compatriotes. » La longévité de certains au pouvoir ou, a contrario, le règne éphémère des autres, illustrent parfaitement cette pratique. Cinquante ans après, ce marché de dupes continue pourtant de guider les relations France-Afrique. Ce n'est pas la célébration des cinquantenaires d'indépendance, célébration du reste pilotée depuis Paris (c'est tout dire !), qui va y changer quelque chose. Le président français Nicolas Sarkozy, sans doute pas encore rôdé au pouvoir, avait dit, au lendemain de sa prise de pouvoir, son intention de les dépoussiérer. Mais il a été très vite rattrapé par la real politik et sans doute par le constat que, sans l'Afrique, la France n'est rien...

Accord  portant transfert des compétences de la Communauté à la République de Côte d'Ivoire

Le gouvernement de la République de Côte d'Ivoire d'une part, le gouvernement de la République française d'autre part, ont convenu de ce qui suit :

Article premier - La République de Côte d'Ivoire accède, en plein accord et amitié avec la République française, à la souveraineté internationale et à l'indépendance par le transfert des compétences de la communauté.

Art. 2 - Toutes les compétences instituées par l'article 78 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont, pour ce qui la concerne, transférées à la République de Côte d'Ivoire, dès l'accomplissement par les parties contractantes de la procédure prévue à l'article 87 de ladite Constitution.

 

Fait à Paris, le 11 Juillet 1960

Félix Houphouët-Boigny

Michel Debré

 

ANNEXE II A l'accord de Défense entre la République de Côte d'Ivoire, la République du Dahomey, la République française et la République du Niger concernant la coopération dans le domaine des matières premières et produits stratégiques

Afin de garantir leurs intérêts mutuels en matière de Défense, les parties contractantes décident de coopérer dans le domaine des matériaux de Défense dans les conditions définies ci-après :

Article 1 : Les matières premières et produits classés stratégiques comprennent :

- Première catégorie : les hydrocarbures liquides ou gazeux ;

- Deuxième catégorie : l'uranium, le thorium, le lithium, le béryllium, leurs minerais et composés.

Cette liste pourra être modifiée d'un commun accord, compte tenu des circonstances.

Article 2 : La République française informe régulièrement la République de Côte d'Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger de la politique qu'elle est appelée à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques, compte tenu des besoins généraux de la Défense , de l'évolution des ressources et la situation du marché mondial.

Article 3 : La République de Côte d'Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger informent la République française de la politique qu'elles sont appelées à suivre en ce qui concerne les matières premières et produits stratégiques et des mesures qu'elles se proposent de prendre pour l'exécution de cette politique.

Article 4 : La République de Côte d'Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger facilitent au profit des forces armées françaises le stockage des matières premières et produits stratégiques. Lorsque les intérêts de la Défense l'exigent, elles limitent ou interdisent leur exportation à destination d'autres pays.

Article 5 : La République française est tenue informée des programmes et projets concernant l'exportation hors du territoire de la République de Côte d'Ivoire, de la République du Dahomey et de la République du Niger des matières premières et des produits stratégiques de deuxième catégorie énumérés à l'article premier.

En ce qui concerne ces mêmes matières et produits, la République de Côte d'Ivoire, la République du Dahomey et la République du Niger, pour les besoins de la Défense , réservent par priorité leur vente à la République française après satisfaction des besoins de leur consommation intérieure, et s'approvisionnent par priorité auprès d'elle.

Article 6 : Les gouvernements procèdent, sur les problèmes qui font l'objet de la présente annexe, à toutes consultations nécessaires.

 

Fait à Paris, le 24 avril 1961

Félix HOUPHOUËT-BOIGNY

Hubert MAGA

Michel DEBRE

Hamani DIORI


19/01/2011
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