ournée de la femme.«Se chercher à Mbeng»:la migration camerounaise se féminise!

Journée de la femme.«Se chercher à Mbeng»:la migration camerounaise se féminise!

Florence Tsague:Camer.be«Se chercher à Mbeng»: telle est la phrase qu´on entend chez les compatriotes à l´étranger. Aller étudier en Europe ou en Amérique est perçu comme la clé de la future carrière. Ces migrants, qu´ils soient hommes ou femmes, issus des familles nanties ou pauvres, des villes ou des villages ont quelque chose de commun: la recherche de laformation, du travail ou des nouvelles perspectives sous d´autres cieux. La fuite des cerveaux au Cameroun émane d´une part d´un système éducatif peu adapté à résoudre les problèmes locaux. Ce sontd´ailleurs les hauts fonctionnaires qui ont cessé de croire au système qu´ils gèrent etinvestissent des sommes colossalespour envoyer leurs enfants à l´étranger au lieu d´entreprendre les réformes nécessaires.On note dans ce processus de la migration une féminisation qui va crescendo au point que d´aucuns s´inquiètent sur l´avenir et l´équilibre démographiques du pays. Déjà en 2001, Jean-Tobie OKALAdans son article du 8 décembre 2001 (cameroon-info.net) pointait un doigt accusateur sur les femmes camerounaises qui quittent massivement le pays, s´installent ailleurs et retournent rarement. Selon lui, leur départ et leur absence pourraient à l´avenir avoir un impact néfaste sur la population du Cameroun.

L´émigration des femmes camerounaises prend de l´ampleur pendant les années 1990 dans le contexte de la crise économique, des changements sociaux, sans oublier l´amélioration des lois et perceptions culturelles propices à leurmobilité. Les premières migrantes constituaient-elles des épouses rejoignant leur mari à l´étranger, nombreuses sont de nos jours celles qui se déplacent vers différents pays en tant qu´étudiantes, boursières, célibataires, ingénieurs, infirmières, artistes, femmes d´affaires, ménagères, demandeuses d´asile… En outre, le déplacement des femmes qui émigrent dans le but depoursuivre les études, en quête de travail ou “se chercher” pour subvenir aux besoins de leur famille est de plus en plus accepté par la société et la famille

Les membres de familles installés à l´étranger, certains vacanciers “mbenguistes” au look des vedettes et des managers et l´accès aux NTIC jouent un rôle clé sur la naissance du projet migratoire et sur sa réalisation.Il suffit de jeter un coup d´œil sur les moniteurs d´ordinateur des cybercafés pour comprendre que loin de la recherche de l´information et de la formation, beaucoup de filles usent de ce moyen de communication non seulement pour nouerdes amitiés mais surtout pour la recherche d´un futur mari européen qu´elles appellent communément “mon vieux blanc”. La sonnette d´alarme ayant été tirée, le phénomène semble cependant persister. Ceci avec la complicité de certains parents qui à cause de la pauvreté n´hésitent pas à envoyer leur enfant se «prostituer» ou se lancer vers un avenir incertain avec un homme inconnu encore perçu à priori comme le riche ou le bienfaiteur. C´est ainsi que certaines candidates à cette filière de l´émigration ont vu leur rêve se transformer en cauchemar, une fois arrivées en Europe.En plus, l´exposition à l´industrie sexuelle, au trafic humain, à la prostitution et à la dépravation des mœurs n´est pas à minimiser. Aussi faut-il ajouter les difficultés et la situation précaire auxquelles certaines sœurs sont exposées dans le processus d´intégration.

Prenons au sérieux les conseils de cette maman qui met en garde sa fille, candidate aux études en Allemagne, de ne point prendre pour copain un étudiant en fin d´études au risque d´opter pour la solution facile: celle d´abandonner lesétudes en comptant sur l´homme. Ceci n´illustre que la difficulté de beaucoup de jeunes camerounaises qui se retrouvent confrontées à une réalité âpre en Allemagne: l´apprentissage de la langue, le choix de la filière, la difficulté de trouver le boulot pour financer les études et soutenir aussi la famille au pays, les factures etles tracasseries des services administratifs tels que le “Ausländerbehörde” (Service Émi-immigration). Cette situation crée d´ailleurs des problèmes psychosomatiques chez certaines qui n´arrivent pas à surmonter la solitude, le stress,les pressions de réussiteet celle de la famille au pays. C´est ainsi que les études risquent d´être mises en suspension, ce projet pour lequel nos familles ont fait d´énormes sacrifices.

Le système a créé d´un côtéune minorité exagérément richeet d´un autre côté une majorité pauvre qui voit en l´émigration la seule planche de salut. La pauvreté, le chômage, l´injustice sociale, la corruption, le “parrainage” au niveau du marché de l´emploi, le tribalisme ainsi que le copinage dans le système administratif sont des facteurs push qui contraignent les Camerounais à quitter leur terre natale à la recherche d´un environnement plus propice à leur épanouissement. C´est pourquoi les experts s´accordent sur le fait que la lutte contre la pauvreté est l´arme efficace pour contrôler les fluxmigratoires. Si on considère la sonnette d´alarme tirée sur un éventuel recul démographique lié à l´émigration des femmes, de reformespour leur insertion dans la formation et le marché de l´emploi restent urgentes. Les métiers tels que la coiffure, la couture, l´agriculture, la restauration et le “petit commerce”doivent être valorisés par l´État et mieux intégrés dans le système économique.Puisque de nos jours on vit là où on a son travail, lequel permet de mener une vie décente, une telle valorisation permettrait aux femmes exerçant ces métiers de mieux gagner leur vie etde mettre leur savoir-faire et potentiel au service de la société et les épargnerait d´une course vers un avenir incertain,dans “Le ventre de l´Atlantique” pour reprendre les termes de Fatou DIOME.

© Camer.be : Florence TSAGUÉ A.


08/03/2012
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