Otages français de Dabanga: Et si la France ne nous avait pas dit toute la vérité

Yaoundé, 04 Mars 2013
© Ballaton Fazegue | La Nouvelle

Une opinion se demande si réellement le gouvernement français n'avait rien à voir avec la prise des otages survenue, il y a quelques jours, à l'Extrême-Nord.

La promptitude avec laquelle les autorités françaises accréditées au Cameroun ont désigné la secte Boko Haram, comme étant à l'origine de l'enlèvement d'une grande famille de sept français, en villégiature dans la région de l'Extrême-Nord de notre pays nous a quelque peu interloqués. Peut-être aujourd’hui, les faits leur donnent-ils raison dans leurs soupçons. C'est du moins ce qui ressort de la vidéo circulant sur le net et diffusée, semble-t-il, par ces intégristes religieux. Tout de même! Nous ne discutons pas de ce fait. Plutôt, nous voudrions interroger le fondement de la certitude y relative. Bien sûr, nous dira-t-on, les représentations diplomatiques disposent de plusieurs sources d'information sans oublier que dans une interview, l'Ambassadeur Bruno Gain de France au Cameroun avait reconnu son statut d'espion. Et par extension, nous devrions en dire autant de tout membre de sa représentation diplomatique. Cela ne leur confère pour autant ni le don d'ubiquité, ni une science infuse des faits sociaux. Ils ne pouvaient donc être calfeutrés dans leurs bureaux climatisés à Yaoundé et voir opérer les malfrats. Ou du moins étaient-ils inspirés de Belzébuth pour avoir l'intuition infaillible de l'origine de l'agression comme de ses auteurs.

En vérité, plusieurs pistes de réflexion s'ouvraient à la pensée, après la nouvelle de l'enlèvement de ces touristes. Assurément, celle de Boko Haram, étant donné la proximité avec le Nigeria voisin où sévit la secte, celle d'autres extrémistes islamistes, pourquoi pas; et surtout celle des coupeurs de route, ressuscités peut-être d'une longue léthargie. Le Bir leur a donné une guerre acharnée, avons-nous appris. Cela signifie-t-il qu'il les ait exterminés? Non, pas du tout. Ils pouvaient donc s'être reconstitués pour refaire parler d'eux par une action d'éclat. Ces supputations ne remettent point en cause la vérité des faits confirmant la piste de Boko Haram quant à cette prise d'otage. Seulement, elles laissent subodorer une manigance diplomatique de haut niveau. Tenez par exemple, «l'homme-lion» n'a point encore fait de déclaration officielle sur la question. Le communiqué du Ministre des Relations extérieures s'étant borné à informer l'opinion nationale et internationale de la prise d'otages, sans autre commentaire. Sans indiquer de piste non plus. Une réserve toute empreinte de sagesse.

Tous ensemble, réfléchissons un peu. Et si la France savait et avait laissé faire. Des touristes italiens et japonais ont, semble-t-il, emprunté le même itinéraire que les chasseurs d'éléphants français. Sans anicroche. Quelle gymnastique que de devoir embarquer sur des motos, des enfants non consentants! Quelle difficulté de les y maintenir tout au long d'un voyage cahoteux! Et si la France, disions-nous, avait aidé à faire pour épouvanter le «vieux lion», lui qui rentrait de son séjour parisien auréolé d'une guirlande de gloire, au vu des succès diplomatique et économique subséquents à ses entretiens et à ses déclarations. «Mon pays, mon pays» a-t-il martelé à plusieurs reprises devant des politiques à qui la nationalité a été conférée par acquisition. «Mon pays, mon pays», devant des opérateurs économiques du Medef très concurrencés sur le terrain par l'expertise chinoise mondialement reconnue et/ou par celle éclaboussant des pays dits émergents: le Brésil, la Turquie, l'Inde... «Que le chat soit blanc ou gris, pourvu qu'il attrape la souris» a dit un grand homme politique chinois. Qu'il nous soit permis au Cameroun de nous approprier cette sagesse, au lieu du joug pesant légué par des relations séculaires mais de moins en moins efficientes au regard de notre aspiration légitime à plus d'autonomie et à un meilleur être social.

Et si la France avait voulu donner un avertissement en brandissant le spectre de la menace intégriste pour faire voler en éclat l'assurance affichée par «l'homme-lion» sur la stabilité de « (son) pays». Lui, pas trop réfractaire aux propositions indécentes. Celle par exemple d'infléchir les lois et règlements de « (son) pays» pour tolérer des nouveautés tel le mariage homosexuel. Celle également d'élargir toujours les français «déclarés», mêmes interpelés et poursuivis pour des crimes de droit commun, pour le simple fait qu'ils seraient citoyens de la grande cité. Celle surtout de livrer tous les secteurs économiques juteux aux prédateurs - pardon: aux opérateurs français. Et si la France avait voulu ébranler la sérénité recouvrée par un peuple fier de son indépendance d'esprit, en mettant à mal un secteur d'activité en plein essor. Un reportage effectué à France 24 a insisté sur le fait que depuis toujours, notre pays est épargné par les menaces déstabilisatrices perpétrées par des groupes armées. Nos ancêtres les gaulois auraient peut-être voulu bien trop généreusement nous proposer un soutien logistique militaire pour justifier une intervention légionnaire sur notre territoire. Et si, peut-être... Qui se soucie de ce dangereux «peut-être»!


Impatients

Un peu de circonspection, les amis. Les armes crépitent en République centrafricaine. Le Congo démocratique voisin a connu son matin de clameur. Le Mali est en proie au déchirement interne. Ce fut le cas il y a quelques temps en Côte d'Ivoire. A pas lents peut-être mais assurés, la reconquête du pré carré Français est en marche. L'onde de choc est devenue perceptible. Voici le temps, pour l'homme-lion, de se ceindre les reins comme un vaillant homme. Voici le temps pour nous aussi, citoyens, d'être méditatifs devant les discours; éveillés quant à la manière, soupçonneux face aux vendeurs d'illusions. Les angles d'attaque sont nombreux. Celui par exemple de l’âge avancé du Chef de l'Etat évoqué par une journaliste française. Notre constitution ne prévoit point la limitation d’âge en matière d'exercice du pouvoir. L'âge minimal requis, oui. Le reste, non. Nous avons emprunté le chemin de la démocratie. Qu'il nous soit permis de le suivre jusqu'au bout, c'est-à-dire que les donneurs-de-leçon-de-démocratie acceptent au préalable de respecter nos lois, sans bloquer le fonctionnement de nos institutions. Imaginez une compétition telle l'ascension du mont Cameroun. Avant le début de la compétition, les adversaires de Sarah Etonguè se liguent pour réclamer son élimination sur tapis vert au motif qu'elle serait trop âgée. Ce serait de la malhonnêteté. Car, dès qu'il lui est donné de compétir, elle se révèle la meilleure de toutes.

Seule la compétition doit pouvoir nous permettre de reconnaître le meilleur parmi les candidats. En termes clairs, seules les sélections doivent permettre de choisir le Camerounais le plus méritant pour présider aux destinées nationales. Les lions indomptables n'auraient certainement pas connu leur parcours élogieux de 90 si Roger Milla, le plus âgé de tous, n'avait pas pris part à la compétition. Chez nous au Cameroun, c'est au pied du mur que nous voudrions reconnaître le maçon et non dans des limitations artificieuses dont la finalité non avouée est de remplacer l'empêcheur de recoloniser en rond, par un béni oui- oui.

Leurs relais de l'intérieur prétendent que par sa démission, le Pape vient de donner une leçon de démocratie au Président Paul Biya. Ils se gaussent de sa réponse interrogative à la journaliste française: «ai-je l'air si fatigué que ça?». Non. La démarche du Pape n'emprunte pas les chemins de la démocratie. Puis le Pape n'a point évoqué la question de la longévité au trône pour justifier son départ. En démocratie seule la voie des urnes est reconnue comme mode d'alternance au pouvoir. Si tant est que le peuple l'a emprunté pour exprimer son choix, nul politologue ne peut rien y opposer, fût-il de la mère patrie. Le Pape a argué de son âge avancé, à savoir 86 ans. Précisons que même en 2018, le Président Biya n'aura pas atteint 86 ans. N'en déplaise aux impatients. Point n'est besoin de créer un amalgame de mauvais aloi pour parvenir à ses fins. Il faut respecter les principes démocratiques. Amen.



04/03/2013
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