Opération Epervier - Marafa Hamidou Yaya: Une affaire présidentielle

YAOUNDÉ - 18 Avril 2012
© Parfait N. SIKI | Repères

Gorgé d'une ambition pour Etoudi qu'il n'a réprimée sous aucun prétexte, l'ancien SG/PR traverse des moments difficiles, où ses soutiens extérieurs ne seront pas de trop.

L'arrestation de M. Marafa Hamidou Yaya, le 16 avril, et son incarcération à la prison centrale de Yaoundé marquent un vrai tournant dans le rapport de forces entre Paul Biya et certains groupes politiques et d'intérêts français. Le nouveau cap d'Etoudi s'est révélé avec la nomination, le 27 mars dernier, de M. Emmanuel Etoundi Oyono comme directeur général du Port autonome de Douala. Un come back en réalité, puisque le ci-devant directeur de la Maetur y avait déjà séjourné au même poste entre février 2005 et janvier 2008. M. Emmanuel Etoundi Oyono devait son départ à un conflit avec le groupe Bolloré à qui il avait retiré le dragage du chenal d'accès du port de Douala, faisant perdre au groupe français plus de 600 millions par mois. La mutation de ce fils du Nyong et So'o des berges du Wouri à la Maetur avait été présentée comme une victoire de Bolloré et des intérêts français au port de Douala. De même, son retour était un signe que le vent a tourné dans le sens inverse.

Quel rapport avec Marafa Hamidou Yaya? Sérieux prétendant à la succession de Paul Biya à la présidence de la République, il est présenté comme l'homme des réseaux français, de l'Elysée au CAC 40. Dénominateur commun de cette toile de soutien: être de la droite française, appartenir à la galaxie Nicolas Sarkozy. Le sort de Marafa Hamidou Yaya est peut-être inscrit dans les sondages d'opinion de l'élection présidentielle française, où le candidat du Parti socialiste, François Hollande, est donné vainqueur au second tour dans toute les enquêtes d'opinion. C'est une donnée prise en compte par Paul Biya, si l'on se base sur le lobbying mené à Paris, la capitale française, entre le conseiller spécial Narcisse Mouelle Kombi et le candidat du Parti socialiste et révélé par «Mutations» dans son édition de lundi 16 avril. De toutes les façons, on savait Paul Biya en froid avec le chef de l'Etat français depuis sa visite à Paris en octobre 2007 et la modification de la Constitution d'avril 2008 qui s'ensuivit pour lever le verrou de la limitation des mandats présidentiels. La perspective de son départ en mai prochain de l'Elysée sonne donc comme une occasion pour Paul Biya de régler quelques comptes longtemps laissés en suspens.

En raison de sa stature de présidentiable, l'incarcération de l'ancien ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale ne peut être un événement anodin, il prend même les allures d'un bras de fer qui oppose déjà les pro et anti-Marafa au sein du gouvernement et du parlement. A Garoua, où il s'était rendu en grande pompe dès sa sortie du gouvernement, les services de sécurité redoutent toujours des mouvements de protestation et ont mis des proches de Marafa Hamidou Yaya sous surveillance. La cérémonie d'installation du nouveau gouverneur de la Région du Nord a été en grande partie boycottée par les populations et n'a vu que la participation des corps constitués. De nombreux messages de sympathie sont envoyés à celui qui demeure membre du bureau politique du Rdpc, y compris par les responsables des organes de base de son parti et de l'Undp.

C'est du reste depuis la sortie du gouvernement de Marafa que les députés Hamadou Sali du Rdpc et Hamadou Adji de l'Undp sont à la manœuvre, particulièrement au cours de la dernière session parlementaire, pour préparer une réponse politique à son éviction et défendre le soldat Marafa. L'incarcération de l'ancien SG/PR, qu'il avait envisagée, qu'il redoutait et qu'il a donc préparée, n'a pas encore dévoilé toutes ses conséquences et tout son spectre de réactions. En tout état de cause, le Grand-Nord semble comme groggy, complètement sonné par l'arrestation de son poulain pour la succession. Un fils de l'Extrême-Nord s'interroge: «Nous n'avons plus rien à présenter désormais dans la perspective de la succession, est-ce le but recherché?»

Ce n'est pas la première fois que Marafa se retrouve à Kondengui. Il y avait séjourné après le coup d'Etat manqué du 6 Avril. Sa sortie de prison avait marqué le début d'une extraordinaire ascension politique, qui a atteint son asymptote avec sa sortie du gouvernement le 9 décembre 2011. Son second séjour en prison marque le début d'une longue période difficile, où ses soutiens intérieurs ne seront pas de trop, mais où toute tentative de ses amis étrangers risque de compliquer sa situation.



19/04/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres