Opération Épervier: Les manœuvres de Laurent Esso contre Fotso et Marafa - Le Juge Magnaguemabé accuse Laurent ESSO

YAOUNDÉ - 22 Aout 2012
© BORIS BERTOLT & G.A.B | Mutations

Le ministre de la Justice a ordonné le retrait de l'instruction à Pascal Magnaguemabé pour Ie Tcs, après de multiples oppositions du juge d'instruction.

Dans une note confidentielle, adressée à la présidence de la République; le magistrat Pascal Magnaguemabé dresse un rapport de toutes les démarches ayant poussé le ministre d'Etat en charge de la Justice, Laurent Esso, à le dessaisir de certains dossiers liés à l'Opération épervier. Une démarche qui laisse penser que les jours de Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso sont encore longs dans les geôles du Secrétariat d'Etat à la défense où ils séjournent depuis quelques mois.

En compulsant le dossier à authentifier, destiné au chef de l'Etat, Mutations a ainsi appris que les 12,13 et 14 juin 2012, le juge d'instruction Pascal Magnaguemabé prend part à des réunions auxquelles il est convié à la chancellerie aux côtés du secrétaire général du ministère de la Justice, du directeur de l'action publique et des grâces, du procureur général près de la Cour d'appel du Centre et du procureur de la République près du tribunal de grande instance du Mfoundi. Les réunions sont présidées par Laurent Esso, garde des sceaux. Au cours de ces assises, il est «instruit» au juge d'instruction Pascal Magnaguemabé de ne pas, dans son ordonnance renvoyant Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya devant le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière criminelle et en phase de rédaction (à ce moment), «rentrer dans des charges qui pèsent sur Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya». Le juge d'instruction s'y oppose dans un premier temps, estimant qu'il fallait mettre beaucoup plus d'éléments à la disposition de l'accusation. Mais Laurent Esso maintient ses «instructions».

Le juge d'instruction s'exécute et remet une ordonnance allégée le 22 juin à Laurent Esso. Le 25 du même mois, le ministre de la Justice, par l'entremise du président du Tribunal de grande instance du Mfoundi, Gilbert Schlick remet au juge d'instruction une mouture de l'ordonnance de renvoi uniquement pour recueillir sa signature. Mais dans cette ordonnance, Pascal Magnaguemabé ne se reconnait pas pour «40% de la décision à lui remise» il s'oppose à nouveau, «mais appose sa signature tout de même sur ce document censé émaner de lui (hiérarchie oblige)».

Les turpitudes du juge d'instruction ne s'arrêteront pas là. Le 26 juillet 2012, il est invité au bureau du président du Tgi, Gilbert Schlick. Ce dernier lui donne lecture d'une dépêche du président de la Cour d'appel du Centre, Emmanuel Arroye Betou, datée du même jour. Dans cette correspondance, il est demandé à Schlick «d'instruire» le juge d'instruction de «transmettre à l'instant et en l'état» au président du Tribunal criminel spécial les dossiers de procédure des affaires «Albatros» et «Apm», concernant Jean Marie Atangana Mebara, Inoni Ephraïm, Jérôme Mendouga et autres. Nouvelle opposition.


Bordereau

Pascal Magnaguemabé rencontre à cet effet le président du Tribunal de grande instance du Mfoundi et lui fait part de ce que les développements de l'affaire dans son cabinet d'instruction se déroulaient comme s'il lui était reproché quelque chose jusqu'ici. Gilbert Schlick explique à son collègue qu'il est d'autant plus surpris notamment sur cette instruction de transmettre immédiatement lesdits dossiers au président du Tribunal criminel spécial en ce qu'il avait déjà rendu compte à la hiérarchie que ces dossiers n'avaient aucun problème et étaient au terme de l'information judiciaire. Schlick a ajouté qu'il ne comprenait pas que l'on demande de transmettre lesdits dossiers tout de suite, alors qu'il a été laissé jusqu'au 16 octobre 2012 aux juges d'instruction du Tribunal de grande instance de régler les affaires relevant de la compétence du Tribunal criminel spécial (Tcs).

Après Gilbert Schlick, le célèbre juge d'instruction s'en va rencontrer le procureur général près la Cour d'appel du Centre qui lui suggère de voir directement Laurent Esso pour lui proposer l'idée à lui soumise de laisser clôturer les procédures en cours. L'avantage étant leur règlement dans un court délai et le Tcs recevant alors un dossier bien ficelé et plus facile à juger. La rencontre à lieu le 23 juillet vers 17h. Le garde des sceaux donne son accord. Pascal Magnaguémabé rentre tranquillement poursuivre son instruction.

Le mercredi 25 juillet, coup de théâtre. Il reçoit un vice-président de la Cour d'appel du centre dépêché par le président de la dite Cour. Ce vice-président informe le magistrat instructeur qu'il a été chargé de venir s'enquérir sur les raisons pour lesquelles il n'a pas transmis les dossiers en question. Pascal Magnaguemabé répond qu'il a reçu autorisation de Laurent Esso de poursuivre l'instruction. Le lendemain, il se rend chez le président de la Cour d'appel du Centre qui lui répond que les instructions restaient intactes.

Le 27 juillet 2012, face à la résistance du juge d'instruction, finalement le plus célèbre de la République, le président de la Cour d'appel du Centre dépêche au cabinet de Pascal Magnaguemabé un autre de ses vice-présidents assisté d'un greffier de ladite cour. La mission de ceux-ci était de convoyer le dossier en question du cabinet du juge d'instruction au secrétariat du président de la Cour d'appel du Centre sous bordereau adressé au président du Tcs, sous couvert du président de la Cour d'appel du Centre.

Le dossier des affaires dites «BBJ-2», avion neuf présidentiel, «Albatros», «Apm» concernant Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Jean Marie Atangana Mebara, Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, Inoni Ephraïm et autres a été déposé au secrétariat du président de la Cour d'appel du Centre le jeudi 26 juillet 2012, vers 23 heures sous bordereau adressé au président du Tcs et daté du même jour. Les jours s'annoncent encore plus pénibles pour ces anciens hauts commis de la République.


Farce à la loi

Les contorsions politico-judiciaires décrites dans le texte ci-dessus viennent définitivement ruiner le peu de crédit qu'on pouvait encore accorder à l'opération Epervier. En effet, tout porte à penser, qu'animée d'intentions saines à son lancement, cette campagne dite d'assainissement de la morale publique a progressivement sombré dans les miasmes des règlements de comptes politiques. Inutile d'ergoter sur l'identité de celui qui tient l'agenda de cette opération, car pour une si grande horloge, il faut nécessairement un horloger.

Mais comment comprendre que dans un pays où la justice est proclamée «indépendante», les procédures, fussent-elles en rapport avec un dossier lié à l'achat d'un avion présidentiel, puissent être charançonnées par autant d'Intrusions de la chancellerie, tenue, faut-il le rappeler, par un magistrat hors échelle depuis le 9 décembre 201? Faut-il désormais croire à la castration de la justice camerounaise dans cette lutte contre les atteintes à la fortune publique, à laquelle le peuple a, dans un premier temps, adhéré, avant de se rendre compte, dans un sursaut de lucidité, qu'il s'agit plus d'un exutoire que le pouvoir lui sert, pour le détourner de ses problèmes existentiels, que d'une véritable opération mains propres.

Cela dit, à lire les lignes ci-dessus, le suspense à la Hitchcock qu'on accole au verdict du procès Marafa/Fotso tend à être une perte de temps. Manifestement, et en convoquant notre bon vieux sens paysan, l'on arrive à la conclusion que l'épervier ne happe jamais sa proie pour la remettre en liberté. Si par extraordinaire, sa proie vient, après moult efforts, à s'échapper de ses griffes, elle s'en tire avec des égratignures de nature à mettre ses jours en danger. Le pêché originel de cette opération tient donc à son nom de baptême. Dans les faits, l'on voit bien qu'il s'agit de procès kafkaïens. Des procès qui n'en mènent pas large sur les intérêts de la collectivité: le rapatriement des fonds détournés et le découragement des mauvaises pratiques en matière de gestion des deniers publics. Au lieu de quoi, l'on assiste aujourd'hui à des «exécutions politiques» où la justice endosse, à son corps défendant, le rôle de bourreau.


01/09/2012
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