Opération Epervier L’avocat français d’Olanguena Awono parle : Me Richard Sedillot, « Je repars inquiet »

Cameroun - Opération Epervier L’avocat français d’Olanguena Awono parle : Me Richard Sedillot, « Je repars inquiet »Inscrit au barreau de Rouen, l’avocat français d’Olanguena Awono, spécialiste du droit pénal et international, a plaidé hier dans la deuxième affaire de l’ex-ministre de la Santé. Il parle des accusations contre son client et des « faux » comptes.

C’est votre troisième séjour au Cameroun dans le cadre de l’affaire Olanguena Awono. Comment devenez-vous son conseil ?
Ça fait 15 ans que je plaide les dossiers en Afrique (au Burundi, au Rwanda, au Bénin, au Mali, en Rdc, en Mauritanie). J’ai une assez bonne connaissance de l’Afrique. J’ai donc été saisi par les proches d’Olanguena Awono. Et tout de suite, j’ai pris des renseignements auprès des institutions internationales, notamment l’Onusida et la Banque mondiale. J’ai rarement entendu des propos aussi élogieux que ceux qui ont été tenus pour Olanguena Awono par les responsables de ces organismes. Alors, je me suis dit, si l’Afrique met les gens d’une telle honnêteté et d’une telle compétence en prison, elle va mourir à petit feu. Je pense profondément que l’Afrique a besoin des gens comme ce monsieur. D’après ce qui m’est revenu des dirigeants de ces organismes internationaux, Olanguena Awono a mis sur pied des projets sanitaires qu’aucun n’avait mis en oeuvre avant lui. Autant de choses qui m’ont motivé à le défendre. Ce que je fais depuis trois ans.

Cinq ans après l’ouverture de son procès, votre client a été condamné à 15 ans de prison par le Tcs. Que pensez-vous de cette condamnation ?
C’est une condamnation incompréhensible puisque les charges avaient été annulées par la Cour suprême. C’est une aberration juridique. Une juridiction d’exception ne peut pas prendre une décision contraire rendue par la plus haute juridiction du pays. On ne crée pas une juridiction spéciale pour rendre une décision différente des juridictions de droits communs. Ou encore, quand la justice commet une erreur, on ne crée pas une autre pour la corriger. On n’a jamais vu ça. Sauf lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ou de génocide. Ce qu’on ne reproche pas à Olanguena Awono.

Dans la deuxième affaire Olanguena, vous êtes particulièrement chargé de la question du financement du livre « Le Sida en terre d’Afrique ». Qu’en dites-vous ?
La façon dont le livre a été publié et acquis est parfaitement régulière. Il n’y a rien eu d’exceptionnel. Si j’écris un livre sur le code pénal et que le doyen de la faculté décide d’acheter 100 exemplaires pour les étudiants, est-ce que j’ai commis un détournement de deniers publics ? Non. Où est la fraude, la rétention ou la détention quand l’Etat ou une personne publique achète régulièrement des ouvrages qui répondent à l’objet de sa mission ? Quand le Comité national de lutte contre le Sida achète un ouvrage de bonne qualité utile pour la prévention contre le Sida, ça rentre bien dans son objet. Maintenant, si le ministre c’était fait payer des vacances avec sa famille dans un hôtel parisien, à ce moment on pourrait parler d’un détournement de deniers publics. La maison d’édition Privat a signé un contrat d’auteur avec Olanguena avant de percevoir une somme quelconque correspondant à l’acquisition de 300 ouvrages.

Par ailleurs, dans le contrat d’auteur, il est clairement indiqué à deux reprises que l’éditeur (Privat) assume entièrement les aspects financiers de l’édition à ses seuls risques et périls. Donc ce sont deux contrats (contrat d’auteur et contrat d’acquisition) complètement indépendants. Olanguena Awono n’a jamais intervenu dans la négociation, la conclusion ou l’exécution du contrat d’acquisition. Il a refusé la moindre subvention et même s’il l’acceptait, cela aurait été parfaitement régulier. Que l’accusation nous dise donc ce qui constitue le détournement de deniers publics ?

Votre client a été cité par la presse locale et des rapports qui circulent comme détenteur  d’une dizaine de comptes dans des by Savings Wave">banques étrangères ? Qu’en savez-vous ?
Je dois d’abord dire qu’il n’y a jamais eu de commission rogatoire à cet effet. Tous ces comptes cités sont faux. Soit les banques n’existent pas, soit les adresses n’existent pas, soit ce sont des comptes sous couvert, ce qui n’existe pas en France. Ce sont des accusations complètement fantaisistes.

La justice camerounaise vous semble-t-elle assez indépendante pour statuer sur ce dossier ?
Il est évident que la crédibilité de la justice camerounaise se joue à l’issue de ce procès. On va voir si les juges sont d’une grande indépendance, ce que je souhaite très sincèrement. Je repars toutefois inquiet.

© Le Jour : Propos recueillis par Eitel Elessa Mbassi


16/07/2013
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