Operation Epervier: Ces cas qui embarrassent le président

Operation Epervier: Ces cas qui embarrassent le président

 

 

YAOUNDE - 15 MARS 2010
Jean Calvin Avono, Michel Tafou et Labar | La Météo

 

 

La vaste opération judiciaire initiée contre les prévaricateurs des caisses de l'Etat offre des rebondissements dignes d'un polar hollywoodien.

Les derniers développements de cette campagne d'assainissement baptisée « opération épervier », laissent aujourd'hui pantois plus d'une personne. Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Nathanaël Edouard Etondè Ekoto et Urbain Olanguena Awono ne disposent d'aucun compte en Occident, ni de biens immobiliers à l'étranger. Qui l'eût cru ? Pourtant, c'est le résultat de deux années d'investigations financières internationales menées par le célèbre avocat français Jacques Vergès. Avec cette autre chape de plomb, l'Opération épervier prend à nouveau un coup et provoquerait même l'ire du président de la République, un homme réputé impassible aux grandes frayeurs.

Et comme il fallait s'y attendre, des questions fusent de partout. Chacun y allant de son analyse et de son commentaire. L'opération épervier est retournée dans tous les sens. Le choix des proies, son timing et ses méthodes font l'objet de nombreuses critiques. Des incompréhensions sont relevées ici et là. Incompréhensions résultant de la complexité même de ladite opération. Car, l'opinion nationale se butte face à un mur de silence qui ne lui permet pas toujours de comprendre comment fonctionne cette campagne de lutte anti-corruption. Qui dirige réellement l'Opération épervier ? Qui décide des arrestations ? Qui fait à qui des propositions des personnes à arrêter ? Quel est le rôle des uns et des autres dans cet exercice ? L'on pourrait même un instant se demander si on n'a pas induit quelque part le chef de l'Etat en erreur en l'opposant à certains de ses vrais fidèles.

Des sources proches de la gestion de l'opération épervier indiquent que bien de dossiers tronqués auraient été portés à la connaissance du chef de l'Etat. Paul Biya, prenant en ce moment connaissance de quelques vérités, aurait demandé à ses proches collaborateurs de voir dans quelles conditions certaines personnes pouvaient être libérées. Seulement sur le plan politique, une telle initiative serait de nature à mettre en péril le bien fondé de l'opération épervier.

Pourtant, dans le principe, la traque des délinquants économiques initiée par le chef de l'Etat est une mesure opportune visant à assainir la gestion des finances publiques. Mais dans la pratique, les personnes qui accompagnent Paul Biya dans cette noble mission donnent l'impression que c'est une opération non seulement mal préparée, mais lancée sur des bases parfois erronées, au point qu'on assimile désormais l'opération épervier à un conglomérat de règlements de comptes. Des spéculations de plus en plus persistantes vont dans le sens d'une manipulation à des fins inavouées par différents acteurs. Les instances chargées de mener la lutte anti-corruption ne s'accordent pas les violons. Chacun utilise la parcelle de pouvoir à lui accordée par le chef de l'Etat pour tirer les ficelles pour son propre compte. Au final, les arrestations et les procès n'obéiraient plus à quelque logique.


ILLUSTRATIONS.

L'affaire fait toujours des vagues dans l'establishment. Selon le confrère « La nouvelle expression », Emmanuel Edou, délégué général à la sûreté nationale, aurait pris par devers lui la lourde responsabilité de signer une interdiction de sortie du territoire national à trois hautes personnalités. Sans en informer les autres responsables. Une initiative qui aurait créé un véritable tôlé au sein du sérail. Amadou Ali, le vice-Premier ministre, ministre de la Justice Garde des sceaux, très embarrassé par la tournure que peut prendre cette affaire, du fait de ses relations jugées pas du tout cordiales avec le MINATD, aurait demandé à son collègue de la Police de lever cette interdiction. Le ministre d'Etat secrétaire général à la présidence, Laurent Esso, lui non plus n'aurait pas manqué de manifester son étonnement.

Le président de la République, informé de l'affaire par le directeur du Cabinet civil, lui-même saisi par le délégué général à la Sûreté nationale, paniqué par les réactions venant à gauche et à droite, aurait vertement tancé Emmanuel Edou et Amadou Ali. Et, l'interdiction de sortie de ces trois barrons sera levée quelques jours après.

Mais, aux dernières nouvelles, instruction ferme aurait été donnée aux différentes unités de police de veiller à ce que Yves Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya et Thomas Ephraïm Inoni ne sortent du territoire national sans autorisation express du président de la République. Ils doivent être à la disposition du juge d'instruction, Pascal Magriaguémabé dans le cadre des enquêtes liées à l'affaire Albatros. Jeudi 08 Janvier 2009, l'ancien administrateur provisoire de l'ex Camair, Paul Ngamo Hamani, défère à une convocation du sous-directeur des enquêtes économiques de la police judiciaire. On lui annonce que les éléments de son déferrement sont prêts et il doit être traduit devant le procureur à Douala, ville dont les tribunaux sont compétents pour l'affaire Camair. Autour de 18 heures, accompagné d'une demi-dizaine de policiers, il arrive au bâtiment qui héberge les services du procureur général (Pg) près la Cour d'appel du littoral. Mais le suspect ne sera pas entendu par le Pg. Bien plus, ce dernier soutient que les éléments ne sont pas suffisants pour traduire l'homme devant un juge. Toujours sous escorte policière, l'ex AP de la Camair rentre à Yaoundé le même soir. A l'entrée de la ville, il s'entendra dire de ses gardes policiers que la hiérarchie a donné l'ordre qu'il soit gardé à vue. C'est vers 23h45 que le bon de garde à vue est signé. Deux jours après, il est relaxé par le procureur de la République de Yaoundé. Conclusion: la police arrête n'importe comment, la Justice relaxe.


CABALE

Comme un fratricide entre pontes d'un même régime, les arrestations opérées dans le cadre de l'opération épervier prennent parfois des allures d'une vendetta. Paul Ngamo Hamani, après plusieurs va-et-vient entre Douala et Yaoundé, sera finalement placé en détention préventive à la prison centrale de New-Bell à Douala en mars de la même année. Il est inculpé pour le détournement d'une somme astronomique de près de 127 milliards FCFA, Excusez du peu. Dans cette affaire toujours en instruction, les inspecteurs du Contrôle supérieur de l'Etat (CONSUPE) se contredisent à tous les coups. Mais tout se passe comme s'il fallait à tout pris le maintenir derrière les barreaux.

Autre curiosité: Paulin Abono Moampamb est arrêté le 13 mars 2007 au petit matin et est conduit à la direction de la police judiciaire où il passera plusieurs nuits, sans bon de garde à vue. Le procureur Ntamarck qui a pourtant procédé à l'arrestation s'étant rétracté, le délégué général à la sûreté nationale de l'époque, Edgar Alain Mebe Ngo'o va aussi se retirer de l'affaire puisque n'ayant pas reçu le blanc-seing de la présidence afin de procéder à la mise aux arrêts de l'ancien secrétaire d'Etat aux travaux publics. Conduit par la suite à Yokadouma, il va passer d'autres nuits sur les bancs de la véranda du palais de justice de la Boumba et Ngoko, le procureur refusant de signer le mandat de dépôt.

Last but not least, Gervais Mendo Ze et Jean Baptiste Nguini Effa sont passés devant le contrôle supérieur de l'Etat et mis en débet à la même période ou presque. Pour des raisons non encore élucidées, l'ancien patron de la SCDP sera arrêté quelques temps après alors que le « Mariologue » court toujours. Pourtant, les sommes imputées à l'ancien président de I'ARAM (Association des Ressortissant de l'Arrondissement de Meyomessala) sont trois fois supérieures à celles réclamées à J.B Nguini Effa. Ainsi va l'opération épervier.



EMMANUEL GERARD ONDO NDONG
Des milliards de FCFA détournés, et ses comptes sont vides

L'ancien directeur du Fonds spécial d'équipements et d'intervention intercommunal du Cameroun (FEICOM) ne dispose pas de comptes bancaires bien fourni en Occident, ni de biens immobiliers à l'étranger. Telles sont en filigrane, les conclusions de l'enquête menée par l'impressionnant avocat français Jacques Vergès dont on connait la perspicacité dans ce genre d'affaires. Car, l'on se souvient que, le 27 juin 2007, le parquet avait requis 75 ans de prison ferme contre l'ex-directeur général. Le jour suivant, le tribunal de grande instance de Yaoundé prononçait une peine de 50 ans de prison ferme pour l'ancien Dg du FEICOM. Cette peine est accompagnée de la confiscation des biens et déchéance des droits civiques pendant 10 ans. Le juge Noah alloue au FEICOM des dommages et intérêts de 1,3 milliards FCFA auxquels il faut ajouter 13 milliards de préjudice, soit un total de 14,3 milliards FCFA à payer par le patriarche d'Essandjick. Quant aux quatorze coaccusés, leurs peines vont de 10 à 48 ans de prison ferme. Les motifs sont: détournements, coaction de détournement, de faux et usage de faux en écriture publique, de coaction de faux et usage de faux en écriture publique. Le total de l'argent ainsi détourné est évalué à près de 13,5 milliards de FCFA dont 11 milliards pour Ondo Ndong.

Le procès va prendre une autre tournure en appel. Dans l'affaire ministère public et FEICOM contre l'ex DG Emmanuel Gérard Ondo Ndong, la Cour d'appel va rendre son verdict mercredi 16 avril 2008 aux alentours de 22h20. Contrairement au premier jugement rendu en instance, le chef traditionnel de 2ème degré du canton Ntoumou Est qui avait reçu la peine d'emprisonnement de 50 ans ferme a vu celle-ci réduite par la collégialité présidée par Mme Mangué. Il écope à la Cour d'appel du centre de la peine d'emprisonnement de 20 ans de prison. Ses co-accusés ont des peines qui oscillent entre 20 et 10 ans pour la plupart. Notamment Kooh Berthe, Zeh Zeh Justin, Monebang Eto Alain, Ndoma Assoumou Bonaventure et Angue Léonie (20 ans) Bessala Nsana, Nguema Ondoo, Mbela Moïse (15 ans de prison fermes), et le reste, dont Ketchami Charles, Bityé bi Ebanga, Mibé Célestin, Aaron Kaldjob, Edjang Marie Carine, Ngo Bayanag Laurentine, Omballa Noviava, Abessolo Eyi, Ndoukan, Etoga Marie Gabrielle, Peh VI Daniel Gauthier, Edmond Medjo, Ndjomo Nomo Wenceslas, Olinga Mvogo, Ze Abel, Elessa Soppo (10 ans). Autre fait nouveau, contrairement à la somme de 13,5 milliards qui devait être payée solidairement par Ondo Ndong et ses coaccusés au premier jugement, en appel, cette somme passa à 26 milliards de FCFA. Une dizaine de personnes, déclarées non-coupables en instance, ont été reconnues coupables de coaction et complicité de détournement de deniers publics. Parmi ceux-ci, on dénombre Edjang Marie Carine, Ngo Bayanag, Etoga Marie-Gabrielle, etc. En outre, une partie des biens d'Ondo Ndong lui est remise, parce que selon la présidente de la Cour d'appel, ceux-ci étaient antérieurs aux détournements. La plupart des avocats rencontrés à la sortie d'audience ont annoncé se pourvoir en cassation. Placé sous mandat de dépôt depuis le 21 février 2006, Emmanuel Gérard Ondo Ndong attend de pied ferme l'ordonnance de la Cour suprême. Et certainement, avec le récent rapport de Me Verges, il faut s'attendre à un autre rebondissement.

JEAN BAPTISTE NGUINI EFFA
L'affaire attend toujours d'être enrôlée

Vendredi 26 février 2010, Jean Baptiste de la Salle Nguini Effa, ancien directeur général de la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), est présenté devant le juge d'instruction Djoumkam Prospère, afin de voir son mandat de détention provisoire renouvelé. Ce conformément au code de procédure pénale qui prévoit des mandats de détention provisoire de six mois renouvelables une seule fois. Placé sous mandat de dépôt depuis le 25 août 2009, le président fondateur de Renaissance FC de Ngoumou attend depuis toujours de comparaître devant le juge répressif près le Tribunal de grande instance de Douala. Car, jusqu'aujourd'hui, l'affaire n'est pas encore inscrite au rôle. La phase d'instruction éprouve beaucoup de difficultés à boucler un dossier dont aucune plainte n'existe curieusement encore contre J.B Nguini Effa et consorts. Des milieux proches de la Justice indiquent que les 25 fautes de gestions dont le mari de l'Hon. Marie Rose avait été reconnu coupable par le Conseil de discipline budgétaire et financière (CDBF) du Consupe sont insuffisantes pour l'inculper. Car, tout de suite après le verdict rendu le 04 mars 2009 par le CDBF, Jean Baptiste Nguni Effa avait apporté des justificatifs convaincants et dégager sa responsabilité dans plusieurs affaires. Bien plus, il ressort davantage qu'il aurait agi selon les méthodes managériales en vigueur. Ce qui oblige peut-être ceux qui tiennent absolument à le voir derrière les barreaux à aller fouiner ailleurs. Et désormais, il s'agit de trouver de nouveaux chefs d'accusation plus solides. Toutes choses que ne parviennent pas a réaliser les instructeurs de cette affaire.

En effet, le 04 mars 2009, le conseil de discipline budgétaire et financière s'était réuni sous la présidence de Siegfried David Etame Massoma, ministre délégué à la présidence de la République, chargé du contrôle supérieur de l'Etat, à l'effet de statuer sur les affaires mettant en cause messieurs Nguini Effa Jean Baptiste de la Salle, Mackongo Jean Gueye et Onana Adzi Jean, alors respectivement directeur général, ex directeur financier et comptable et directeur administratif et financier de la société Camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP). L'ancien Dg avait été le principal épinglé. Il avait été reconnu coupable de 25 fautes de gestion, et constitué débiteur envers de la SCDP de la somme de 955.083.664 FCFA. Une amande spéciale de deux millions de FCFA lui avait également été infligée. A propos des fautes de gestion, sur le plan administratif par exemple, le Conseil avait visiblement relevé à tort, « Une absence de diligence en vue de l'adoption par la société d'un statut du personnel et d'un manuel de procédures intégrant tous les aspects de gestion de la société et le dépassement sans autorisation des crédits votés par le Conseil d'administration ». Côté financier, le chapelet de griefs pour le moins incongru, était immense. Il y avait entré autres, « l'attribution de certains marchés et la signature de certains contrats sans appel à la concurrence, l'engagement de certaines dépenses par Simples bons de commande au lieu de la, procédure de lettre commande, le payement en espèce de certains fournisseurs au lieu de la procédure de virements bancaires dans le cadre de certaines opérations du Projet Nsam, en violation du Code des marchés publics. Le défaut de retenue systématique dans les salaires des avances de solde accordées aux personnels ; le non respect des procédures d'apprivoisement de la caisse de la société ». Tous manquements apparents auxquels l'universitaire a apporté des éclairages irréfutables. À preuve, jusqu'au moment de son limogeage, les produits pétroliers étaient toujours merveilleusement stockés et distribués sur l'ensemble du territoire national, le Projet Nsam avançait pour prendre fin dans les mois qui suivaient, le personnel et les fournisseurs payés normalement.

Le Consupe avait également de manière injuste ajouté « l'octroi de sursalaires sans base légale et sur des considérations subjectives pour des montants faramineux, les différentes négligences au niveau du contentieux et des recouvrements des recettes, l'engagement des dépenses sans pièces justificatives, l'utilisation des fonds de la société à des fins personnelles ». Des accusations balayées aujourd'hui d'un revers de la main, ce d'autant que l'ancien dg avait déjà commencé à démonter preuves à l'appui, tout ce qu'on lui reprochait. A se demander pourquoi à tout le moins, Jean Baptiste Nguini Effa et ses coaccusés (Onana Adzi, Toko Dikongué, Etoundi Thierry, Bogne Ondoua Kisito, Madame Mpako), ne comparaissent-ils pas libres ? Un prof d'université de haut vol gardé, quel gâchis !



URBAIN OLANGUENA AWONO
De 14 milliards à 700 millions de fracs Cfa

C'est une arrestation spectaculaire que les Camerounais ont vécu le 31 mars 2008, retransmise en mondovision par les médias nationaux. Très tôt dans la matinée, Urbain Olanguéna Awono, ministre de la Santé de 2001 à 2007, est interpellé à son domicile au quartier Emana. L'opération conduite par le Groupement spécial d'opérations (GSO) de la police se déroule sans usage des armes. L'homme se montre d'ailleurs très disponible. Les films de son arrestation, de son transfert à la police judiciaire ainsi que de sa détention à la prison centrale de Nkondengui sont servis aux Camerounais en grandeur nature. Cette médiatisation atteint le paroxysme de l'humiliation, lorsque les caméras de la télévision nationale vont filmer et diffuser la couchette de l'ancien ministre dans les cellules de la Direction de la police judicaire (DPJ).


Selon l'acte d'accusation, Urbain Olanguéna Awono et 14 (quatorze) de ses anciens collaborateurs sont poursuivis pour détournement de deniers publics, tentative de détournement de deniers publics et complicité de détournement de deniers publics. L'affaire est très peu portée sur l'exécution du budget du département ministériel qu'il dirigeait, mais plutôt sur la gestion des fonds alloués à la lutte contre le sida, le paludisme et même la tuberculose. Le montant des sommes détournées s'élève à 14,8 milliards FCFA dès l'ouverture de l'information judiciaire. Le 1er octobre2009, en rendant son ordonnance de clôture de l'information judicaire, le juge d'instruction, David Donhou abandonnera les poursuites contre 07 des 14 accusés. Les sommes détournées s'élèvent désormais à 700 millions de francs Cfa dont 414 sont imputés à Urbain Olanguéna Awona. Premier coup de tonnerre. Le second va tonner quelques jours après cette ordonnance lorsque de façon inattendue, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme va apporter son soutien à l'ex-ministre. A travers un communiqué signé Michel Kazatchkine, son directeur exécutif, l'organisation déclare :

« A sa connaissance, l'enquête des autorités camerounaises portant sur l'utilisation de l'argent du Fonds mondial ne se justifie pas. Le budget, les programmes et les rapports sur les subventions du Fonds mondial au Cameroun indiquent que l'argent a été géré de manière appropriée et, à ce jour, le fonds mondial n'a vu aucune preuve suggérant que ses fonds ont été mal utilisés ». Mais l'Etat du Cameroun va poursuivre l'instruction judicaire. Et, des sources concordantes indiquent que la Justice camerounaise a beaucoup du mal à clouer Olanguéna au pilori. Toutes choses qui justifieraient les événements du 17 février dernier. Ce jour là, c'est un Olanguéna jovial, une pile de dossiers sous le bras, visiblement prêt à démolir tous les chefs d'accusation, qui s'est présenté au tribunal en compagnie de sa défense constituée de 14 avocats. Mais au final, la cause sera renvoyée au 17 mars pour non communication réciproque des listes des témoins. Une formalité que ne s'est pas empressé d'accomplir le représentant du ministère public alors que tous les avocats de la défense déclarent avoir communiqué leurs listes de témoins à la partie civile et au Parquet. Pour la petite histoire, la communication des listes doit se faire 05 jours avant. Et, l'affaire Forjindam devrait servir de jurisprudence à ce sujet car, l'un des avocats de l'ancien directeur du chantier naval n'avait présenté sa liste et le juge n'en avait pas tenu compte. Alors question. Qui veut faire trainer le procès et pourquoi ?

PAULIN ABONO MOAMPAMB
L'ordonnance de la cour suprême toujours attendue

C'est depuis octobre 2008 que l'affaire ministère public contre Paulin Abono Moampamb, ancien secrétaire d'Etat aux travaux publics et ancien maire de Yokadouma, est bloquée. La Cour suprême qui avait été saisie des exceptions soulevées par les conseils de l'accusé ne s'est pas encore prononcée. Alors qu'elle n'avait que 15 jours pour le faire. Et depuis lors, le mis en cause n'est plus jamais passé devant la barre, détenu abusivement à la prison centrale de Yokadouma en attendant d'être jugé le jour où la justice camerounaise pensera encore à lui. A titre de rappel, quelque temps après sa nomination au poste de secrétaire d'Etat aux Travaux publics, un rapport fleuve est adressé à l'Agence nationale d'investigation financière (ANIF), avec ampliation à l'Administration territoriale, au Contrôle supérieur de l'Etat et à la direction du Budget du ministère des Finances. N'kantio Léon, ex conseiller municipal, et actuel maire de Yokadouma, et, Bene Okene, ancien secrétaire général de la commune du même nom, avaient écrit pour dénoncer ce qu'ils appelaient alors « détournements des redevances forestières de la commune de Yokadouma pour un montant de 545.221.144 FCFA et d'un excédent budgétaire pour un montant de 200 millions de FCFA ». Suite à cette plainte, des missions de contrôle diligentées par les instances en charge du contrôle des finances publiques vont se succéder à la mairie de Yokadouma. Il s'agit entre autres de l'ANIF, de la Direction générale du budget, des services de contrôle des communes du MINATD, et du Contrôle supérieur de l'Etat. Tout en émettant des réserves, les rapports de ces différentes missions d'enquête indiquent que les accusations portées sont sans fondements. L'ANIF va néanmoins déposer une plainte au parquet du Mfoundi. Un premier audit financier sera ainsi commandé par la justice. Il est exécuté par l'expert financier Kamga Tchwaket Ignace, enseignant l'université et agréé par la Cour d'appel du Centre. Ledit audit conclura formellement à la négation de toutes les dénonciations contenues dans la plainte. Mais curieusement, un autre audit sera commis, cette fois par Tonye Paul Emmanuel et Dissak Delon Georges Gottfried, respectivement inspecteur d'Etat et expert financier, tous appelés en rescousse par le ministère public. Le rapport de cette dernière enquête fait état d'un détournement de plus d'un milliard de FCFA. S'étant déroulé en son absence, Paulin Abono Moampamb va exiger le respect du débat contradictoire dans cette affaire, à travers plusieurs correspondances adressées à l'expert financier avec copie au ministre de la Justice, au Procureur général, au Procureur de la République et à la Dpj. Une requête que va ignorer la justice. C'est donc sur la base de ce rapport que le ministère public poursuit l'ancien maire de Yokadouma. Lors de l'audience du 13 octobre 2008, le conseil de Paulin Abono Moampamb va tout simplement soulever l'exception préjudicielle de mise en débet préalable des comptables publics avant tout jugement devant le juge répressif. La défense fait également remarquer l'absence de la partie civile au procès. Des incongruités qui ont poussé le défendeur à se pourvoir en cassation contre l'arrêt avant dire droit rendu par la Cour d'Appel de Bertoua. Pour le conseil de l'accusé, le Tgi de Yokadouma doit se déclarer incompétent en la matière ou surseoir à statuer en attendant que la chambre des comptes se prononce sur le débet (élément matériel de l'infraction). Seule la chambre des comptes doit préalablement établir l'existence et le montant du déficit né de la malversation financière reprochée aux comptables publics. Et depuis là, la décision de la Cour suprême est toujours attendue.



EDOUARD ETONDE EKOTTO
Une retraite pas du tout paisible

Aujourd'hui âgé de 72 ans, diplômé de Saint Cyr, de Saumur et de l'Ecole de guerre de Paris, le colonel Edouard Nathanaël Etondè Ekotto passe sa retraite entre l'hôpital, la prison centrale de New Bell (Douala) et la Cour d'appel du Littoral. Il avait été condamné à 15 ans d'emprisonnement ferme en appel le 11 juin 2009 au lieu des 10 ans requis en instance, dans l'affaire qui l'oppose au ministère public et au Port autonome de Douala (PAD) où il était président du conseil d'administration. Il lui est reproché le détournement d'une somme de 900 millions de francs Cfa répartis ainsi qu'il suit, 500 millions de francs Cfa dans le cadre de l'affaire Aiti (au cours des débats, il a été révélé que cet argent aurait été touché par El Hadj Tanko Ahmadou) et 400 millions de francs Cfa distribués aux administrateurs du PAD, le colonel ayant perçu 20 millions de francs Cfa. Le colonel retraité fait l'objet d'autres poursuites judicaires, celles venant de la Communauté urbaine de Douala (CUD) où il était également délégué du gouvernement. Dans sa livraison du 1 er Août 2008, la Commission des marchés financiers (Cmf), l'organisme du marché boursier, reconnaissait l'ancien délégué du gouvernement auprès du CUD coupable de « complicité dans l'attribution d'un mandat de prestataire de services d'investissements à des personnes non agréées et non habilitées, de détournement de l'objet de l'emprunt et fausse déclaration sur l'objet dudit emprunt, ainsi que sur la souscription et le versement du capital social de CUD Finance ». En effet, dans le cadre de cette affaire, Edouard Etondè Ekotto, Lamine Mbassa Jacques Manyinga et Jean Djem sont sous mandat de dépôt à la prison de New Bell et poursuivis pour détournement de 5 milliards FCFA. Pour les avocats de la défense, « le tribunal est incompétent pour examiner cette affaire ». Pour eux en effet, l'administration a confié aux accusés, une mission de service public alors que ces derniers relèvent du droit privé. Et la CUD qui a reçu la décision depuis 2008 ne l'a pas contestée. « Cette affaire est du ressort de la juridiction administrative et le Tgi ne peut intervenir pour une affaire administrative. Nous allons poursuivre l'Etat parce que notre client est en prison pour rien » a soutenu Me Ndima, l'un des avocats de la défense. Un autre d'ajouter qu'il ne s'agit pas là d'un détournement de denier public ni d'un crime boursier, mais d'un délit boursier. « Le tribunal ne saurait être compétent pour juger ce genre de délit », soutient Me Yonga. Et Me Likallé d'ajouter « les sanctions de commissions des marchés financiers sont illégales. Il s'agit d'une opération montée de manière régulière en son temps par le colonel. Cette décision a été prise pour satisfaire ceux qui tire les ficelles dans l'ombre ». Des propos qui corroborent avec certaines indiscrétions glanées dans les milieux de la Justice camerounaise. Le dossier Etondè Ekotto du PAD étant vide ou presque, il faut à tout prix trouver une parade pour le maintenir en prison. Le libérer constituant un véritable désaveu pour ceux qui dirigent l'Opération épervier.

Preuve par 4, Me Vergès n'a rien trouvé à son sujet. Et, l'on se souvient bien que la justice camerounaise avait saisi et scellé la totalité de ses comptes domiciliés au Cameroun dont, l'un au Crédit lyonnais avec 2.296.000 FCFA, l'autre à la SGBC Bali avec 6.942.000 FCFA et le dernier à la BICEC Bali avec 1.820.00OFcfa. Des broutilles quand on connait son parcours dans l'armée et dans la haute administration camerounaise.



18/03/2010
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