Opération Epervier: Albert Dzongang, homme politique, écrit au Chef de l'Etat, Paul Biya

DOUALA - 19 MARS 2012
© Albert Dzongang, Homme politique | Correspondance

Il y a, Excellence, Monsieur le Président de la République, le cas de ceux-là qui, jugés et condamnés, ont déjà passé de longues années en détention. Nous pensons à MM. Edzoa Titus, Atangana Thierry Michel, Monchipou Seidou, Engo Pierre Désiré, Ondo Ndong Emmanuel Gerard, Siyam Siwé, Etondé Ekotto, et Zaccheus Fornjindam. Ils ont, à notre sens, suffisamment payé et, dans le cadre de l’apaisement et en vue d’impulser un nouveau départ pour le développement de note pays, méritent votre généreuse grâce.

A Monsieur le Président de la République du Cameroun,

s/c de Monsieur le Gouverneur de la Région du Littoral



Permettez-moi, Excellence, Monsieur le Président de la République, de porter à votre haute connaissance des interrogations dont plusieurs de nos compatriotes m’ont fait part sur l’efficacité de l’opération Epervier.

Depuis quelques années, des hautes personnalités de notre pays ont été interpellées et emprisonnées, dans le cadre de l’opération de lutte contre les détournements de deniers publics baptisée: « Epervier ». Si les desseins de cette démarche sont louables, sa mise en oeuvre a été, dès son origine, polluée par les maux qui minent le Cameroun : instrumentalisation politique, équilibre régional, népotisme, corruption et autres règlements de compte ont vite fait de vider de sa substance l’opération Epervier qui, au lieu d’être juste et impartiale, a revêtu les habits d’une justice à deux vitesses. Ainsi, certaines de ces personnalités ont été rapidement interpellées, hâtivement jugés et lourdement condamnés à des peines manifestement sans proportion avec les sommes qu’on leur reproche d’avoir détournées. Pendant ce temps, d’autres, auxquelles l’Inspection générale de l’Etat reproche exactement la même chose, se pavanent en liberté, coulant des jours tranquilles dans l’opulence, au vu et au su de tous.

A l’heure où l’opinion publique nationale et internationale exprime une forte attente pour davantage de justice, de transparence et de bonne gouvernance, l’opération Epervier a, de ce fait, perdu toute crédibilité. Pire encore, sous prétexte de financer la recherche, à l’étranger, des comptes dans lesquels auraient été dissimulés les fonds détournés, le trésor public a encore été spolié, selon la presse, de plus d’un milliard de francs, pour payer des « enquêteurs » rentrés bredouilles. Et pourtant, à voir le train de vie que menaient certains des accusés, les fêtes récurrentes qu’ils organisaient à temps et à contretemps, et la générosité sans limite dont ils faisaient preuve vis-à-vis du parti ou de certaines associations, on pouvait, naturellement, s’attendre à ce qu’ils n’aient pas pu mettre grand-chose de côté. Il se dit, toutefois, que certains inculpés seraient prêts à rembourser en échange de leur liberté, mais que cette solution leur serait refusée.

De nombreux fils de ce pays, qui ont rendu des services à la nation, croupissent donc actuellement en prison, depuis de très longues années pour la plupart d’entre eux. Certains n’ont même pas encore été jugés. D’autres, en revanche, font l’objet de condamnations successives, comme si quelque main invisible veillait à ce qu’ils ne revoient jamais la lumière du jour.

C’est ici, Excellence, Monsieur le Président de la République, le lieu de relever ces nombreux cas où les témoins à charge sont venus se contredire à la barre sans que cela profite aux accusés. Pour tout couronner, la Cour Suprême vient d’annuler trois chefs d’accusation contre Monsieur Urbain Olanguena Awono, ramenant les sommes présumées détournées de plusieurs milliards à quelques millions de francs seulement. Dans ce dossier, la montagne a, finalement, accouché d’une souris, surtout que la partie restante est fortement contestée. Il faut relever le cas d’Eric Kingue, ancien maire de Njombe-Penja, condamné à vie, sous l’accusation d’avoir détourné 10 millions de francs CFA, et sur lequel pèsent d’autres chefs d’accusation encore à l’instruction.

Tout ceci n’honore pas notre justice qui a, dans plusieurs de ces affaires, foulé aux pieds le principe sacro-saint de la présomption d’innocence. En gardant à vue pendant des années, des prévenus, manifestement présumés coupables. Il est clair, Excellence, Monsieur le Président de la République, que certaines de ces personnalités que vous connaissez bien, sont encore détenues uniquement parce que la justice refuse de se dédire.

Il y a également, Excellence, Monsieur le Président de la République, le cas de ceux-là qui, jugés et condamnés, ont déjà passé de longues années en détention. Nous pensons à MM. Edzoa Titus, Atangana Thierry Michel, Monchipou Seidou, Engo Pierre Désiré, Ondo Ndong Emmanuel Gerard, Siyam Siwé, Etondé Ekotto, et Zaccheus Fornjindam. Ils ont, à notre sens, suffisamment payé et, dans le cadre de l’apaisement et en vue d’impulser un nouveau départ pour le développement de note pays, méritent votre généreuse grâce.

Pourquoi ne pas, Excellence, en conformité avec la loi, accorder la liberté provisoire à ceux-là, pour lesquels les enquêtes ne sont pas achevées après des années d’instruction ?

Et que dire des humiliations infligées à certains prévenus lors de leur interpellation, ou des brutalités infligées à Monsieur Atangana Mebara devant les tribunaux ? Pareil mépris de la présomption d’innocence et des droits humains les plus élémentaires ne sont pas de nature à honorer notre pays.

Nous sommes pour un Etat de droit et pour une justice égale pour tous. Notre démarche ne doit pas être considérée comme un encouragement à l’impunité et au pillage du patrimoine national, mais plutôt comme une deuxième chance offerte à ces fils et filles du Cameroun.

La liberté laissée à certains qui, au vu de leur train de vie et des signes extérieurs de leur richesse, ont peut-être autant volé, sinon plus, que ceux qui sont en détention, en rajoute à la suspicion sur les véritables mobiles de cette opération. Vous-même, avez, selon les télégrammes confidentiels de l’Ambassade des Etats-Unis tels que révélés par le site de Wikileaks, admis l’existence de tels cas.

Pour terminer, et en m’excusant d’avoir tant abusé de votre précieux temps, je voudrais vous encourager pour les mesures prises et à prendre dans le cadre de la démocratisation de notre pays, et de la crédibilisation des élections. L’éclaircissement de l’horizon peut faire oublier les vives tensions nées de la dernière élection, et apporter un espoir pour le futur.

Il y a également ce feu qui couve à Douala, suite à la décision de certaines autorités locales de canaliser l’activité des motos-taxis. Une concertation est indispensable à ce sujet, afin de préserver la paix sociale.

Nous, de l’opposition, attendons de voir jusqu’où ira votre volonté de corriger tous les manquements observés par le monde entier lors de la dernière élection et des précédentes, ainsi que le sort à réserver aux membres partisans d’Elecam, afin d’apporter votre contribution à l’expression du suffrage universel.

Veuillez agréer, Excellence, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très profonde considération.


Douala, le 19 mars 2012


Albert Dzongang,
Homme politique
Douala



21/03/2012
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