Obsèques de Ferdinand L. Oyono : L’infatigable diplomate repose désormais à Ngoazip 1

Lundi, 28 Juin 2010 09:06 THIERRY NYOPE

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Situé à 27 km d’Ebolowa, ce village abrite depuis le week-end dernier dans ses entrailles, les restes de l’un de ses plus prestigieux fils. Ferdinand Léopold Oyono s’en est allé sur un ton de solennité républicaine. Le diplomate, le haut fonctionnaire, l’homme de lettres à dimension universelle, a été accompagné et salué par des milliers de personnes dans son village natal à Ngoazip 1, le samedi 26 juin 2010. Ce qui a fait dire au principal célébrant de l’office religieux, Monseigneur Jean Mbarga, que « plus qu’un décès, c’est d’une apothéose qu’il s’agissait aujourd’hui. »

Pour lui rendre ce vibrant hommage, ces hommes et femmes, venus de plusieurs coins du pays, ont dû braver les routes sinueuses et boueuses qui relient le village Ngoazip 1, arrondissement de Biwong-Bane, département de la Mvila, aux tréfonds de la région du Sud Cameroun. Du Courage, il fallait donc en avoir pour parcourir la trentaine de kilomètres qui séparent le lieu dit « New-bell » au domicile du défunt. Quarante minutes, voire plus, selon la nature et l’état du moyen de transport ont été nécessaires à tout un chacun. En moto, la tâche était tout à fait âpre, à cause de la route qui a reçu une cure de jouvence du Génie militaire. Mêmes les planches de fortune qui servaient de passage aux engins ont été remplacées pour supporter le flux des véhicules qui devaient se rendre au lieu des obsèques.

A Ngoazip 1, la vie semblait s’être arrêtée. A peine si on ressentait un quelconque fourmillement dans les maisonnées en terre battue qui peuplent le village de chaque côté de la route. La tristesse était perceptible sur les visages. La perte d’un fils du village, surtout de la trempe de Ferdinand Léopold Oyono ne saurait laisser personne indifférente. Pour accueillir donc les restes de leur frère et fils, les habitants ont dressé des palmes le long de la route jusqu’à l’entrée du manoir du défunt. Même le domicile familial a pris un léger co

up de neuf. Des espaces ont été aménagés dans ce vaste domaine pour faire de la place. A la cour, de grandes tentes ont été déployées pour accueillir la population pour la cérémonie funèbre.

 

Cérémonial

obs3Difficile de remarquer une absence sur des dizaines de tentes et tribunes dressées pour abriter de divers hauts fonctionnaires, membres du gouvernement, anciens et nouve

aux, et des centaines d’illustres personnalités. C’est l’arrivée du Vice premier ministre, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, représentant personnel du chef de l’Etat au domicile du défunt qui inaugure la solennité du jour, avec l’exécution de l’hymne national. Pour ces obsèques officielles, les honneurs militaires ont donné droit à une procession funèbre dans une orchestration merveilleuse entre les forces de défense donc une douzaine pour le corbillard en mouvement et les acteurs principaux, avec en tête les enfants de cœur, suivis par les pasteurs, les prêtres et quatre évêques : Christophe Zoa, Joseph Ateba, Jérôme Owono Mimboé et Jean Mbarga, le célébrant principal. Cette procession s’est achevée avec la pose du cercueil recouvert du drapeau du Cameroun sous la tente située au centre de la grande cours. Cette phase a d’ailleurs été conclue par le geste d’Amadou Ali. Le représentant du chef de l’Etat s’est levé de son siège pour poser officiellement devant le cercueil du disparu, l’imposante gerbe de fleurs du président de la République et Mme Biya.

Au cours de l’office religieux qui s’en est suivie, le principal célébrant du jour, Monseigneur Jean Mbarga, a prêché les vertus d’amour, de charité et la crainte de Dieu ; le

tout saupoudré par des voix presque angéliques des choristes de la Voie du Cénacle, avec en tête de file, le Pr Gervais Mendo Ze. « Notre père, la mort de notre ami Ferdinand Léopold Oyono nous rappelle brutalement notre condition d’homme et la brièveté de notre vie. Mais pour ceux qui croient en ton amour, la mort n’est pas la fin de tout (…) La question n’est plus de savoir comment vivre et mourir pour assurer sa survie. La question est plutôt de savoir comment vivre dans le Christ ? Lui qui est le maître de la vie et de la mort. »

Les messages et oraisons funèbres se sont joints sur l’humilité que suggère le mystère de la mort. Raison pour laquelle la fille du défunt a cru bon d’implorer la miséricorde de Dieu. « Dieu de miséricorde et de bonté, je viens te prier avec toute la famille et ton peuple ici rassemblé pour le repos de l’âme de notre père et oncle (…) Puisse dans ta bonté lui ouvrir les portes de ta maison et lui montrer la place que de toute éternité que tu as préparé pour lui. »

 

Témoignages

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Cette phase a cédé la place au rituel des témoignages publics. Parmi les orateurs, il y a eu Jean Oyono

 

Mbarga, son beau frère et Monseigneur Jérôme Owono Minboué, en sa qualité de membre de la famille éplorée. Celui-ci a dressé un mordant témoignage du disparu. Selon lui, Ferdinand Léopold Oyono ne pouvait que souhaiter qu’il y ait toujours « plus d’amour, plus d’entente, plus de générosité, plus de dévouement dans la famille.

Jean Paul Oyono, fils du défunt a profité de cette ultime occasion pour remercier son père pour toute la gratitude qu’il a fait preuve à leur endroit jusqu’à sa mort. « Merci pour ce bout de chemin avec toi, nous qui te connaissions plus que quiconque, nous t’aimons. Merci pour ta profondeur et ta présence, Merci pour cette vie que tu nous as donnée. Merci d’avoir été notre papa, merci parce qu’on ne te l’a pas assez dit, alors salut l’artiste et laisses-moi t’applaudir une dernière fois cher papa. »

Le fin mot est revenu au représentant du chef de l’Etat à ses obsèques. Amadou Ali a choisi d’évoquer les faits d’arme de l’illustre disparu en sa qualité de grand commis de l’Etat.

Il va partager avec la foule compacte les multiples actions du diplomate rompu sur l’ère Ahidjo et les épopées glorieuses de l’illustre disparu au gouvernement, depuis le secrétariat à la présidence de la République sous l’ère Biya dont il a été par ailleurs, très proche en tant qu’ami et confident. Personne n’a oublié les lignes d’écriture du vieux nègre et la médaille, ouvrage devenu un repère hyponyme de la littérature Négro-africaine. Amadou Ali a insisté sur l’important rôle que le disparu  a joué dans le dénouement heureux du conflit de Bakassi quand il officiait comme ministre des Relations Extérieures, ainsi que les reformes entrepris du temps où il était ministre d’Etat en charge de la Culture. Des sociétés de droit d’auteur sont ainsi nées sous sa coupole, avant son départ du gouvernement en 2007.

Malheureusement, le 10 juin dernier, le premier ambassadeur du Cameroun sombre en pleine célébration, alors que le Secrétaire général des Nations Unies est au Cameroun. Il achevait ainsi sa course après avoir joué un rôle incommensurable lors des cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification. Il était alors âgé de 81 ans.

C’est donc sous une fine pluie qui laissait croire que même le ciel a versé une larme pour dire au revoir à Ferdinand Léopold Oyono, que le corbillard de couleur maronne transportant la dépouille du père du « Vieux nègre et la médaille » a pris la direction du caveau familial construit sur une montagne rocailleuse abritant son manoir, pour son inhumation loin des regards indiscrets. Il était sensiblement 15 heures. Adieu l’artiste !

 

Thierry Nyope, à Ngoazip 1



28/06/2010
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