Obsèques de Bibi Ngota: L'ombre de Laurent ESSO plane à Mengalle

MENGALLE - 10 MAI 2010
© THIERRY NYOPE À MENGALLE | Dikalo

Le ton des témoignages a été relevé et les proches du défunt demandent que justice soit faite. L'escorte policière qui conduisait la dépouille interdite d'accès au village natal du journaliste.

 

«J'estime qu'il y a eu injustice dans cette affaire parce qu'en réalité Laurent Esso n'aurait pas dû faire arrêter Bibi Ngota. Je dis et je répète qu'il y a eu abus de pouvoir, parce qu'il fallait écraser les plus faibles. Laurent Esso a voulu montrer qu'il était ministre d'Etat, secrétaire général à la présidence de la République. Nous voulons que justice soit faite dans cette histoire. Nous voulons qu'on nous dise de quoi est mort Bibi Ngota. Le chef de l'Etat a instruit une enquête et nous allons attendre les résultats. Mais nous voulons aussi dire aux uns et aux autres que nous avons les résultats de l'autopsie et que si justice n'est pas faite, nous allons demander des comptes».

Voila résumé le témoignage de Bosco Tchoubet, promoteur de la Tbc, une radio émettant à Yaoundé, par ailleurs beau-frère de Germain Cyrille Ngota Ngota, alias Bibi Ngota. Des témoignages de ce type, il y en a eu tout au long des obsèques de ce confrère décédé dans les geôles de Kondengui dans des circonstances controversées. Nous vous proposons d'ailleurs ci-contre quelques-uns recueillis au cours de cette cérémonie.


Opposition

Mais l'événement de samedi dernier a été précédé par un incident qui n'est pas passé inaperçu. L'escorte policière qui conduisait la dépouille de Bibi Ngota dans son village natal à Mengalle, à 47 kilomètres d'Ebolowa, a été interdite d'accès par les jeunes du coin. Ces derniers ne comprenaient pas ce que les éléments en tenue venaient chercher dans leur village. Surtout, après tout ce qui a été dit sur les causes du décès de leur frère.

Les responsables de la famille ont dû négocier pour que cette présence soit acceptée tout au long de ces obsèques. Que faisait-il là ? Nous leur avions d'ailleurs posé la question en vain. Mais toujours est-il que les uns et les autres étaient sous bonne garde. Car de temps à autre, on pouvait voir sillonner sur les piteuses routes de Mengalle, la pick-up de la compagnie de gendarmerie de la Vina, région du Sud. Même le chef de la compagnie était bel et bien présent lors du culte qui a précédé l'inhumation, tout comme la déléguée de la Communication de la même région, qui représentait sa tutelle à cette cérémonie.

Selon les informations en notre possession, le corbillard transportant la dépouille de Bibi Ngota a été escorté de la chapelle Simbock, lieu où s'est tenue la veillée funèbre, dans un premier temps par une unité de Yaoundé; puis par celle de la Vina. Excepté quelques éclats de voix, les choses se sont déroulées dans la sobriété et en présence d'un parterre impressionnant de journalistes venus rendre un dernier hommage à leur confrère pour certains et ami de longue date pour d'autres.


Rôle des uns et des autres

L'implication des uns et des autres dans le sort de Bibi Ngota a également été évoquée au cours des différents témoignages. Selon Bosco Tchoubet, journaliste par ailleurs, son beau-frère a été embastillé à cause d'un homme qu'on n'a pas trop mis au devant de la scène. Robert Mintya, puisqu'il s'agit de lui, aurait aussi été pour beaucoup dans ce mélodrame. Car, c'est lui qui a livré ses deux compagnons d'infortune, peut-être sous le poids de la torture. A en croire le promoteur de la Radio Tbc, les autres n'ont été que les intermédiaires dans cette affaire du faux document. Bibi Ngota selon son témoignage, a été embastillé simplement parce que c'est lui qui aurait mis Simon Nko'o, celui par qui tout a commencé, en contact avec Mintya. Contrairement à ce que tente de souligner certaines langues, son rôle s'est arrêté à ce niveau.

Serge Sabouang quant à lui souffre aujourd’hui en prison parce que la transaction entre Nko'o et Mintya a eu lieu dans ses bureaux. Mais en dehors de ces éléments, Bibi Ngota et Sabouang n'avaient rien à se reprocher. Mais comme ils ont eu vent du document, ils ont été mis en détention provisoire pour besoin d'enquête. Il se trouve malheureusement qu'après leur «exploitation» par les éléments de la Dgre, ils ont été relaxés, puis arrêtés quelques heures après et mis à la disposition des enquêteurs de la PJ. Selon Sabouang, interviewé dans les colonnes du journal Le Jour, ce qui intéressait les agents de la police était le nom de la personne qui se cachait derrière ce fameux faux document.


Espoirs

Bibi Ngota s'en est allé. Il a définitivement rejoint la terre de ses ancêtres à Mengalle en fin d'après-midi du samedi 08 mai dernier. A 39 ans et père de trois enfants, il a réussi à inscrire son nom en lettres d'or dans la mémoire collective. Il a été inhumé comme plusieurs personnes le ouhaiteraient. «C'était un garçon brillant, humble et serviable. Il savait utiliser la machette et le fusil pour la chasse. Et nous fondions beaucoup d'espoir sur lui. Sa mort nous surprend un peu (...) il nous manquera beaucoup. Loin de nous le désir de créer la polémique. Nous voulons juste dire qu'il y a un Dieu au dessus de nous et c'est à lui que revient le pouvoir de punir les coupables. Nous sommes une famille de chrétiens. Et plus à côté de nous, il y a le chef de l'Etat. Il a pris le problème à bras le corps, en instruisant une commission d'enquête pour tirer toute la lumière autour de cette affaire. Il a également fait en sorte qu'on nous remette une somme de 2 millions de FCFA et nous lui en sommes reconnaissants. Nous lui prions aussi de continuer dans cette voie. Car, maintenant que Bibi est mort, il y a l'éducation des enfants qu'il a laissé.» Dira Ngota Essiane Emmanuel, le porte-parole de cette famille.

Si le village a porté son deuil, entre fleurs et pleurs, la mère du défunt est restée abasourdie, le regard perpétuellement plongé dans le vide. A peine si elle a écouté la prédication du pasteur Essiane, qui est longtemps revenu sur l'évanescence de la vie.

Certains journalistes n'ont pas pu contenir leur émotion une fois de plus. Certains d'entre-deux ne se sont pas gênés pour éclater en sanglots, convaincus que c'était certainement la dernière fois qu'ils voyaient leur confrère en chair et en os. Idem pour les enfants du défunt. L'ambiance était lourde, au point où il fallait user de beaucoup de maîtrise pour ne pas rentrer dans la danse des lamentations.

A Mengalle, le ciel s'est montré plus clément que lors de sa levée de corps au CHU de Yaoundé, certainement pour permettre aux uns et aux autres de reprendre la route sans anicroches.



12/05/2010
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