Nominations - Forces de défense: Les neuf recalés au grade de général

DOUALA - 15 MARS 2011
© André Som | Aurore Plus

Dans les forces armées, c’est dans une effervescence festive que certaines familles ont passé le week-end à la faveur des nominations au grade de général d’une dizaine de colonels. Lors de la session de juin 2010, le député Jean Michel Nintcheu interpellait le ministre délégué auprès du président de la République chargé de la Défense, Alain Edgar Mebé Ngo’o sur les raisons du goulot d’étranglement que constitue le passage du grade de colonel à celui de général. A cet effet, il faisait remarquer que le premier général promu par le Président Ahmadou Ahidjo, il y a plus d’une trentaine d’années, était toujours en fonction. Et il a interrogé le ministre de la Défense sur l’âge exacte de départ à la retraite des généraux. Ce d’autant plus qu’on voit des colonels aller en retraite à l’âge de 60 ans alors que des généraux de 75 ans et plus sont encore en fonction. Et de conclure son propos par le fait qu’il pense, pour sa modeste personne, que la fixation d’un âge incompressible de départ en retraite des Généraux créera au sein de notre armée une émulation en même temps qu’elle développera une visibilité incontestable dans la carrière des officiers. A-t-il été écouté ? Toujours est-il que lors de la célébration du cinquantenaire des armées, les promesses faites par le président de la République, chef des forces armées, Paul Biya dans le cadre de leur promotion et de la revalorisation de leurs émoluments, allaient bien dans ce sens, et sonnaient comme une première réponse a cette préoccupation.

On peut donc croire que cela a été un argument massue pour Alain Edgar Mebe Ngo’o dans la défense de ce dossier qui traînait dans les tiroirs du président de la République. Seulement, les nominations de vendredi 11 mars 2011, portant au grade de généraux une dizaine des colonels et poussant à une retraite alambiquée certains anciens généraux, a aussi fait des mécontents. Evidemment au sein des généraux qui n’ont pas connu un avancement, comme c’est le cas pour le général de Brigade Douala Massango, certains de ses collègues du même grade étant passés généraux divisionnaires. Pour les Sawa, cela sonne comme un oubli et une disgrâce. Car dans ces nominations, aucun de leurs fils colonel n’a été promu général, contrairement à plusieurs autres régions. Dans une distribution de cartes en une année électorale, cela laisse songeur sur la place que la très haute hiérarchie accorde aux Sawa. Ce qui peut cacher en somme un malaise pour les nombreux recalés qui ont attendu depuis des années cette nomination au grade de général ou de Contre-Amiral, jusqu’à atteindre l’âge de la retraite pour certains.


Les oubliés

C’est le cas du colonel Jean Calvin Lemagni, Commandant de la 2è région militaire qui a été tout simplement remplacé à la faveur de sa mise à la retraite. Arrivé au commandement de cette région en grandes pompes à la faveur des émeutes de fin février 2008 en remplacement du général de brigade Doualla Massango, il était crédité d’une réputation de pacificateur. Surtout qu’il venait de l’Extrême-Nord où il avait mené une rude batille contre les coupeurs de routes. Et depuis qu’il a pris les commandes de la 2è région militaire, c’est la grande accalmie aussi bien au sein de ses troupes que dans le soulèvement des populations. L’échec de l’appel à la récente insurrection aurait pu lui profiter ainsi qu’à tous les chefs des différentes unités des forces armées et police. En vain. Il avait espéré qu’une promotion au grade de général le sauverait d’une mise à la retraite, alors qu’il répond encore plus physiquement que beaucoup de ses collègues en fonction ou promus. Il y a aussi, la frustration du colonel Gabriel Mbida, commandant du quartier général. Outre le fait qu’il est le fils du colonel à la retraite Titus Ebogo qui, 14 années durant, a dirigé la Garde présidentielle. Le colonel Gabriel Mbida ne s’est pas contenté d’être le fils de son père, lui qui a fait ses preuves à la tête du Bataillon d’intervention rapide dont la principale mission est la lutte contre les coupeurs de routes, une unité d’élite placée sous l’autorité directe du chef de l’Etat. D’où il a fait ses preuves avant d’être nommé respectivement commandant de l’Ecole militaire interarmées (Emia) et commandant de la brigade du quartier général. C’est dire s’il s'est illustré comme un militaire brillant élevé dans le sein du régime qui attendait que le président compense le grade de général que son illustre géniteur a espére lui aussi atteindre en vain.



Y-a-t-il lieu de voir encore un malaise dans les forces armées ?

Dans la même liste des oubliés, il y a le Colonel Amougou Emmanuel, promu chef d’état-major particulier de la présidence de la République. Plusieurs de ses collègues ont été très déçus pour lui. Ils espéraient bien qu’il serait promu au grade de général. Comme lui, il y a le colonel Emmanuel Ngotti Eyoum, jusque là directeur central de la coordination à la Gendarmerie nationale. Il vient d’être remplacé par le tout nouveau promu général Daniel Elokobi Njock. Les Sawa étaient certains qu’il serait aussi promu, surtout qu’on dit le général de Brigade Doualla Massango, affaibli par un état de santé très fébrile. On peut aussi citer le Capitaine de Vaisseau Zollo Akem Henri Martin, dont plusieurs membres du corps de la marine ont été étonnés qu’il ait été oublié. Ou encore du très brillant Colonel Dooh Kohtem G. dont les états de services et les résultats dans les différentes formations en Europe plaidaient en sa faveur. On cite aussi dans la même liste, le Colonel Tinack Metck Jérôme, en service à l’Etat major des armées. En revanche, les Colonels à la retraite, Bobbo Ousamnou et Mouaha Bell ainsi que leurs familles respectives ont certainement suivi ces nominations au grade de généraux avec un certains pincement au cœur. Car ils ont, alors qu’ils étaient en fonction, attendu en vain d’être promus au grade de général. Dans un équilibre régional, ils viennent de voir cette distinction éminemment politique échoir à d’autres originaires de la même région. Respectivement, le Colonel Jean Calvin Momha, et le Colonel Mohamadou Hamadiko. Ce dernier est encore plus évocateur d’un brin d’espoir qu’ils peuvent garder. Car à la retraite depuis trois ans, il a été rappelé alors qu’il résidait au Maroc.

Surtout que selon certaines confidences de pénates, on apprend que ce n’est qu’une première vague de nominations des généraux, une seconde suivra. Certainement avant l’entame de la campagne présidentielle. En la matière, plusieurs promus de la cuvée du 11 mars dernier savent bien que dans l’une de nos éditions nous avions annoncé avec un taux de réussite de 70% les noms des colonels qui ont été promus généraux. Toutefois, comme le soutient toujours le député Jean Michel Nintcheu, «Notre armée nationale n’est pas épargnée par une crise multiforme. Elle vit un profond malaise lié à l’absence inexplicable de l’harmonisation d’un plan de carrière qui s’arrime aux normes universellement en vigueur.» Et comme il aime bien mettre de l’huile sur le feu, il poursuit: «Les promesses faites pompeusement à l’occasion du cinquantenaire à Bamenda ne sont que de la propagande d’un chef suprême, car les discriminations et les frustrations minent tout l’enthousiasme des forces de défense.» Pour soutenir son assertion, il demande combien de colonels ont été promus généraux depuis 20 ans ? Avant de conclure que «Depuis plus de deux décennies, des dizaines de colonels arrivés jeunes à ce grade sont allés en retraite alors qu’ils aspiraient légitimement à être généraux comme les autres.» Pourtant, ils ont servi leur pays avec bravoure tout au long de leur vie, mais voient ce mince espoir s’évanouir. Non sans évoquer le fait que des officiers supérieurs aillent en retraite alors que des généraux de 20 à 30 ans leur aîné et physiquement inopérants soient encore en fonction. Toutefois, il faut dire que le grade de général est politique et seul le grade de colonel est celui auquel aspire loyalement tout militaire.



Nominations - Forces de défense: Drôle de retraite pour quatre généraux

La deuxième Section du cadre des Officiers Généraux des Forces de Défense signifie-t-il retraite ? Paul Biya a utilisé des circonlocutions pour mettre à la retraite les généraux Pierre Semengué, Jean Nganso Sunji, James Tataw Tabe et Oumaroudjam Yaya.

Nous avons retourné dans tous les sens le décret n° 2011/048 du vendredi 11 mars 2011 et nous n’y avons trouvé ni une phrase, un mot qui dit que les quatre généraux cités plus haut vont faire valoir leur droit à la retraite. Et pourtant ils ont été bel et bien mis à la retraite. Le décret du président dit qu’ils sont admis à la deuxième section du cadre des officiers généraux des forces de défense. Le chef de l’Etat a été très élégant pour ne pas utiliser le mot « retraite » et a préféré des circonlocutions pour faire partir ces officiers généraux d’un autre genre, des gens de sa génération. Mais alors c’est une drôle de retraite, une retraite doré puisque selon l’article 2 du décret du président de la République «les intéressés auront droit aux avantages de toute nature prévus par la réglementation en vigueur». Quelle est la réglementation en vigueur puisque c’est la première fois qu’on met des officiers généraux à la retraite, à moins que… ces textes soient en préparation ou sont déjà prêts. Selon notre compréhension, les quatre généraux sont comme des ambassadeurs itinérants, ou des conseillers techniques auxquels on peut faire appel en cas de nécessité, leur expertise pouvant être sollicitée à tout moment.

Qu’est-ce qui a pu motiver, justifier la mise à la retraite de ces quatre généraux ? Leur âge avancé ? ou leur longévité exceptionnelle dans nos forces de défense ? Les deux arguments, surtout le premier ne tiennent pas débout pour la simple raison que certains généraux encore en fonction et en poste sont presque ou de la même génération que les partants, surtout le général Oumaroudjam Yaya qui est né en 1939. Tel est le cas du général de division Benoît Asso’o Emane, conseiller logistique au ministère de la Défense qui est né en 1939 comme le général Oumaroudjam Yaya. Pourquoi Asso’o Emane est resté en fonction alors que Oumaroudjam Yaya est parti ? Peut-être parce que ce dernier est entré dans l’armée tôt, le 16 octobre 1957 comme homme de troupe à l’âge de 18 ans. L’inspecteur des armées qu’est le général de division Jean René Youmba est aussi né en 1939 tout comme le général de corps d’armée René Claude Meka, chef d’Etat-Major des armées. Le général de division Philippe Mpay, Commandant du cours supérieur interarmées de défense est de la même génération, tout comme le vice-amiral Guillaume Ngouah Ngally, inspecteur général des armées et même Camille Nkoa Atenga qui est leur cadet de deux ou trois ans.

Si ce n’est l’âge, qu’est-ce qui a pu donc expliquer la mise à la retraite des quatre généraux ? Sauf autres motifs ou raisons à notre connaissance, c’est leur longévité exceptionnelle dans le service qui est à la base du départ des quatre généraux à la retraite. Pierre Semengué qui est né le 28 juin 1935 a intégré l’armée camerounaise le 1er octobre 1956, soit près de 55 ans, âge du départ de la retraite d’un fonctionnaire de catégorie A. Le général James Tataw qui serait né le 5 septembre 1933 (en réalité selon nos sources, il serait né dix ans plus tôt) a incorporé l’armée le 14 mai 1955. Le général Jean Nganso Sunji est né le 15 octobre 1937 et s’est engagé sous le drapeau le 1er octobre 1956. Paul Biya a donc éloigné de lui certains généraux sans les éloigner totalement en réalité. Ce sont des personnalités qu’il va consulter régulièrement en cas de nécessité, c’est ça aussi faire de la politique à un haut… niveau.

Michel Michaut Moussala




16/03/2011
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