Nécrologie: Grandeurs et misères de Louis Paul Mfédé

Yaoundé, 15 Juillet 2013
© Jean Robert Fouda | La Météo


L'ancien international camerounais décédé le 10 juin 2013 à Yaoundé à l'âge de 52 ans, d'une infection pulmonaire, a été conduit à sa dernière demeure samedi dernier dans son village Nkol-Kossé situé dans le département de la Lekié, région du Centre.


«Il a été abandonné à lui-même», Thomas Libith, un ancien défenseur de l’équipe nationale de football du Cameroun regrette la mort survenue dans des conditions inhumaines de Louis Paul Mfédé. C’est aussi, les larmes aux yeux, que l’ex-attaquant des Lions Indomptables, Emmanuel Maboang Kessack s’est dit «choqué par l’absence des autorités» à la levée de corps vendredi à Yaoundé.

Les récriminations sont nombreuses à l'égard des pouvoirs publics en général et du Ministre des Sports et de l’Éducation physique particulièrement. En effet, «ceux qui ont donné au football devraient être reconnu par l'Etat. Mais, mourir dans la rue m'a fait très mal», s'est indigné quant à lui, l'ancien gardien de but et Ballon d'or africain, Thomas Nkono, en qualifiant le défunt de «garçon sympathique et charitable».

Un immense talent s'en est allé. Dans l'indifférence totale des autorités sportives nationales.

Ni le Ministre des Sports et de l’Éducation physique Adoum Garoua, ni les responsables de la Fédération camerounaise de football, trop préoccupés par leurs intérêts personnels et le processus électoral en cours, n'ont manifesté la moindre compassion à l'égard de la famille du défunt.

Le plus dramatique, c'est que Louis Paul Mfédé, un génie du football, décède dans le dénuement total. Une infection pulmonaire comme on en rencontre partout dans nos villes et villages a eu raison de ce footballeur qui figure certainement parmi les meilleurs de sa génération. L'ingratitude des autorités camerounaises l'a précipité, contre toute attente, dans la tombe.

Une source proche de la famille indique que «Louis Paul Mfédé était devenu très maladif depuis son retour au Cameroun, il y a quelques années. Son épouse a saisi la Fécafoot, le Minsep et la présidence de la République pour qu'ils lui apportent une assistance financière pour bénéficier des examens et des soins intensifs exigibles. Toutes ses démarches sont restées vaines». L'organisation des obsèques par une famille totalement démunie se fait également dans l'indifférence des autorités. Rien à voir avec les funérailles grandioses initiées en la mémoire de l'ancien capitaine des Lions indomptables, Théophile Abéga, décédé le 15 novembre 2012. Faut-il encore préciser que «Docta» comme l'appelaient affectueusement ses fans, a eu droit à tous ces honneurs à titre posthume grâce à sa casquette d'homme politique (militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, parti au pouvoir et Maire de Yaoundé IV) et ses attributs de chef traditionnel....

Comme avant ses ainés Mbappé Léppé, Ngondiep, Tchobang, Mbinkeu Mbakop, Jean Louis Mama, Emana Marco, Joseph Bessala..., Louis Paul Mfédé, sportif au talent extraordinaire, a été abandonné à lui-même. Il n'avait pratiquement aucune chance d'échapper à la mort.


L'indifférence totale des autorités

A défaut d'avoir eu la reconnaissance des pouvoirs publics de son vivant, pour les immenses services rendus au football camerounais, Louis Paul Mfédé mérite tout au moins une ultime reconnaissance de la nation. Son décès devrait amener le Ministère des Sports, la fédération, le Comité national olympique et sportif du Cameroun, les associations et syndicats de footballeurs, ainsi que tous les autres corps de métiers, à prendre enfin conscience de la précarité dans laquelle croupissent les anciennes gloires camerounaises.

Ces dernières croupissent dans la misère, alors que les hommes politiques et les administrateurs de la Fécafoot, qui n'ont jamais rien apporté au football, continuent de s'engraisser au vu et au su de tous. Le temps est enfin venu de prendre conscience des souffrances des sportifs qui ont consacré leur vie à la défense des couleurs de la nation.

Aux grands sportifs, la nation camerounaise n'est pas reconnaissante. Face à l'ingratitude des pouvoirs publics, nombre de footballeurs, boxeurs, haltérophiles et athlètes de haut niveau ont décidé de changer de nationalité. Un phénomène qui a pris de l'ampleur aux Jeux olympiques de Londres 2012, avec la fuite de sept athlètes camerounais, parmi lesquels cinq boxeurs, une footballeuse et un nageur. Ils ont fui la précarité, et espèrent bénéficier de meilleures conditions de vie et de travail dans leurs nouveaux pays d'accueil.

Né le 26 février 1961 à Yaoundé, Louis-Paul MFédé se révèle au grand public dans les années 1980. Repéré au Canon Yaoundé, Louis-Paul Mfédé a écrit les plus belles histoires du football camerounais aux côtés de Thomas Nkono, Emmanuel Kunde Théophile Abéga, Roger Milla, Joseph Antoine Bell, Maboang Kessack, Oman Biyik....

Louis-Paul Mfédé avait disputé deux Coupes du monde sous la tunique des Lions indomptables. L'édition de 1994, mais surtout celle de 1990, où il avait mené le Cameroun en quarts de finale, aux côtés de Roger Milla, Thomas Nkono et François Omam-Biyik. Il avait également remporté la Coupe d'Afrique des nations en 1988. Le milieu offensif s'était ensuite reconverti sans grand succès comme entraineur dans le championnat national. Le héros du Mondial 1990 en Italie, Homme du match Cameroun-Argentine, a été décoré Officier de l'ordre de la valeur à titre posthume par le Ministre des Sports et de l’Éducation physique, Adoum Garoua. Quel cynisme de la part d'une autorité qui était jusque-là restée sourde aux supplications et aux nombreux appels à l'aide d'un footballeur de légende mort après une longue et lente agonie.


15/07/2013
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