Ndoudoumou, Niwalong, Andoseh, Tabi Manga, Hamadjoda, Motanga: Comment le conseil de discipline va les juger

YAOUNDÉ - 05 Mars 2012
© Labaran Mamouda et Michel Tafou | La Météo

Leurs dossiers sont pratiquement bouclés. Leur audition sera-t-elle la dernière étape avant la descente aux enfers?

Les premiers effets concrets du discours de fin d'année 2011 du chef de l'Etat, concernant la poursuite de l'assainissement des mœurs publiques («Opération épervier»), sont en train de se matérialiser. Ce soir-là, Paul Biya, s'adressant à la nation, s'interrogeait gravement sur les atouts du Cameroun (ressources humaines, nombreuses, laborieuses, bien formées, qui devraient trouver à s'employer avec la mise en œuvre de nos grands projets et l'accélération de la professionnalisation de l'enseignement) ainsi que sur les chances du pays de traduire en actes le «grand dessein» de développement du pays. «Il nous faudra en effet, avait-il alors martelé, pour tirer parti de ces facteurs favorables, remettre en cause les comportements qui sont à l'origine de nos déficiences ou de nos échecs. Au premier rang d'entre eux, la recherche du profit personnel au détriment de l'intérêt général, lequel devrait pourtant être la règle d'or du service public. Le Contrôle de l'Etat devra se montrer inflexible à ce sujet. De même, les mauvaises habitudes telles que le népotisme, le trafic d'influence, la fraude qui se sont largement répandus, devront disparaître.»

Quelques semaines plus tard, à l'occasion d'une cérémonie de présentation des vœux, le nouveau patron du Contrôle supérieur de l'Etat (Consupe), Henri Eyebe Ayissi, avait placé sa feuille de route sous le signe du «retour aux sources, une sorte de pèlerinage en forme de séjour prolongé de travail». Il s'était aussi engagé, s'agissant des dossiers soumis à sa sagacité et concernant d'éventuels crimes économiques, d'agir «sans faiblesse, ni complaisance, tout en veillant au respect des procédures instituées et des droits de la défense». Son postulat rejoint ainsi la tâche conférée à son collègue de la Justice, Laurent Esso. Ces deux «chargés de missions» de Paul Biya ont en effet pour défis majeurs non seulement d'accélérer les procédures en cours, mais surtout de rendre celles-ci moins cafouilleuses. Ils se doivent ainsi de veiller à la célérité des opérations préliminaires, du bouclage des auditions, de la rédaction des rapports y afférents avant leur transmission à la police judiciaire, et éventuellement plus tard au parquet. Il ne s'agit plus de mettre la charrue avant les bœufs, à travers des arrestations et auditions à grand spectacle, avant souvent que, plus tard, l'on se retrouve en train de rechercher des preuves accablantes une fois devant la barre. Cette présomption de culpabilité, appliquée à la plupart des victimes de l'"Epervier" et qui a fait croire plus à une opération d'«épuration politique» au sein même du régime, a porté un sérieux coup sur la crédibilité du gouvernement.



Ndoudoumou, Niwalong, Andoseh, Tabi Manga, Hamadjoda, Motanga: Chaud devant!

Au titre de ses activités pour l'année en cours, le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Consupe aura à auditionner dans les prochains jours des ordonnateurs et gestionnaires des crédits publics, tant au niveau des administrations et entreprises publiques, organismes spécialisés et autres collectivités territoriales décentralisées.

C'est donc d'une approche plus humaine et respectant l'orthodoxie judiciaire qu'il s'agit désormais. Elle trouve aujourd'hui sa matérialisation dans un communiqué publié mardi dernier par le Consupe, qui renseigne sur ses prochaines cibles et davantage sur le mode opératoire, même si les principaux concernés regrettent de n'avoir jamais été notifiés.

Au titre de ses activités pour l'année en cours, le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Consupe aura à auditionner dans les prochains jours des ordonnateurs et gestionnaires des crédits publics, tant au niveau des administrations et entreprises publiques, organismes spécialisés et autres collectivités territoriales décentralisées. Il s'agit, dans le détail: du directeur général de l'Agence nationale de régulation des marchés publics (Armp), Jean Jacques Ndoudoumou (période 2007-2010); du président du conseil d'administration de cet organisme, Hamadjoda Adjoudji, dont certains actes de gestion lui sont imputables «et susceptibles d'être qualifiés de délits ou de crimes»; du directeur général du Parc national de matériel de génie civil (Matgénie), Niwalong Otong et de son prédécesseur, Jeremiah Andoseh (période 2007-2009); du délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Limbe, Motanga Andrew Mounjimba (période 2002-2008); du recteur de l'université de Yaoundé Il (Soa), Jean Tabi Manga (période 2006-2009). Ce dernier dont la probité dans la gestion fait presque l'unanimité, aurait selon nos sources, tous les moyens légaux pour sortir tête haute de cette histoire qui pue d'ailleurs un complot contre l'universitaire émérite.

Cette série d'auditions a débuté vendredi dernier avec le directeur de la Société d'expansion et de modernisation de la riziculture de Yagoua (Semry), Marc Samatana, qui a été interrogé sur la gestion (2006-2009) des fonds destinés à booster les activités de la structure dont il a la charge. Sans oublier le cas de l'hôpital de district de santé d'Ebolowa, où des cas de malversations financières avaient été signalés dans la période 2006-2009.

La première précision est que les personnalités citées bénéficient de la présomption d'innocence. Des sources introduites indiquent toutefois que leurs dossiers, élaborés au terme de plusieurs descentes sur le terrain d'inspecteurs d'Etat, sont suffisamment «lourds» et ne leur laissent que très peu de chances d'échapper au rouleau compresseur de la justice. Leur passage devant le Cdbf ne serait donc qu'une étape routinière avant la case police judiciaire, et possiblement plus tard le parquet...

L'autre mise au point concerne le prétexte des auditions. Dans la plupart des cas, on évoque des «fautes de gestion». Elles sont contraires aux «malversations financières» mais peuvent en porter les germes. Une faute de gestion est par exemple constatée lorsqu'un responsable réoriente à sa guise des prescriptions managériales ou financières de la hiérarchie (conseil d'administration). Elle peut déboucher sur un crime économique lorsque le reliquat financier est utilisé à des fins personnelles. Le Cdbf peut alors, selon le communiqué, à l'issue de ses délibérations et en l'absence de justifications satisfaisantes, prononcer, à l'encontre des auteurs des fautes de gestion constatées, des sanctions financières, appelées «amendes spéciales», sans préjudice de la saisine éventuelle des autorités judiciaires ou d'autres instances administratives compétentes. En d'autres termes, les sanctions pécuniaires n'excluent pas des poursuites judiciaires. Il peut également constituer, par un «arrêté de débet», immédiatement exécutoire, les gestionnaires reconnus fautifs comme débiteurs envers l'Etat ou la personne morale concernée du montant du préjudice réel subi, tel qu'évalué à l'issue des délibérations.

Le Cdbf peut aussi prononcer, à l'encontre des responsables reconnus coupables de fautes de gestions, soit l'interdiction d'assurer, pendant une durée déterminée, les fonctions de gestionnaire de crédits ou de comptable dans un service public, organisme public ou parapublic, ou dans les entreprises et autres entités publiques; soit l'interdiction d'être responsable, à quelque titre que ce soit, de la gestion des services publics ou de la surveillance de la gestion des établissements, entreprises publiques ou organismes subventionnés par l'Etat. Cela est arrivé en début 2009 à l'ancien directeur général de la Cameroon Radio and Télévision Corporation (Crtv, 1988-2005), Gervais Mendo Ze. Pour de «nombreuses fautes de gestion» avérées, il fut condamné par le même Cdbf à rembourser à l'Etat la somme de 2,6 milliards de francs représentant le préjudice causé à la structure dont il avait la charge, mais aussi à une amende spéciale de 2 millions de francs.



05/03/2012
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