Monde: L’irrésistible renaissance des idéologies insurrectionnelles

Monde: L’irrésistible renaissance des idéologies insurrectionnelles

Shanda Tonme:Camer.bePenser le monde et sonder l’avenir de l’humanité, peuvent s’avérer périlleux même dans un contexte de parfaite transparence et de parfaite légitimité des objectifs, à cause du comportement irrationnel de certains acteurs. En effet dès lors que les justes avancées sociales et politiques sont interprétées comme la menace contre l’existence de forteresses claniques, le genre humain dans son ensemble cours le risque non seulement d’un recul généralisé, mais encore celui de l’enfermement dans des cadres institutionnels inappropriés. Avec l’adoption par le conseil de sécurité de l’ONU en cette moitié du mois de mars 2011, de la résolution 1973, destinée à protéger les populations libyennes contre un massacre annoncé, la réflexion se fait plus forte, et les interrogations plus percutantes.

Il y a heureusement, des raisons de croire, que dans le tumulte des oppositions argumentaires, les uns et les autres sont au moins convaincus de ce que, la cause ou les causes qui engendrent le débat, n’intéressent pas un seul pays, ni un seul peuple, ni un seul Etat, ni une seule région, ni un seul continent. Ce qui interpelle l’humanité et agite ainsi les consciences, résulte d’une évolution inéluctable qui constitue, la preuve irréfutable à la fois de la maturité des citoyens, et du besoin subséquent de dépassement des politiques et des régimes. Ce n’est donc ni une affaire du monde arabe, ni une affaire de noir ou de blanc. Ce qui interpelle le monde, est ancré au plus profond de la manifestation des contradictions sociales et des luttes inhérentes aux rapports problématiques, et aux coexistences contentieuses.  Dans ces conditions, il faudrait retenir pour postulat, qu’aucun discours, ni égalisateur, ni unificateur, ni accusateur, n’est susceptible de formuler avec absolutisme, les termes de référence des insurrections.
 
En effet ceux qui ont pu dénoncer et pointer du doigt le règne de la pensée unique, devraient pouvoir valider et admettre, la révolution unique comme corollaire incontournable du triomphe des rapports des forces autant entre les Etats nations riches et les Etats nations pauvres au plan international d’une part, qu’entre  les citoyens et les gouvernants au plan purement interne d’autre part.

A – La compréhension des insurrections

Aussi loin dans l’histoire que l’on peut remonter, et aussi loin dans les préceptes des idéologies que l’on pourrait se ressourcer, il nous semble que finalement, la contestation de l’ordre établi est admise voire programmée, dès lors que celui-ci n’est plus en mesure de se régénérer, de s’ajuster, de se corriger, et de répondre aux attentes de la majorité des citoyens sensée être le bénéficiaire. La querelle des modèles et des formes d’organisation qui a dominé la confrontation des intelligences académiques et syndicales depuis le seizième siècle est proprement futile. Toutes les écoles sociales, de même que toutes les idéologies, prescrivent d’une manière ou d’une autre, la probabilité du soulèvement comme ultime recours pour forcer les mutations et les changements. Le renversement des pouvoirs entre aussi bien dans l’entendement capitaliste de la prévision sociale, politique et économique, que dans l’entendement marxiste. A la théorie de la lutte des classes à outrance et de la révolution permanente fondée sur l’incontournable triomphe de la pensée dialectique, correspond la programmation de la ruine certaine de l’entreprise, de l’investissement et du manager, lorsque la modernisation et l’innovation n’interviennent pas opportunément dans une programmation prévisionnelle.
En somme toute la querelle sur la pensée unique, ne serait que mauvaise interprétation ou insuffisante compréhension du contexte historique d’une part, et intolérance due à la culture des extrêmes d’autre part.

Chaque citoyen placé dans une situation d’insatisfaction continue, de misère cruelle, de tromperie, d’injustice ou de négligence caractérisée, entera en rébellion sans qu’il soit besoin de l’y inviter par des tracts ou par quelques autres voies et moyens d’incitation. La révolte, stade individuel de la rébellion projetée sur l’autorité de fait, appelle forcément l’insurrection entendue alors comme une manifestation collective de défi et de dénonciation d’un nombre important de personnes à un moment donné, dans un cadre précis ou dans une aire géographique pouvant englober tout le territoire d’un pays. Personne ne devrait y voir un accident ni un quelconque phénomène magique. Il y a dans cette expression de colère aux allures parfois vengeresses, les promesses salutaires d’amélioration des rapports humains et de modernisation des outils institutionnels du dialogue. Les grandes nations naissent de ces révoltes devenues des insurrections avant de prendre les chemins des révolutions consacrées. Objectivement, ce sont les soulèvements qui sont à la base des flammes de changement quelques fois violentes, qui ont remodelé les rapports humains et façonner de nouvelles éthiques de considération et de valorisation des genres.

Il faut ici admettre que les sociétés qui historiquement se sont montrées incapables de produire des insurrections valables et viables, n’ont pas avancé au même rythme que celles où, de perpétuels mouvements de revendication ont concouru à l’élévation du niveau de conscience de l’intérêt public de la part des gouvernants. Certaines thèses révisionnistes essaieraient depuis quelques temps, de remettre en cause cette assertion, mais il ne suffit pas de focaliser l’observation sur la Chine classée artificiellement au deuxième rang des économies mondiales, pour faire bonne figure. Les citoyens ne l’ont jamais admis, et ils ne l’admettront jamais, que leur destin collectif soit formaté sur des acceptions politiques convenues par une poignée d’individus de mauvaise foi, par un monarque fut-il éclairé, ou par des doctrines ne permettant pas une liberté effective de choix. C’est donc de l’essence du rôle, de la qualité de la contribution et du niveau de participation du citoyen dans la construction politique et sociale qu’il est question.

Dans ces conditions, c’est de l’incapacité à dégager une typologie scientifique générale sur les colères citoyennes, que résultent les sous entendus obscurantistes et les frustrations personnelles récurrentes en Afrique particulièrement. Les peuples ne se fixent point comme objectif d’existence, la remise en cause permanente des institutions et des dirigeants, mais la logique évolutionniste et existentialiste, impose des mutations constantes qui découlent de l’exigence centrale d’adaptation des institutions aux temps, aux équations nouvelles, et aux perspectives éventuelles. Le principe de la limitation du nombre des mandats revêt donc un caractère sacré. Cette sacralisation découle de la vérité élémentaire selon laquelle, nul ne saurait contredire les évolutionnismes, sans courir le risque de se situer à contresens du statut de la matière, elle qui est connue pour dépérir avec le temps. Voudrait-on concevoir un moteur sans possibilité d’usure, que la somme des sciences et des techniques entrerait tout de suite en opposition avec la fragilité des intelligences et la relativité de la sagesse.
 
Or dans la sphère de l’analyse politique, juger la colère des citoyens contre un pouvoir vieillissant, inutilement long, fatigué, improductif et totalitaire, au-delà de la logique naturelle du besoin de satisfaction d’un besoin, procède de la mauvaise foi. Le soulèvement en Libye n’est pas une haine développée du jour au lendemain contre un individu, c’est du système de cet homme et de ses formes de pensée et d’action qu’il est question. Aux Etats Unis lorsqu’il avait fallu mettre fin à la guerre du Vietnam, les citoyens ont décidé d’engager une série de manifestations publiques qui à terme, ont brisé l’élan guerrier du gouvernement et forcé une révision de la politique étrangère du pays. En France, Dominique De Villepin, premier ministre, du renoncer à un projet d’urgence pour l’emploi des jeunes, lorsque la rue entra en colère et paralysa le pays pendant deux semaines. L’effondrement du mur de Berlin n’est arrivé qu’après que de part en part, des citoyens aient travaillé clandestinement d’abord puis ouvertement ensuite, à saper les bases du régime communiste. Pourquoi continuerait-on dans cette partie du monde qu’est l’Afrique, à avoir une lecture sclérosée et explicitement incomplète de l’histoire sociale du monde. Le statut révolutionnaire et le fait insurrectionnel, sont des états d’esprit qui de tout temps, ont les mieux ordonnancé la configuration génétique naturelle de l’être humain ?

Un citoyen libyen qui s’appelle Mouammar Kadhafi,  a voici quarante deux ans, pris l’initiative de mettre fin à une monarchie jugée obsolète dans son pays. En quatre décennies, il a produit un genre de système de gouvernance qui a traversé assez de temps, produit suffisamment de résultats, et secrété d’énormes défaillances. De nombreux libyens sont nés, ont grandi et ont atteint l’âge de la maturité sous son règne. En 2011, vers la fin du deuxième mois de l’année, des citoyens ont pris avantage de l’ère du temps et du nouveau rythme de la marche du monde chez les peuples insatisfaits, pour s’interroger bruyamment sur leur destin. Le vieux colonel, devenu mythique à force de diatribes diverses, n’a pas voulu comme ailleurs, comprendre le signe du temps et le message des profondeurs des entrailles de son peuple. Aussi-a-t-il promit de les exterminer comme des rats, et d’en faire un événement aussi gravissime et aussi sanglant que celui de la place Tien An Men de triste mémoire en Chine. Joignant les actes à la parole, l’auteur du petit livre vert et de la pantouflarde des Etats unis d’Afrique, s’est mis à bombardé ses sujets avec toute la luxueuse et mortelle quincaillerie acquise à coup de pétrodollars.

Le décor est tout simplement atterrant et bouleversant. Il suffit de revenir à la thèse de la nécessaire sanction lorsqu’il y a faute, pour ne plus tolérer la promesse d’extermination du peuple par le dictateur contesté. Prendre le risque de gérer le destin d’un groupe humain, c’est forcément épouser la perspective d’être mis en cause et interpellé sur les résultats. C’est à cette équation imbattable qu’il faut circonscrire la problématique finale de l’insurrection que certains, bien éclairé, en font un véritable devoir citoyen. Et puis, lorsque le gestionnaire a pris de l’âge et s’est crispé sur des positions monarchiques négatrices de transformation et de dynamique sociale, la cause des insurgés n’en n’est que plus validée et popularisée. Mal gérer devient donc une faute inacceptable, et vouloir gérer à l’infini comme un messie divin inamovible, devient un crime aux yeux du peuple.

La tentation de contournement par des invectives et des arguments personnalisés, ne changera rien à la donne fondamentale du débat dont l’issu est connu d’avance.  Doit-on laisser un dictateur exterminer son propre peuple avec des engins de destruction massive ?

B – L’inconsistance du mythe de la pensée unique

La bêtise qui consiste à convoquer la colonisation, en lieu et place des insurrections populaires légitimes, se situe dans la continuité du mensonge sur la prétendue pensée unique. Il faut d’ailleurs convenir que nous sommes en fait, depuis longtemps, pris au piège du discours accusateur et producteur de vérités imparfaites. En revisitant les outils institutionnels de l’histoire contemporaine, on réalise que c’est de la prééminence d’une société et de modèle qu’il s’agit, et non d’une quelconque volonté programmée de domination et d’asservissement.
Au sortir de la guerre de 1939-1945, l’Europe Occidentale a bien été obligée, ruinée qu’elle était, d’accepter l’aide américaine. Cette Europe là, berceau de la révolution industrielle, ne s’est pas alors positionnée comme une colonie, ni comme la victime passive d’une idéologie de domination. Dans la relation étroite de service réciproque et de complémentarité, les partenaires ont fait jouer le souci de satisfaire les besoins premiers et primaires des citoyens, en privilégiant certes un modèle d’organisation et de production capitaliste. Pourtant, c’est en acceptant et en soutenant la concurrence, et la nécessaire critique, sur tous les plans et à tous les niveaux, que les européens sont parvenus à asseoir des institutions solides en permanence améliorées. La puissance des Etats unis tout comme celle des anciens empires et royaumes dominants, ne fut jamais et n’a jamais été le fruit d’une volonté de nuire à priori. C’est la faiblesse des autres qui fonde la puissance du fort et aucun peuple aspirant à devenir puissant et respecté, n’atteindra son objectif sans se projeter comme candidat à un leadership quelconque
Les stratégies de conquête et de contrôle des positions dans la nomenclature géopolitique et stratégico-économique de la planète, magnifient alors, pour les Etats unis surtout, la permanence de ce que la quasi-totalité de leurs présidents depuis les pères fondateurs, considère comme une mission.

De l’idée de mission, il faut entendre la projection partout et la généralisation, de leur idéologie de libération du citoyen et de la liberté d’entreprendre, de faire des profits, et d’innover. En clair, les Etats nations convaincus de promouvoir à travers leur modèle de construction sociale et de protection des citoyens, le meilleur des systèmes possibles, s’arrogent la latitude d’enseigner aux autres, d’orienter l’ensemble, et de forcer au besoin la mécanique collective à épouser leurs vues. Nous sommes ainsi entrés dans la compétition presque sauvage et barbare que fut la guerre froide, avec sa course aux armements, ses coups bas, ses petits conflits limités et commandités, ses histoires d’espionnage, et ses multiples alliances aux quatre coins de la planète. Russes et américains comptaient chacun plus de trois cent bases militaires sur les cinq continents à la fin des années 1970. Il fallu des accords secrets serrés et une forte retenue morale, pour s’interdire des bases au-delà de l’espace extra atmosphérique.

D’où vient donc la pensée unique ? Elle sort tout droit du commentaire politique en forme de constat de la prééminence de l’Occident et surtout des Etats unis, après l’effondrement de l’Union soviétique. Pendant qu’à la périphérie, on considère la pensée unique comme le produit de la domination des Etats unis et de l’Europe occidentale, en Europe on parle de la pensée unique en pointant du doigt la domination américaine. La vérité se situe pourtant dans l’émulation très forte des courants conservateurs aux Etats unis dès 1981 avec l’arrivée de Ronald Reagan, symbole achevé de la droite pure et dure, à la Maison blanche. Or au moment un certain conservatisme philosophique avait empêché l’Europe de se moderniser et de s’ajuster, cette rendant ses outils de production obsolètes, l’Amérique sortait enfin des prisons psychologiques de la guerre du Vietnam et retrouvait une nouvelle cohésion sociale, idéologique et politique qui permettait de galvaniser son économie. Par ici on avait en face des tissus industriels vieux et dépassés incapables de répondre aux nouveaux défis, pendant que par là-bas une grande Amérique de 250 millions d’âmes retrouvait sa prééminence incontestée dans l’innovation et l’aventure technologique. C’est de la production de cette dynamique d’une exceptionnelle vitalité, qu’est née la téléphonie mobile, internet et tous ses substituts d’aujourd’hui.

Ceux qui envisageaient donc la pensée unique comme la mécanique diabolique d’un rouleau compresseur conçu et entretenu par la Maison blanche, devraient se raviver et réaliser que l’humanité de ce côté du monde, avait  plutôt fait le grand bond. Ce qui est plus pathétique, c’est la dimension tout de suite propagandiste conférée au concept. Au lieu de s’interroger sur les raisons de la faiblesse, la faillite, le retard et la somnolence des autres, on croyait bien faire, en se donnant bonne conscience à peu de frais, en dénonçant plutôt la force, la puissance, la modernité et la vitesse du plus fort, du premier. Voici le cœur du plus grand paradoxe meurtrier de l’histoire contemporaine, car ceux qui ont produit ce discours de jalousie, n’ont pas tardé à lutter âprement pour monter dans le train planétaire de la mondialisation et de la globalisation Les bousculades pour accéder à la qualité de membre de l’OMC en disent long. Nous sommes passés ainsi du stade où toute tentative d’harmonisation et de règlementation du commerce mondial était perçue comme un complot malsain d’un modèle de gestion économique et de gouvernance politique étiqueté capitaliste, au stade où tous les pays l’ont épousé comme outil indispensable d’échange sur le marché international.
Le comportement traditionnel du vaincu et du faible, a donc produit un genre de mentalité précaire qui confronté aux réalités de la gestion sociale d’une part et aux exigences d’existence, de croissance et de reconnaissance d’autre part, a jeté l’éponge, déposé ses armes de lâcheté, et intégré la dynamique du monde.

C – Le rappel insurrectionnel, mais d’abord l’esprit des lois

Il est important, lorsque l’on situe les enjeux dans ce contexte, de se souvenir qu’en France, un ancien président de la cinquième république (Jacques Chirac), a été mis en cause et inculpé, qu’en Israël un ancien président a été contraint à la démission, jugé et condamné à une peine de prison ferme, qu’à La Haye un ancien président et un ancien vice président sont en train d’être jugés (Charles Taylor et Jean Pierre Bemba). La rhétorique du règlement des comptes est inappropriée dans notre démarche. Ce qui nous plaît dans l’étalage des exemples et des situations, c’est la volonté de fédérer la raison insurrectionnelle et révolutionnaire, contre tous les courants négatifs et défaitistes. Les vitalités qui émergent des différents systèmes de gouvernance et de gestion sous forme d’insurrections, sont une garantie pour les citoyens, de la transformation inéluctable du monde, et l’annihilation des dictatures.
 
Quelqu’un voudrait-il se singulariser sous quelques prétextes, qu’il serait immédiatement rappelé à l’ordre au regard de l’harmonie qui se dégage des différentes pratiques. Cette harmonie traduit ainsi, et plus que toute autre démonstration et affirmation, un esprit unique du monde, un instinct légaliste unique, et une prospective générale commune à tous les peuples. La justice joue un rôle à la fois inquisiteur, stabilisateur et réparateur. Nul ne saurait prospérer dans l’erreur sans s’attendre à être interpellé même gentiment, même implicitement. Il nous semble dès lors valable de soutenir que c’est de raison et d’intelligence pures, que les citoyens s’insurgent par-ci et par-là, quand poussés à bout et troublés par l’absence de lisibilité, ils en viennent à ne plus se reconnaître dans les méthodes d’un monarque.

La typologie des insurrections ne prescrit-elle pas la même lecture et les mêmes chemins de façonnement des mentalités surchauffées ? Au départ des rois aimables et volontiers charmants, qui la fin deviennent des fous taciturnes, malicieux, dédaigneux et menteurs. Pour les peuples, une même et égale rétrospection qui ne favorise point la tolérance et l’acceptation de petites mesures de compensation. Vous avez échoué, dégagez ! Et puis, dans le processus de décrépitude, la succession des étapes, selon un agencement programmé qui est le même partout : le dictateur tombe, s’enfuit ou se réfugie quelque part dans le pays (Egypte) sous bonne garde ; quelques serviteurs qui font un peu bonne mine sont maintenus juste pour gérer la transition ; les proscrits d’hier, partis politiques, idéologies et courants religieux sont légalisés ; on commence par promettre une enquête et une nouvelle constitution ; tout ce qui et tous ceux qui portent la marque de l’ancien parti du dictateur sont bannis, détruits, embastillés ; la famille, les amis très proches et les intimes du dictateur sont recherchés, pourchassés, confinés ou expulsés ; on annonce que les comptes à l’étranger sont bloqués ; on annonce que des personnes sont indésirables pour des visas ; des sommités d’hier passent en quelques jours du statut d’éminence à celui de paria et de déshérité politiques, sociaux et diplomatiques. Dans cette foulée, les comptes à l’étranger sont saisis précipitamment et les amis bien placés dans les grandes capitales du monde, se désolidarisent, ne se reconnaissent plus, se cachent, se dédisent ou se confondent en excuses et en tentatives d’explication maladroites (Michel Alliot Marie en France).

Le scénario de départ présente toujours un dictateur très chancelant, qui fait semblant de ne pas être inquiet, masquant sa peur par le silence, le refus d’apparaître publiquement. Le chef fait d’abord jouer les seconds couteaux serviles connus pour agir comme des marionnettes. Puis, lorsque les choses se mettent à glisser vers l’irréparable, on voit le dictateur venir jouer au bon père de famille. Les concessions arrivent à compte goûtes et après, en cascades : libération des prisonniers politiques ; augmentation des salaires des agents de l’Etat ; subvention des produits de première nécessité ; renvoie de quelques extrémistes du régime.

La réalité de cette mise en scène, situe admirablement les séquences académiques et professionnelles de l’esprit des lois. Les insurrections s’inscrivent dans la mécanique d’une chaîne d’événements de cause à effet, dont les acteurs de part et d’autre, subissent d’abord les conséquences positives ou négatives de leurs comportements. La dictature est un crime contre l’humanité et le dictateur est un cancer qu’il faut extirper de la société. Autant l’esprit des lois bâtit son existentiel professionnel et technique sur le couple radicalement antinomique formé par les notions de bien et de mal, autant l’opposition sans concession, qui émerge entre l’avidité pour le pouvoir absolu et éternel d’une part, et les légitimes aspirations des citoyens pour la bonheur et la liberté d’autre part, constitue une norme inviolable d’ordre public, d’hygiène publique, de santé publique et de sécurité publique.

C’est parce que le régime de dictature dans sa volonté de sacralisation systémique, paralyse toutes les voies de recours pacifiques et musèle toutes les intelligences éveillées, que l’insurrection devient l’unique, le salutaire et l’urgent recours. Or le seul fait de construire un système de négation de toute contestation soit de façon brutale soit de façon malicieuse, conduit irrémédiablement à un processus de planification criminelle contraire aux bonnes mœurs et par conséquent à l’éthique publique nationale et internationale. Dès lors que la volonté de pérennisation du système obscurantiste et totalitaire se signale concrètement par des actes probants à l’instar de la modification de la constitution pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats, ou encore par la modification du code électoral pour instaurer un mode d’élection à un tour en lieu et place du mode à deux tours, chaque citoyen éveillé est fondé légitimement à entrer en rébellion.

L’insurrection telle que vécue depuis le renversement du régime du dictateur Ben Ali en Tunisie, est révélatrice du rôle d’éveil et d’éclaireur pour les dirigeants, que peuvent prendre les mouvements d’humeur. L’actualité internationale n’est-elle pas déjà remplie des prouesses de ces esclaves d’un autre genre originaires des pays pauvres qui, maltraités, sous payés, et parfois laissés à l’abandon dans des bateaux poubelles, forcent l’adoption de nouvelles législations internationales ? Il en va réellement de ces navires de la honte comme de certains régimes que l’on n’aurait aucune peine à classer exactement dans un catalogue des régimes de la honte. En plein vingt et unième siècle, un chef d’Etat déclare solennellement devant les caméras et radios du monde, qu’il va réduire son peuple insurgé en tas de cadavres comme des rats qu’il ira chasser maison par maison. Y’a-t-il lieu de prendre des pincettes pour dcider de chasser un tel individu du pouvoir ? Et alors que le monde se penche sur le sort de son peuple devenu la cible de ses armes lourdes de destruction massive, un autre renchérit depuis son palais d’Abidjan transformé en prison, que ni l’ONU, ni l’UA, ni la CEDEAO, n’est qualifié pour lui indiquer le code d’honneur et la morale qui en découle.
La résolution 1973 relative à la Libye est un acte de salubrité publique internationale et représente la plus belle réponse au rappel à l’ordre instrumenté par l’insurrection du peuple libyen. L’humanité n’aurait pas honoré un urgent rendez-vous avec son destin immédiat, si les plénipotentiaires réunis au sein du conseil de sécurité, n’avaient pas voté cette résolution et décidé de son application immédiate. Le tintamarre de quelques voyous et aventuriers inconsistants du verbe outrancier autour du discours anti impérialiste, participe d’une complicité active de crime cotre l’humanité.

D – L’échec des néo panafricanistes face la problématique de la violence insurrectionnelle, et du droit des peuples à choisir leur propre forme de gouvernement

Il convient de s’arrêter un moment sur la consistance de l’argumentation privilégié par cette race d’auto exclus de la marche du monde, pour mettre en exergue, l’ampleur de sa teneur en ridicule et en mauvaise foi. On nous apprend en effet, que la violence et la force, ne sauraient constituer des moyens adaptés pour discipliner les gouvernants sauvages et évincer les dictatures. On nous dit qu’une certaine culture de la fraternité moulée dans une tradition locale de palabre africaine, recommanderait le dialogue à l’infini et des négociations avec les criminels aux mains souillées du sang des innocents. On nous dit que la réprobation générée par les rois fous désireux de passer plusieurs décennies au pouvoir, n’aurait aucune base légale, et surtout que, nous impose-t-on par ailleurs, le peuple serait le seul à décider du nombre des mandats. On nous oppose des souverainetés de ci et de ça. On nous oblige à voir le pétrole, les diamants, de l’argent, des réseaux mafieux partout, sur chaque geste d’humanisme, de compassion et de solidarité. Bref on nous fait comprendre que nous ne saurions nous porter au secours des citoyens menacés de massacre et de génocide par des dirigeants fous, en provoquant de nouveaux morts.

Il y a dans cette présentation, la volonté de tronquer la vérité dans le seul but de perpétuer une fuite en avant, au moment où il apparait de plus en plus compliqué pour certains, d’échapper à l’inquisition et au jugement de l’histoire. On a du mal à croire, que ce sont les mêmes potentats qui majoritairement recourent aux coups d’Etat et aux armes pour parvenir au pouvoir et pour s’y maintenir, qui se font apôtres de la non violence. Si les cadavres des misérables et de toutes les victimes des régimes africains pouvaient automatiquement se transformer en engrais pour fertiliser les sols, la production agricole du continent dépasserait en un seul mois celle des Etats unis, de l’Europe et de la Russie réunie. De tous les peuples de la planète, les Africains au sud du Sahara, sont aujourd’hui de loin les moins bien placés pour obtenir le brevet de non violence. La fameuse coutume africaine de la fraternité et de la famille répandue dans une mythologie calquée sur la vie des sociétés antiques, ne correspond à aucune de nos réalités barbares, cruelles, égoïstes et sanguinaires du moment. La société africaine est devenue essentiellement et prioritairement violente. C’est le règne de l’immoralité partout.

L’habitude du silence complice a finit par mieux influencer et par mieux polir les mœurs en Afrique, que le rayonnement de la téléphonie mobile et de la technologie d’internet. Des intellectuels qui ont eu tout le temps pour s’émouvoir sur les implications de la politique d’exclusion ethnique appliquée de façon satanique par le boulanger d’Abidjan, n’ont jamais levé le petit doigt. Mais il a fallu que le monde entier exige à ce petit voyou par ailleurs enseignant plutôt surprenant d’histoire, de respecter les résultats d’une élection que Alassane Ouattara a régulièrement gagnée, pour qu’une flopée de cancres responsables au plus niveau du retard de l’Afrique, déploient les vieilles banderoles usées de l’anti colonialisme. On se demande toujours qui a colonisé qui et qui représente un malheur pour l’autre aujourd’hui. Et comme une malédiction ne s’exprime jamais parfaitement que dans un duopole obligé, les mêmes sbires à la solde des pouvoirs sales, ont enfourché les trompettes maudites pour trouver des excuses au boucher de Tripoli. On le savait déjà capable de faire exploser des avions de ligne en plein vol, on le sait maintenant capable de traiter des citoyens insurgés comme des rats.

Certes, la réminiscence des crimes nazis, des crimes de ces marchands d’esclaves qui balançaient nos ancêtres par-dessus bord en pleine mer pour alléger leurs navires, vaut plusieurs messes de relativisation des situations et des circonstances, mais il demeure que le monde dans lequel nous vivons, ne peut plus accepter ni même simplement tolérer ce genre de dérapages. L’on comprend les positions hésitantes de la Chine et de la Russie au sein du conseil de sécurité, tout comme personne ne douterait des intentions d’un certain Hugo Chavez proclamant Kadhafi comme la victime de l’impérialisme. Tous les régimes bloqués, fermés, et attentatoires aux bonnes mœurs, et à la liberté d’expression politique, ont pris peur, une peur raisonnable devant la progression des insurrections. A Yaoundé, Brazzaville, Ouagadougou, et consorts, les dirigeants ont perdu le sommeil. Ils sont nombreux, ces dirigeants ayant récemment demandé à leurs progénitures qui avaient l’intention de regagner le pays après leur formation, de renoncer au voyage.

Craindre pour demain est légitime, lorsque l’on est conscient d’être comptabilisé parmi les responsables directs ou indirects de la dictature et de l’inéluctable colère insurrectionnelle des populations. Le retour des images où l’on voyait un petit Sergent de l’armée libérienne du nom de Samuel Doe se venger en coupant les têtes des anciens dirigeants, n’est peut-être plus exclu. L’acharnement des pouvoir sur les constitutions qu’il faut modifier pour mourir au pouvoir, l’injure que constitue la manipulation grossière des couches importantes de la population pour produire des motions et des louanges féériques à l’endroit des princes gouvernants, la surdité volontaire face aux appels des insurrections en cours à la porte d’à côté, sont de nature à nous conduire, aux quatre coins du continent, à des explosions de violence extravagantes. Nous ne courrons pas seulement le risque des guerres civiles, nous sommes exposés à des tsunamis révolutionnaires qui devront d’abord franchir tous les paliers de l’anarchie avant de connaître un point de chute institutionnel. L’Union Africaine et quelques uns de ses thuriféraires intellectuels, seraient donc incapables d’anticiper sur cet océan de larmes, de sang et de cadavres qui s’annonce comme un nuage lourd obscurcissant l’horizon avant une pluie dévastatrice de toutes les cultures et de toutes les récoltes. 

La position de l’Union Africaine sur la Libye est d’autant incompréhensible, qu’elle contredit complètement tous les principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, du droit à l’autodétermination, et du droit pour chaque peuple à choisir librement sa forme de gouvernement. La résolution 1973 du conseil de sécurité sur la protection  des populations libyennes, est le corollaire franc et emblématique de la résolution 1514 votée en 1960 pour l’octroi de l’indépendance aux peuples et territoires non autonomes. Tous ces instruments ont ensemble formé le moule de la légitimation de la violence et de l’insurrection dans le processus de libération des peuples. Or si l’Afrique en tant que entité régionale a pu se faire entendre et prévaloir parfois sur la scène diplomatique mondiale dans les décennies 1960 et 1970, c’est largement pour avoir à travers l’OUA, soutenu le droit des peuples à prendre les armes pour se libérer, des colonies portugaises à l’Afrique du sud sous le joug de l’apartheid. C’est donc le soutien des mouvements armés, de la violence révolutionnaire et insurrectionnelle, qui a donné ses lettres de respect à l’Afrique.

L’Union Africaine et ces quelques intellectuels égarés auraient-ils perdu le nord, le sens de l’avancement du droit des gens et du droit international ?

Si l’Union Africaine ne révise pas au plus vite ses positions, les autres peuples pourraient refuser demain, de se prêter au jeu de signature du livre des condoléances que les jeunes survivants des insurrections en Afrique, ouvriront avec hésitation. La violence lorsqu’elle est tolérée parce que provenant d’un gouvernement qui oppresse son propre peuple, transforme lentement une nation en poudrière, et la prédispose à l’hécatombe insurrectionnelle. En réalité la première insurrection n’est pas le fait des citoyens, mais celui des dirigeants fous qui sont manifestement en rébellion par rapport aux grands principes, et par rapport à la morale internationale, matérielle et spirituelle. L’art de la guerre n’aurait aucun sens, si elle n’était pas le choc des stratégies et des intérêts, à partir des oppositions inconciliables. Dans les insurrections les citoyens qui recourent à la stratégie d’insurrection, répondent donc à une autre stratégie d’insurrection dont il est possible d’identifier et de comptabiliser les préjudices.

Enfin, il faut s’étonner que des individus prompts à sortir des machettes pour résoudre une banale dispute domaniale ou pour exprimer leurs humeurs dans une affaire d’adultère, se réfugient derrière le rejet de la violence pour conforter des dictatures impitoyables et criminelles. D’ailleurs, qui pouvons-nous encore tromper sur nos meurs sauvages, lorsque l’on est renseigné à suffire, sur notre peu de retenue lorsqu’il s’agit de violenter une épouse, un enfant, un vieillard, un indigent ou un handicapé ?

Les Africains doivent cesser de tirer le reste du monde vers les bas fonds de la bêtise. Nous avons cruellement et urgemment besoin d’inventer une nouvelle idéologie de la responsabilité, seule susceptible de nous permettre de nous arrimer effectivement sur la vitesse du monde./.

© Correspondance : SHANDA TONME 27 Mars 2011


01/04/2011
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