Ministère des Finances : Questions autour d’un curieux cambriolage

Mercredi, 21 Juillet 2010 09:00 Paul TONYE NJEL
 

minefiLe récent vol perpétré au ministère des Finances et la sagacité déconcertante des malfaiteurs suscitent de vives interrogations en dépit des déclarations du patron des lieux. Dans une récente interview accordée à la télévision nationale publique, Lazare Essimi Menye revenu ex-nihilo d’un séjour à l’étranger, s’est exprimé sur le passage des cambrioleurs au sein du son cabinet situé au 5e étage du ministère à sa charge. En effet, d’après ce dernier qui relativise les « exagérations » des médias, le bilan du cambriolage se résumerait à la soustraction d’un montant « apparemment négligeable » dont la somme n’a guère été dévoilée. Par ailleurs, Lazare Essimi Menye a précisé qu’aucun document important n’a été emporté contrairement à ce qui avait été dit dans les médias.

Dans cette tentative d’atténuation médiatique du ministre des Finances qui semble ne pas faire l’unanimité, de nombreuses interrogations continuent de tarauder les esprits, notamment sur la facilité d’opératoire des cambrioleurs, sur le montant exact dérobé et enfin, sur la recrudescence de ce phénomène « urbain » qui perdure allègrement étendant sournoisement ses tentacules, service public après service, en dépit de tous les moyens sécuritaires existants.

 

Explications

Depuis le début de cette nouvelle affaire qui frise l’incroyable, des supputations médiatiques ont poussé le ministre à sortir de son retranchement afin d’apporter quelques éclaircissements. Le ministre des Finances, étonné de voir des sommes faramineuses être relayées par les médias avec une certaine précision, récrient le travail de recoupage et le professionnalisme des médias concernés dans la mesure où, en dehors de lui qui constitue la victime et qui ne s’était pas exprimé sur le sujet, seuls les cambrioleurs ou les commanditaires pouvaient avoir dévoilé lesdits montants. Par ailleurs, d’après lui, une telle somme ne peut en aucun  cas se retrouver dans son bureau dans la mesure où lesdits coffres-forts se situant dans un réduit appelé « salle des coffres », ne peuvent pas contenir un tel montant. « Transporter 700 millions FCfa demande pratiquement une camionnette vu le poids de cette somme or dans ce cas, les policiers auraient été aussitôt alertés… En plus, un tel montant ne peut pas résider dans nos bureaux. Je m’occupe de la paperasse, l’argent de l’Etat est domicilié au trésor, qui lui aussi le garde à la banque centrale… Pour ceux qui ne le savent pas, depuis deux ans, nous effectuons nos règlements par virement bancaire… » Précisions du Minfi.

 

Interrogations

Toutefois, loin d’avoir apporté des réponses convaincantes à toutes les questions, les observateurs demeurent anxieux et perplexes. D’après certains, même si les montants avoisinant le milliard de francs Cfa évoqué précédemment par les journaux frisent pratiquement le ridicule, les explications de Lazare Essimi Menye ne peuvent faire l’objet d’une parole d’évangile. « L’analyse du mode opératoire des malfaiteurs démontrent clairement que les responsables de ce forfait, connaissaient bien les lieux. Avec mon expérience au sein de la police, les cambrioleurs professionnels, comme c’est le cas dans cette affaire, ne procèdent jamais à une opération sans avoir au préalable des renseignements précis sur les objets à cambrioler. Je ne pense pas que ces malfrats se soient autant donné de mal pour venir dérober un montant insignifiant comme veut faire croire le ministre à moins d’avoir été peut-être mal renseigné. ». Indique une source policière.

Pour d’autres, l’objet du cambriolage pourrait avoir un lien avec la présence des enquêteurs du ministère en charge du contrôle supérieur de l’Etat dans les services de la Trésorerie générale du Cameroun. Une piste qui pourrait cacher une volonté de quelques personnes « éperviables » des deux services publics, de dissimuler des dossiers « à risques » pouvant conduire à des éventuelles incarcérations.

 

Récurrences

Toujours est-il qu’au-delà des supputations qui font déjà couler beaucoup d’encre et de salive, le problème ne se situe guère au niveau de la provenance du montant. En fait, Au regard de la sécurité présente dans ce ministère situé en plein cœur de la ville de Yaoundé, comment des individus non identifiés ont-ils pu traverser dans un premier temps les policiers armés qui assurent  la garde des locaux et ensuite, les agents de sécurité d’une société de gardiennage agréée, sans attirer l’attention ? Par où et comment se sont échappés les malfaiteurs, leur matériel de travail et leur butin or, les différentes entrées sont gardés 24h sur 24 par une patrouille de police ?

Pour le Groupement Mobile d’intervention, ce cambriolage n’exclut personne parmi les équipes chargées d’assurer la sécurité cette nuit. En outre, toutes les personnes parmi celles responsables de la sécurité au moment du vol sont actuellement entendues à la direction de la police judicaire. « En attendant, se lancer dans des tergiversations vaines ne résoudra pas le problème. Une enquête a été ouverte et il faut laisser les forces de l’ordre faire convenablement leur travail. ». S’est exprimé un des enquêteurs dans un quotidien privé.

Cependant, au-delà du cambriolage dont vient d’être l’objet le ministère des Finances, plusieurs cas, opérés sensiblement suivant le même mode opératoire et avec une certaine facilité, suscite des interrogations. Après les coups spectaculaires de cambriolage survenus Palais de justice de Mokolo à Yaoundé, à la Délégation générale à la sûreté Nationale et au Ministère de la défense, ce dernier cas qui complète une longue file d’affaires similaires, devrait amener les uns et les autres à remettre en cause, les millions dégagés des caisses de l’Etat chaque année pour la sécurité dans lesdits services publics. Une répétition des cambriolages qui rappelle l’année 1997 durant la quelle plusieurs départements ministériels avaient été visités par des malfrats et qui malheureusement, malgré les diverses enquêtes ouvertes s’étaient achevées en cul-de-sac, ne conduisant à aucune véritable arrestation.

 

Paul Tonye Njel



22/07/2010
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