Marchés publics: flagrant délit d’arnaque à la Camwater

YAOUNDE - 27 AVRIL 2015
© Dieudonné Mveng | La Météo

 

Un prestataire de services se déchaîne contre le Dg Williams Sollo et le président de sa commission de passation des marchés. Le gouvernement interpellé dans une lettre incendiaire.

 

 

Un brûlot, sous la forme d’une «dénonciation de corruption». Voilà le document actuellement sur la table du ministre délégué à la présidence de la République en charge des Marchés publics (Minmap), Abba Sadou. Trois pages à glacer le sang dans les veines, avec copies au secrétaire général de la présidence (Sg/Pr), au secrétaire général des services du Premier ministre (Sg/Pm), au ministre de l’Eau et de l’Energie (Minee), au Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), à la Commission nationale anti-corruption (Conac)et à l’Agence nationale d’investigation financière (Anif).

 

La croustillante missive, que votre journal a pu consulter dans les services du Minmap, pointe un principal acteur, présenté comme figurant «en bonne place» des «poches de résistance» contre l’assainissement des mœurs dans le domaine des marchés publics : le directeur général de la Cameroon Water Utilities (Camwater), Jean Williams Sollo. L’auteur desdites dénonciations, le directeur général de Catracob Sarl, Mamouda Ali, décrit un «dirigeant [qui] viole régulièrement et ostentatoirement les dispositions» portant Code des marchés publics et qui énoncent, en leur article 2, les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement des candidats ainsi que la transparence des procédures.

 

Le maître d’ouvrage Sollo, à qui l’accusateur entre les lignes prête des faits de récidive dans la passation des marchés, «s’implique souvent directement, parfois par personnes interposées, pour poser des conditions aux soumissionnaires engagés dans une compétition pour l’adjudication des contrats pourtant censée être transparente et objective, pour ne favoriser que la meilleure offre».

 

Le Dg de Camwater est, cette fois, épinglé dans un appel d’offres national ouvert du 11 décembre 2014, lancé en procédure d’urgence et portant fourniture de compteurs de consommation d’eau à son entreprise. Catracob, qui dispose d’une unité d’assemblage de compteurs à Yaoundé, au lieu dit Odza, et actuellement la seule unité de ce type au Cameroun, est naturellement dans la course. Mamouda Sali est d’autant plus confiant que son unité est la seule à pouvoir tenir les délais de livraison d’un mois, une importation de compteurs d’eau pouvant prendre beaucoup plus de temps.

 

Mais son promoteur ne va pas tarder à déchanter, face «aux difficultés» délibérément dressées sur sa route. Pour commencer, l’ouverture des plis est reportée le jour dit, sans raison apparente et pour un appel d’offre réputé lancé «en procédure d’urgence», «vraisemblablement dans le but de susciter une deuxième candidature» puisque Catracob ayant été la seule société à soumissionner et à remplir les conditionnalités. S’ensuivent «des appels du pied émanant de l’entourage» de Jean Williams Sollo.

 

Mamouda Sali résiste, face à l’«acharnement du Dg à vouloir [lui] extorquer de l’argent». Il convient de préciser qu’un fâcheux précédent oppose les deux hommes depuis que, explique le patron de Catracob, M. Sollo a voulu qu’il lui cède «gratuitement des actions» dans son usine en brandissant son titre de directeur de la Camwater. «Je lui ai répondu que j’étais disposé à ne lui céder des actions que dans le cas où il consentait à les acheter», écrit-il au Minmap.


Caisse sans fonds

Las d’être tourné en bourrique, le patron de Catracob fait dans un premier temps une déposition verbale à la cellule de communication du Minmap. Mais sa dénonciation ne s’arrête pas à la personne de Jean Williams Sollo : «Il convient de souligner, pour le déplorer, que la commission interne, notamment son président, ne joue pas son rôle d’arbitre.» Mamouda Ali pointe alors un doigt accusateur sur le président de ladite commission, Henry Mbah, qui «serait de mèche» avec le Dg de la Camwater «en violation des procédures». «Cette situation, étaye-t-il, serait partie du fait que le président de la commission aurait fait main basse sur les indemnités dues aux membres des sous-commissions d’analyse et, pour éviter que le scandale ne soit porté sur la place publique par le maître d’ouvrage, il s’est allié à ce dernier pour couvrir ses magouilles.»

 

A l’appui de ces affirmations, le promoteur de Catracob se souvient avoir été approché en décembre dernier par Henry Mbah, qui lui demandait une somme de 5 millions de francs destinée au remboursement de fonds indument puisés dans le budget de fonctionnement de sa commission. Une forme de chantage à laquelle Mamouda Ali affirme avoir résisté. Et de lancer cette ultime alerte au Minmap Abba Sadou : «(…) je vous prie, Monsieur le ministre, de prendre le problème de la Camwater au sérieux, car cette société d’État est, après la Sonara [Société nationale de raffinage], la structure qui passe annuellement le plus grand nombre de marchés publics. Ce serait un fâcheux précédent si la jungle venait à s’installer à la Camwater avec Monsieur le Dg Williams Sollo qui n’en fait qu’à sa tête, tuant ainsi la réforme du système des marchés publics qui, en créant le Minmap, permet aux entreprises de ne plus subir, comme avant, le diktat des maîtres d’ouvrage qui n’arrivent pas toujours à comprendre, même aujourd’hui, que le temps où ils régnaient en maîtres absolus dans la sphère des marchés publics est révolu.»

 

Ainsi que le veut la démarche déontologique, La Météo s’est rapprochée du président de la commission des marchés de la Camwater qui, après avoir feint l’étourderie, aura à deux reprises, promis de rappeler la rédaction. Quant à Mamouda Ali, également joint au téléphone, il a non seulement confirmé être l’auteur de la lettre incendiaire, mais aussi promis, au cas où aucune suite n’y était donnée, d’aller «plus loin» dans sa croisade contre le chantage et l’arnaque institués à la Camwater par «l’insatiable Sollo». Ce serait alors le énième caillou dans le jardin fangeux de cette société publique et de son vénérable directeur général, dont votre journal a jadis relaté quelques croustillants épisodes. Décidément et à l’observation, Sollo ne peut plus changer.

Dieudonné Mveng

 



27/04/2015
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